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12/03/2025 | FRANCE | N°52500271

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 mars 2025, 52500271


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 mars 2025








Rejet




M. SOMMER, président






Arrêt n° 271 FS-B


Pourvoi n° E 22-23.460








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025


M. [M] [H], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-23.460 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le lit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mars 2025

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 271 FS-B

Pourvoi n° E 22-23.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025

M. [M] [H], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-23.460 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2022 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Manpower France, société par action simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ au syndicat CGT énergie 66, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [H], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Manpower France, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société EDF, les plaidoiries de Me Robillot pour M. [H] celles de Me Le Prado pour la société Manpower France et celles de Me Sevaux pour la société EDF, et l'avis de Mme Canas, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Canas, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 septembre 2022), M. [H] a été mis à disposition de la société EDF par la société Manpower France (l'entreprise de travail temporaire) en qualité de conseiller de clientèle affecté à Perpignan, suivant deux contrats de mission successifs sans terme précis, le premier à compter du 4 mai 2010 pour une durée minimale de six mois pour pourvoir au remplacement d'une salariée absente pendant la durée de son congé maternité, le deuxième à effet du 1er novembre 2010 pour pourvoir au remplacement de la même salariée pendant la durée de son congé parental d'un an.

2. Le 22 avril 2011, le salarié s'est déclaré candidat aux élections de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel.

3. Le 4 mai 2011, le salarié et l'entreprise de travail temporaire ont signé un protocole de rupture amiable du deuxième contrat de mission à effet du 5 mai 2011.

4. Le 5 mai 2011, ils ont signé un troisième contrat de mission, au motif d'un accroissement temporaire d'activité, devant expirer le 1er novembre 2011, par lequel le salarié a été mis à disposition de la société EDF en qualité de télévendeur affecté à [Localité 5].

5. A compter du 30 août 2011, le salarié a exercé divers mandats de représentation du personnel et syndicaux.

6. Le 12 juin 2013, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Au dernier état de celles-ci, il a sollicité à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire le paiement de rappels de salaires, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, pour discrimination syndicale et pour entrave à l'exercice de ses fonctions syndicales, la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et, invoquant notamment la violation de son statut protecteur, la nullité de la rupture amiable du deuxième contrat de mission intervenue le 4 mai 2011.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen et le quatrième moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire, autres que celles relatives à la discrimination syndicale, à l'entrave à l'exercice du droit syndical et au harcèlement moral, alors « que tout employeur doit assurer une égalité de salaire à tous ses salariés placés dans une situation identique ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que M. [H] ne pouvait bénéficier de l'avantage en nature énergie en tant qu'agent temporaire, que la différence de traitement appliquée par l'employeur était fondée sur la circulaire Pers. 161 qui opérait une distinction entre agents statutaires et agents temporaires et avait valeur réglementaire de sorte que l'employeur était tenu de l'exécuter, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'application de ce texte ne devait pas être écartée en raison de sa contrariété avec des normes de valeur juridique supérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe à travail égal salaire égal, des articles L. 3221-2, L. 3221-3, L. 3221-4, L. 1251-1, L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail ensemble l'article 7 du Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels et de la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé que l'avantage en nature énergie, consistant en une réduction de la facture de consommation d'énergie, avait été mis en place au bénéfice des agents statutaires à l'exclusion des agents temporaires par la circulaire Pers. 161 du 16 novembre 1949, ayant valeur réglementaire.

10. Aucune exception d'illégalité de cette circulaire n'ayant été invoquée devant elle et la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire ne pouvant permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a, sans encourir le grief du moyen, retenu que la circulaire Pers. 161 du 16 novembre 1949 s'imposait à l'employeur qui n'avait d'autre choix que de l'appliquer.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de toutes ses demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire autres que celles tendant à la nullité de la rupture du deuxième contrat de mission pour violation du statut protecteur, à sa réintégration et à la réparation de ses préjudices

12. Le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de toutes ses demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire autres que celles tendant à la rupture du deuxième contrat de mission pour violation du statut protecteur, à sa réintégration et à la réparation de ses préjudices, est inopérant dès lors qu'il n'articule aucune critique des motifs par lesquels la cour d'appel a rejeté les demandes autres que celles-ci.

13. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le troisième moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de débouter le salarié de ses demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire tendant à la nullité de la rupture du deuxième contrat de mission pour violation du statut protecteur, à sa réintégration et à la réparation de ses préjudices

Enoncé du moyen

14. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre l'entreprise de travail temporaire tendant à la nullité de la rupture du deuxième contrat de mission pour violation du statut protecteur, à sa réintégration et à la réparation de ses préjudices, alors « que le contrat de travail d'un salarié investi d'un mandat ne peut être résilié amiablement qu'à la condition que sa rupture ait été préalablement autorisée par l'inspecteur du travail ; qu'en retenant que l'interruption ou la notification du non-renouvellement doivent s'entendre, au sens de cet article, qui est d'interprétation stricte, comme émanant unilatéralement de l'employeur, ce qui exclut de son champ d'application la rupture licite, régulière et décidée d'un commun accord entre les parties, comme c'est le cas en l'espèce", pour en déduire que la rupture du contrat du 4 mai 2011 n'était pas soumise à une autorisation de l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 2413-1 du code du travail ensemble les articles L. 1237-15, L. 2411-1 et L. 2411-2 du même code. »

Réponse de la Cour

15. Aux termes de l'article L. 2413-1, 2° et 3°, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011, l'interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d'un salarié temporaire par l'entrepreneur de travail temporaire ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsque le salarié est investi notamment de l'un des mandats suivants :
2° Délégué du personnel, ancien délégué ou candidat aux fonctions de délégué ;
3° Membre ou ancien membre élu du comité d'entreprise ou candidat à ces fonctions.

16. La Cour de cassation juge qu'en application des articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission (Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-12.293, publié).

17. Aux termes de l'article L. 1251-26 du code du travail, l'entreprise de travail temporaire qui rompt le contrat de mission du salarié avant le terme prévu au contrat lui propose, sauf faute grave de ce dernier ou cas de force majeure, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai maximum de trois jours ouvrables. Le nouveau contrat de mission ne peut comporter de modifications d'un élément essentiel en matière de qualification professionnelle, de rémunération, d'horaire de travail et de temps de transport. A défaut, ou si le nouveau contrat de mission est d'une durée inférieure à celle restant à courir du contrat précédent, l'entrepreneur de travail temporaire assure au salarié une rémunération équivalente à celle qu'il aurait perçue jusqu'au terme du contrat, y compris l'indemnité de fin de mission. Lorsque la durée restant à courir du contrat de mission rompu est supérieure à quatre semaines, les obligations du présent article peuvent être satisfaites au moyen de trois contrats successifs au plus.

18. L'arrêt constate qu'un contrat de mission a été signé le 1er novembre 2010 pour pourvoir au remplacement d'une salariée pendant la durée de son congé parental d'un an prenant fin le 1er novembre 2011, qu'à la suite de la plainte du salarié, le 21 avril 2011, quant à l'existence d'un harcèlement moral sur le site de l'entreprise utilisatrice, les parties ont décidé, le 4 mai 2011, de la rupture amiable du contrat de mission du 1er novembre 2010 et de la conclusion, à la date d'effet de cette rupture, soit le 5 mai 2011, d'un nouveau contrat de mission, après avis d'aptitude du médecin du travail au poste délivré le même jour, pour être affecté à un autre site de la même entreprise utilisatrice, ce contrat de mission, conclu au motif d'un accroissement temporaire d'activité, devant expirer le 1er novembre 2011.

19. Il en résulte qu'en présence de la conclusion d'un nouveau contrat de mission répondant aux conditions de l'article L. 1251-26 du code du travail, excluant toute décision de l'entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission, la saisine de l'inspecteur du travail d'une demande d'autoriser la rupture amiable du contrat de mission du 1er novembre 2010 n'était pas requise.

20. Par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500271
Date de la décision : 12/03/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRAVAIL TEMPORAIRE - Contrat de mission - Rupture amiable - Salarié protégé - Mesures spéciales - Saisine de l'autorité administrative - Nécessité - Exclusion - Cas - Conclusion d'un nouveau contrat de mission succédant immédiatement à la rupture amiable - Conditions - Détermination - Portée

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Domaine d'application - Conseiller du salarié - Travailleur temporaire - Contrat de mission - Rupture amiable - Mesures spéciales - Saisine de l'autorité administrative - Nécessité - Exclusion - Cas - Conclusion d'un nouveau contrat de mission succédant immédiatement à la rupture amiable - Conditions - Détermination

Il résulte des articles L. 2413-1, L. 2421-1 et L. 1251-26 du code du travail que n'est pas requise la saisine de l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de la rupture amiable du contrat de mission conclu par un salarié protégé, dès lors qu'a succédé immédiatement à cette rupture la conclusion d'un nouveau contrat de mission répondant aux conditions de l'article L. 1251-26 du code du travail, excluant par là même toute décision de l'entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié par de nouveaux contrats de mission


Références :

Articles L. 2413-1, L. 2421-1 et L. 1251-26 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 28 septembre 2022

Sur l'étendue de la protection du travailleur temporaire bénéficiaire du statut protecteur, à rapprocher : Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-12293, Bull., (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 mar. 2025, pourvoi n°52500271


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500271
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