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09/06/2011 | FRANCE | N°08MA03581

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 09 juin 2011, 08MA03581


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour Mme Ingrid Alice A, demeurant ..., par Me Trèves ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500631 en date du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Université de Montpellier I à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des fautes qui auraient été commises par le jury du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit français et européen de la commer

cialisation des produits touristiques, qui s'est réuni le 10 juin 1998 et le 20 se...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2008, présentée pour Mme Ingrid Alice A, demeurant ..., par Me Trèves ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500631 en date du 20 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Université de Montpellier I à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des fautes qui auraient été commises par le jury du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit français et européen de la commercialisation des produits touristiques, qui s'est réuni le 10 juin 1998 et le 20 septembre 2004 ;

2°) de condamner l'Université de Montpellier I à lui verser la somme de 105 000 euros avec les intérêts et les intérêts des intérêts à compter de sa requête introductive d'instance ;

3°) de mettre à la charge de l'université la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

- et les observations de Me Treves, pour Mme A ;

Considérant que Mme A, candidate à l'examen du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit français et européen de la commercialisation des produits touristiques délivré par l'Université de Montpellier I, a obtenu, par arrêt de la Cour de céans en date du 27 avril 2004, devenu définitif, l'annulation de la délibération du 19 octobre 1998 du jury de ce diplôme, en tant qu'il la déclarait ajournée, au motif que le procès-verbal de la délibération de ce jury, daté du 10 juin 1998, corrigé et raturé, ne permettait pas d'identifier les signataires du document, qui étaient en outre moins nombreux que les membres du jury ; qu'en exécution de cet arrêt, le jury s'est de nouveau réuni le 20 septembre 2004 et n'a pas accordé à Mme A le diplôme d'études supérieures spécialisées auquel elle se présentait ; que Mme A a demandé le 31 janvier 2005 au Tribunal administratif de Montpellier la condamnation de l'Université de Montpellier I à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis du fait des fautes qui auraient été commises par l'université en la déclarant ajournée à deux reprises le 10 juin 1998 et le 20 septembre 2004 ; que, par jugement en date du 20 mai 2008, le tribunal a rejeté sa demande ; que Mlle A demande à la Cour d'annuler ce jugement et de lui accorder une indemnisation d'un montant de 105 000 euros ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée par l'Université de Montpellier I de l'absence de demande préalable de Mme A ;

Sur les conclusions indemnitaires relatives à la délibération du jury en date du 10 juin 1998 :

En ce qui concerne l'existence d'une faute :

Considérant que la décision en date du 10 juin 1998 du jury du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit français et européen de la commercialisation des produits touristiques, déclarant Mme A ajournée à cet examen, a, comme il a été dit, été annulée par la Cour de céans qui a constaté que le jury qui a délibéré sur son admissibilité n'était pas en possession de toutes ses notes et que le procès-verbal des délibérations du jury, daté du 10 juin 1998, corrigé et raturé, ne permettait pas d'identifier les signataires du document, qui étaient moins nombreux que les membres du jury ; que, de ce fait, le jury de l'Université de Montpellier I a commis une faute de nature à engager la responsabilité de celle-ci ;

En ce qui concerne l'existence de préjudices indemnisables :

Considérant que Mlle A soutient qu'elle a fait le choix de quitter un emploi qui lui rapportait 45 000 euros par an en Allemagne pour poursuivre ses études à l'Université de Montpellier I et demande la condamnation de l'université à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de ses pertes de salaire, des frais occasionnés par son séjour à Montpellier ainsi que de la perte de chance de valoriser sa carrière professionnelle ; qu'elle demande en outre que l'université soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des procédures multiples qu'elle a dû engager ;

S'agissant du préjudice professionnel :

Considérant que les fautes commises par un jury d'examen ou de concours ne sont susceptibles d'ouvrir un droit à réparation que si le candidat justifie de la perte d'une chance sérieuse d'être admis à l'examen ou au concours auquel il s'est présenté ;

Considérant, en premier lieu, que Mlle A soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de fait en relevant qu'elle avait obtenu 86 points sur 200 aux six épreuves d'admissibilité alors qu'elle aurait obtenu en réalité 86 points sur 100, ce qui l'aurait placée en position favorable pour obtenir son admission ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que le règlement de l'examen auquel Mme A s'est présentée prévoyait, par le jeu des coefficients attribués aux six épreuves d'admissibilité, que le seuil de celle-ci était fixé à 200 points ; qu'en outre, un relevé de notes daté du 19 octobre 1998, produit aux débats et différent de celui dont la Cour avait relevé le caractère raturé et peu lisible par son arrêt lu le 27 avril 2004, mentionnait clairement que Mme A n'avait obtenu que 86 points sur 200 ;

