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11/09/2019 | FRANCE | N°18-12293

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 septembre 2019, 18-12293


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail ;

Attendu qu'en application de ces textes, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission ;

Attendu, selon l'ar

rêt attaqué, que M. G... a été engagé par l'entreprise de travail temporaire Cam...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail ;

Attendu qu'en application de ces textes, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. G... a été engagé par l'entreprise de travail temporaire Camo intérim et mis à disposition de la société Can Packagin, par contrat de mission du 10 juin 2013, pour une période allant du 10 au 14 juin 2013 dans le cadre d'un accroissement temporaire d'activité ; qu'il a, par lettre envoyée le 8 juin 2013 et reçue le 11 juin 2013, informé la société Camo intérim de son statut de conseiller du salarié ; que le 12 juin 2013, la société Camo intérim a demandé à l'inspecteur du travail de valider la fin de mission d'intérim ; que la mission d'intérim a pris fin le 14 juin 2013 ; que le 21 juin 2013, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'autorisation, au double motif que le conseiller du salarié ne bénéficie pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire, et qu'en tout état de cause il n'y a pas lieu à intervention de l'inspecteur du travail pour une fin de mission ; que la décision de l'inspecteur du travail a été annulée sur recours hiérarchique par une décision du 18 décembre 2013, le ministre du travail se déclarant cependant à son tour incompétent en raison de la rupture intervenue avant sa décision ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 23 octobre 2014 en soutenant que la rupture de son contrat de mission est intervenue en violation du statut protecteur et obtenir paiement de dommages-intérêts à ce titre ;

Attendu que pour faire droit à sa demande, l'arrêt retient que, sauf fraude, le conseiller du salarié travailleur temporaire est protégé non seulement en cas d'interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission ; que dans le cas présent l'intéressé avait avisé l'employeur dès le 8 juin de son statut de conseiller si bien qu'aucune fraude ne peut être caractérisée et qu'il s'ensuit que, faute d'autorisation administrative comme en l'espèce, l'absence de proposition de continuer à effectuer des missions s'analyse en une cessation du contrat de travail entachée de nullité ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence, soit d'une interruption du contrat de mission en cours, soit d'un refus de renouvellement de cette mission alors qu'un tel renouvellement avait été prévu au contrat, soit de la notification au salarié par l'entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif visé par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. G... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Camo interim.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de mission temporaire de M. G... est nulle pour être intervenue en violation des articles L. 2411-1 et L. 1232-14 du code du travail, d'AVOIR condamné la société Camo Intérim à verser à M. G... les sommes de 62 895,60 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, 12 579,12 euros à titre de dommages et intérêts réparant les conséquences de la rupture, 70 euros à titre d'indemnité de préavis, 7 euros au titre des congés payés sur préavis, d'AVOIR condamné la société Camo Intérim aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. G... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Faits et procédure

M. G..., né le [...] , a été engagé par l'entreprise de travail temporaire Camo Intérim pour être mis à disposition de la société Can Packaging, par contrat de mission du 10 juin 2013 pour la période du 10 au 14 juin 2013, le motif du contrat étant un accroissement temporaire d'activité « lié aux commandes non prévues du client Poschl, délais à respecter ».
M. G... avait notifié à la SAS Camo Intérim, par lettre recommandée du 8 juin 2013, reçue le 11 juin 2013, sa qualité de conseiller du salarié.
Le 12 juin 2013, la SAS Camo Intérim a demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail en vue de valider la fin de la mission au 14 juin 2013.
Par décision du 21 juin 2013, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent aux motifs que les articles L. 2421-10 et L. 2413-1 du code du travail ne visent pas le conseiller du salarié.
(...)
Sur la nullité de la rupture
M. G... considère qu'à défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail, la SAS Camo Intérim ne pouvait s'abstenir de renouveler la mission, le conseiller du salarié étant assimilé au délégué syndical, il ajoute que le fait de ne plus proposer de missions équivaut au non-renouvellement de la mission, situation imposant une autorisation administrative.
Pour la SAS Camo Intérim, en revanche, les conseillers du salarié n'étaient pas protégés à l'époque des faits et, en tout état de cause, l'annulation postérieure de l'autorisation de l'inspecteur du travail est sans effet sur un contrat de 5 jours déjà expiré par l'arrivée normale du terme puisque l'article L. 2413-1 du code du travail limite à trois cas la nécessité de demander l'autorisation administrative : le non-renouvellement de la mission, son interruption, la décision de l'entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié ; l'employeur s'oppose à toute extrapolation avec les contrats à durée déterminée et notamment avec les dispositions de l'article L. 2421-8 du code du travail concernant l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée.
L'article L. 2411-1 du code du travail, même dans sa rédaction alors applicable, institue une protection contre le licenciement en faveur des conseillers du salarié, l'article L 1232-14 précisant que le licenciement est soumis à la procédure administrative d'autorisation.
A ce titre, et sauf fraude, le conseiller du salarié, travailleur temporaire, est protégé non seulement en cas d'interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission.
Dans le cas présent, l'intéressé avait avisé l'employeur dès le 8 juin 2013 de son statut de conseiller si bien qu'aucune fraude ne peut être caractérisée.
Il s'ensuit que, faute d'autorisation administrative- comme en l'espèce- l'absence de proposition de continuer à effectuer des missions s'analyse à une cessation du contrat de travail entachée de nullité, ce qui ouvre droit, pour le salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration à la réparation du préjudice résultant de la violation du statut protecteur, soit le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite, s'agissant d'un conseiller du salarié, de 30 mois, cette période étant en l'espèce incluse dans la durée d'effet de sa désignation, laquelle avait débuté le 14 mars 2013 pour une durée de trois années.
S'agissant du montant des indemnités qui lui sont dues, la base de calcul est constituée par le salaire à temps complet d'un mois plein, soit 2.096,52 euros, primes incluses.
A ce titre, c'est donc à la somme de 62.895,60 euros que peut prétendre M. G....
Aucune déduction ne peut être opérée avec des revenus éventuellement perçus par l'intéressé, lequel devra en tant que de besoin se mettre en règle avec Pôle Emploi au titre des indemnités de chômage qu'il aurait perçues pendant cette période.
En outre, lui reviennent des dommages-intérêts non inférieurs à 6 mois de salaire au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture.
Compte-tenu des éléments dont elle dispose, la Cour est en mesure de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 12.679,12 euros, réparant l'intégralité des conséquences de la rupture.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
Sur l'indemnité de préavis
M. G... se fonde sur les dispositions de l'article L. 1234-15 du code du travail applicable en Alsace-Moselle, invoquant le statut de salarié payé au mois.

