Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et son épouse Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2022 par lesquels le préfet de l'Aisne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, les a signalés dans le système d'information Schengen et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par deux jugements n° 2200770 et 2200774, 2200940 du 21 avril 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2022 sous le n° 22DA02030 et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2022, 11 janvier et 3 février 2023, M. D... B..., représenté par Me Edgar Kinganga, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer dans un délai de quinze jours un récépissé de demande de carte de séjour valable le temps de l'instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal, qui n'a pas pris en compte les documents qu'il a produits, a dénaturé les pièces du dossier ;
- l'administration, qui n'a pas produit les documents sur la base desquels elle s'est fondée pour rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour, a méconnu le principe du contradictoire ;
- l'arrêté contesté est contraire à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les soins dont il a besoin ne sont pas disponibles au Congo ;
- le collège de médecins de l'OFII n'a pas tenu compte de sa demande relative aux soins ophtalmologiques ;
- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 1er septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
II. Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2022 sous le n° 22DA02035 et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2022 et 3 février 2023, Mme C... épouse B..., représentée par Me Edgar Kinganga, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer dans un délai de quinze jours un récépissé de demande de carte de séjour valable le temps de l'instruction de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal, qui n'a pas pris en compte les documents qu'elle a produits, a dénaturé les pièces du dossier ;
- l'administration, qui n'a pas produit les documents sur la base desquels elle s'est fondée pour rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour, a méconnu le principe du contradictoire ;
- les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Congo ;
- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par décision du 1er septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme B....
La cour a recueilli l'avis de M. et Mme B... sur la levée du secret médical et a transmis aux parties le rapport médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) enregistré le 5 janvier 2023, ainsi que les observations produites par l'OFII le 20 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B... et Mme A... C... épouse B..., ressortissants de la République du Congo, nés respectivement les 18 janvier 1957 et 1er décembre 1971, sont entrés en France le 16 mars 2020. Ils ont demandé le 8 juillet 2021 la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Ils relèvent appel des jugements du 21 avril 2022 par lesquels le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 27 janvier 2022 par lesquels le préfet de l'Aisne a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, les a signalés dans le système d'information Schengen et leur a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. Les requêtes susvisées n° 22DA02030 et n° 22DA02035, présentées pour M. et Mme B..., présentent à juger les mêmes questions et on fait l'objet d'une instruction commune. Il a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. Il ressort des énonciations des jugements attaqués que les premiers juges ont bien pris en compte les pièces produites par M. et Mme B... au cours de l'instruction, à savoir des rapports de l'Organisation mondiale de la santé, une thèse de doctorat sur l'accès aux soins en République du Congo et un article du 5 décembre 2018 sur l'état dans lequel se trouve le centre hospitalier de Brazzaville. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que ces jugements seraient entachés d'omissions à statuer, le moyen tiré de la " dénaturation des pièces du dossier " ne pouvant quant à lui être soulevé que devant le juge de cassation.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. D'une part, en application des principes dégagés par l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, la cour a recueilli l'avis favorable de M. et Mme B... sur la levée du secret médical et leur a transmis le rapport médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) enregistré le 5 janvier 2023 ainsi que les observations produites par l'OFII le 20 janvier 2023. L'avocat de M. et Mme B... a répondu à ces observations par un mémoire enregistré le 3 février 2023. Ainsi, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.
6. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers que, par deux avis du 16 novembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. D... B... et de Mme A... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en République du Congo, ils pouvaient y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des éléments produits par l'OFII que M. B... souffre depuis l'année 2016 d'un diabète sucré qui ne présente pas de complications et qu'il a d'ailleurs pu soigner dans son pays d'origine pendant quatre années. Il ressort de la base de données MedCOI d'octobre 2022 que les antidiabétiques oraux que son état de santé nécessite, sont disponibles au Congo. M. B... souffre aussi d'hypertension qui ne présente pas de complications selon l'OFII, qui considère qu'il s'agit d'un simple facteur de risque. Si l'intéressé soutient qu'il souffre de la cataracte, il n'établit pas que cette pathologie aurait été mentionnée dans le rapport que son médecin a transmis au collège de médecins de l'OFII dont l'avis n'est, dès lors, pas entaché de partialité, ni qu'il ne pourrait se faire soigner dans son pays d'origine. Quant à Mme B..., elle souffre d'un diabète sucré et d'obésité. Si les appelants produisent des éléments généraux sur l'accès aux soins en République du Congo, des rapports de l'Organisation mondiale de la santé, une thèse de doctorat sur l'accès aux soins en République du Congo et divers articles de presse, ces documents ne permettent pas d'établir l'impossibilité d'être soigné dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
8. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme B... vivent en France depuis moins de deux années à la date des arrêtés litigieux, ils n'ont pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représentent pas une menace à l'ordre public. Ils ne comptent aucune attache privée et familiale en France, à l'exception de deux enfants issus d'une précédente union de Mme B..., tandis que le reste de leur famille, dont leurs six enfants, réside au Congo où ils ont vécu respectivement jusqu'aux âges de soixante-trois ans et quarante-huit ans. Dès lors, le préfet de l'Aisne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à l'encontre de M. et Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par suite, le moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 27 janvier 2022 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°22DA02030,22DA02035