Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012, présentée pour la société Vicat, dont le siège est Tour Manhattan 6 place de l'Iris à Paris La Défense Cedex (92095) ;
La société Vicat demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1205334 et 1205335 du 9 novembre 2012 par laquelle le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes de tierce opposition dirigées contre les ordonnances n° 1203958 des 24 juillet et 9 août 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble et les mesures de constat qu'elles prescrivent ;
2°) de déclarer non avenues les ordonnances et les mesures de constat susmentionnés ;
3°) de condamner la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que le président du tribunal administratif a estimé irrecevables ses demandes en tierce opposition, du fait que les ordonnances attaquées se bornaient à faire constater des faits, et ne demandaient pas à l'expert de se prononcer sur l'origine des désordres ; que le choix de l'expert, qui avait en janvier 2011 dépassé les termes d'un simple constat, aboutissait à favoriser la commune ; que les faits litigieux, et sa responsabilité éventuelle dans la survenance des fissures du hameau de Mas Caché, ne sont pas susceptibles de donner lieu à un litige relevant du juge administratif ; que le constat sollicité était inutile, et faisait double emploi avec le référé du 9 mars 2011 du juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble ; que la commune avait la possibilité d'obtenir du juge et de l'expert judiciaires les mesures sollicitées ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 février 2013, par lequel la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux, représentée par son maire en exercice, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la demande est irrecevable, car le référé prévu par l'article R. 531-1 du code de justice administrative, qui ne vise qu'à une constatation de faits, et non à définir les droits des parties et les responsabilités encourues, ne peut préjudicier aux droits de la requérante ; que sa demande de tierce opposition est tardive au regard du délai de 15 jours prévu par l'article R. 531-1 du code de justice administrative ; que le constat est nécessaire, car le domaine public communal et des habitations privées ont été affectés par un fort mouvement de terrain ; que la responsabilité de la commune, qui a des obligations en matière de sécurité publique, pourrait être engagée par les habitants du hameau ; que le constat est utile, car la procédure judiciaire tend à mettre en évidence les désordres et préjudices subis par les propriétaires privés, et une éventuelle responsabilité de Vicat, alors que le constat demandé par la commune devant le juge des référés administratifs ne vise pas à établir de responsabilité, et la commune doit surveiller l'état de son patrimoine et des habitats privés ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2013, par lequel la requérante persiste dans ses écritures, et soutient, en outre, que ses demandes en tierce opposition ne sont pas tardives, faute de signification et de notification des ordonnances ;
Vu l'ordonnance du 28 février 2013 reportant la clôture d'instruction au 15 mars 2013 à 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :
- le rapport de M. Rabaté, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de Me Ravit, avocat de la société Vicat, et celles de Me Fessler, avocat de la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux ;
1. Considérant qu'à la suite de mouvements de terrains ayant affecté le hameau " Le Mas Caché ", le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a, par ordonnance du 17 janvier 2011, et à la demande de la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux (Isère), désigné un expert afin de constater l'état dudit hameau ; qu'à la demande de propriétaires du hameau, la commune étant par la suite intervenue dans la procédure, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble, par ordonnance du 9 mars 2011, a ordonné une expertise pour décrire les désordres affectant les propriétés communales et privées du hameau, en rechercher les causes, notamment en inspectant les cavités exploitées par la société Vicat, et indiquer les travaux propres à y remédier et les préjudices ; qu'à la demande de la commune, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a, par ordonnances des 24 juillet et 9 août 2012, mandaté l'expert déjà désigné en janvier 2011 pour constater l'état du hameau, de la voie communale et dépendances, des terrains attenants et de 16 propriétés privées ; que, par la présente requête, la société Vicat, qui n'avait pas été mise en cause par le juge des référés administratif, relève appel de l'ordonnance du 9 novembre 2012 par laquelle le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes de tierce opposition dirigées contre les ordonnances des 24 juillet et 9 août 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble et les mesures de constat qu'elles prescrivent ;
Sur la recevabilité des tierces oppositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision " ; qu'aux termes de l'article R. 531-1 du même code : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction administrative(...) le délai pour former tierce opposition est de 15 jours " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une personne tierce à une instance engagée sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative est recevable à former tierce opposition contre celle-ci dès lors qu'à la suite de l'exécution de cette ordonnance, sa responsabilité est susceptible d'être mise en jeu, circonstance qui, de ce seul fait, préjudicie à ses droits, au sens de l'article R. 832-1 du même code ; qu'ainsi qu'il a été dit la responsabilité de la société Vicat dans la survenance des désordres du hameau " Le Mas Caché " avait été mise en cause devant le juge judiciaire ; qu'en outre, l'expert désigné par le juge des référés administratif, dans ses rapports établis en janvier 2011 et août 2012, avait émis l'hypothèse que l'origine des désordres était due à un effondrement des carrières exploitées par la société Vicat, alors qu'il n'était pas saisi de cette question ; que par suite, c'est à tort que le premier juge a estimé que les constats ordonnés les 24 juillet et 9 août 2012 ne préjudiciaient pas aux droits de la société ; que si la commune fait valoir que les demandes de tierce opposition ont été formées après l'expiration du délai de 15 jours prévu par l'article R. 531-1 précité du code, il est constant que les ordonnances des 24 juillet et 9 août 2012 n'ont pas été signifiées ou notifiées à la requérante ; que, dès lors, ce délai ne peut être opposé ; que dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé que ses demandes de tierce opposition étaient irrecevables ; qu'il suit de là que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les tierces oppositions de la société Vicat ;
Sur le bien fondé des tierces oppositions :
5. Considérant qu'il résulte de l'examen de l'ordonnance du 9 mars 2011 du juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble, laquelle avait étendu à la commune les mesures d'expertise sollicités par des propriétaires privés, que celle-ci avait prescrit une expertise afin notamment de décrire les désordres affectant les propriétés communales et privées du hameau ; qu'ainsi, et contrairement aux allégations de la collectivité, les mesures de constat qu'elle avait sollicitées, et qui avaient été prescrites par ordonnances des 24 juillet et 9 août 2012, avaient déjà été ordonnées ; qu'elles ne présentaient donc pas de caractère utile ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante, sans qu'il soit besoin d'examiner son autre moyen, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes de tierce opposition ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à la condamnation de la société Vicat, qui n'est pas partie perdante à l'instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux à verser à la requérante une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 9 novembre 2012 du président du Tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : Les ordonnances des 24 juillet et 9 août 2012 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble sont déclarées non avenues.
Article 3 : La commune de Saint-Martin-Le-Vinoux versera à la société Vicat une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vicat et à la commune de Saint-Martin-Le-Vinoux.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2013, où siégeaient :
- M. Tallec, président de chambre,
- M. Rabaté, président-assesseur,
- Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2013.
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N° 12LY02882