Considérant, en second lieu, que Mme A ne fait état ni d'un succès à un examen de même niveau au cours des années qui ont suivi son ajournement ni d'éléments, tels que des rapports favorables d'enseignants ou des notes obtenues en cours de scolarité, qui seraient de nature à faire apparaître qu'elle aurait eu une chance sérieuse d'obtenir en 1998 le diplôme auquel elle se présentait ; que, par suite, les fautes commises par l'université ne sont, en l'absence pour la requérante de perte de chance sérieuse d'être admise à l'examen, à l'origine d'aucun préjudice professionnel indemnisable ;

S'agissant du préjudice lié aux multiples procédures engagées par Mme A :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 1 du code de justice administrative permettent à tout justiciable de demander au juge administratif et d'obtenir, le cas échéant, en cas de succès de son action, le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;

Considérant que si, pour faire reconnaître l'irrégularité de la délibération du jury en date du 10 juin 1998, Mme A a dû engager une action devant le Tribunal administratif de Montpellier qui a donné lieu à un jugement du 29 septembre 1999 rejetant sa demande et relever ensuite appel de ce jugement pour en obtenir l'annulation par l'arrêt de la Cour de céans en date du 27 avril 2004, et si elle n'a pas, en cette dernière occasion, obtenu l'allocation de frais irrépétibles qu'elle n'avait d'ailleurs pas demandés, cette circonstance ne saurait être regardée comme étant à l'origine, dans la présente instance, d'un quelconque préjudice indemnisable dès lors qu'elle pouvait demander le remboursement d'éventuels frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 susmentionné devant les juridictions qu'elle avait alors saisies ; qu'en outre, la requérante ne justifie pas les frais qu'elle affirme avoir engagés pour saisir la commission d'accès aux documents administratifs ou une juridiction allemande ;

Sur les conclusions indemnitaires relatives à la délibération du jury en date du 20 septembre 2004 :

Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que le jury qui s'est réuni le 20 septembre 2004 était irrégulièrement constitué dès lors qu'y siégeaient trois professeurs dont un seul était présent au cours de l'année universitaire scolaire 1997-1998 et que l'université aurait commis une confusion entre les diplômes qu'elle était habilitée à délivrer ;

Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que, pour exécuter l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille en date du 27 avril 2004, l'université s'est trouvée dans l'obligation de réunir le jury du diplôme d'études supérieures spécialisées de droit français de la commercialisation des produits touristiques, dès lors que le diplôme présenté en 1998 par Mme A, qui portait sur le droit français et européen de la commercialisation des mêmes produits, n'existait plus ; qu'en outre, il n'était pas possible de réunir à nouveau les membres du jury qui s'étaient prononcés en 1998 notamment en raison du décès d'un des professeurs et du départ d'autres membres de l'équipe enseignante ; que, dans ces conditions, la réunion d'un jury constitué des mêmes membres que ceux qui composaient le jury de 1998 doit être regardée comme constituant une formalité impossible ; que, par suite, l'université n'a commis aucune illégalité fautive du fait de la composition du jury réuni en 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient que la délibération du jury devait être signée par deux personnes au moins, tel est le cas de la délibération du 20 septembre 2004 qui est signée du président du jury et de deux assesseurs ;

Considérant, en troisième lieu, que l'appréciation portée par un jury sur les mérites d'un candidat n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge administratif ; que, dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement soutenir que la note qu'elle a obtenue en anglais serait trop basse ; que le jury qui s'est réuni le 20 septembre 2004 a pu également porter sur les mérites de la candidate une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge en attribuant aux six épreuves d'admissibilité les mêmes notes qui avaient déjà été attribuées à Mme A le 10 juin 1998 et qu'il n'a pas jugé utile de modifier ou en refusant de lui attribuer les points jury qui lui auraient permis d'atteindre la moyenne ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que le principe jurisprudentiel de la souveraineté du jury serait contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant dès lors qu'un jury d'examen ou de concours ne constitue pas un tribunal au sens de cet article ;

Considérant qu'il résulte ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que la délibération en date du 20 septembre 2004 serait entachée d'une illégalité fautive ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché de contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Université de Montpellier I, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'université tendant à l'application du même article ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Université de Montpellier I tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Ingrid Alice A et à l'Université de Montpellier I.

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N° 08MA03581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03581
Date de la décision : 09/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de l'enseignement.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : SCP S. JOSEPH-BARLOY - F. BARLOY ; SCP S. JOSEPH-BARLOY - F. BARLOY ; AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-06-09;08ma03581 ?
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