Toutefois, le contrat de mission n'ayant pas été requalifié en un contrat à durée indéterminée, c'est sur la base d'un contrat rémunéré à la journée que l'indemnité de préavis doit être calculée, soit en l'espèce, une journée de travail d'un montant de 70 euros outre 7 heures au titre des congés payés sur préavis.
Sur ce point également, le jugement sera donc infirmé.
Sur l'indemnité pour perte de chance de retrouver un emploi et en réparation des conditions vexatoires de la rupture
Les dommages-intérêts alloués à M. G... au titre du préjudice résultant de la rupture incluent le préjudice spécifique constitué par la difficulté de retrouver un emploi.
Quant aux conditions vexatoires alléguées, l'affirmation selon laquelle l'entreprise utilisatrice a interrogé l'intéressé sur son statut avant de déclarer qu'elle ne prolongerait pas la mission n'est corroborée par aucun élément et, en tout état de cause, à la supposer fondée, ne serait pas de nature à engager la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire ; le stratagème dont fait état M. G... consistant pour la SAS Camo Intérim à inventer de toutes pièces un motif de non-renouvellement n'est pas davantage établi.
Ces deux chefs de demande ne peuvent donc être accueillis et le jugement sera donc confirmé sur ces points.
Sur les dommages-intérêts pour remise tardive du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi
Ne démontrant pas la réalité du préjudice qu'il invoque à ce titre, M. G... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement doit être confirmé sur ce point également.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile Partie perdante, la SAS Camo Intérim sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance, ce en quoi le jugement sera infirmé.
La SAS Camo Intérim sera déboutée de la demande qu'elle a formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour.
Une somme de 1.000 euros sera allouée à ce titre à M. G... » ;

1°) ALORS QUE l'article L. 2421-1 du code du travail précise que « l'interruption ou la notification du non-renouvellement par l'entrepreneur de travail temporaire de la mission du salarié mentionné à l'article L. 2413-1 est soumise à la même procédure que celle prévue à la section I, applicable en cas de licenciement » et l'article L. 2413-1 du code du travail prévoit que « l'interruption ou la notification du non-renouvellement de la mission d'un salarié temporaire par l'entrepreneur de travail temporaire ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsque le salarié est investi de l'un des mandats suivants : (...) » sans viser, parmi les mandats énumérés, celui du conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par l'autorité administrative et chargé d'assister les salariés convoqués par leur employeur en vue d'un licenciement ; qu'enfin, les articles L. 1232-14, L. 2411-1 et L. 2411-21 du code du travail, de même que l'ancien article L. 122-14-16 du code du travail, ne soumettent à autorisation de l'inspection du travail que le licenciement du conseiller du salarié ; que par conséquent, la procédure d'autorisation administrative ne s'applique pas au conseiller du salarié travailleur temporaire en cas d'interruption ou de non-renouvellement de sa mission par l'entrepreneur de travail temporaire ou lorsque l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS subsidiairement QUE selon les articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail la procédure d'autorisation administrative ne s'applique au conseiller du salarié travailleur temporaire qu'en cas d'interruption ou de non-renouvellement de sa mission par l'entrepreneur de travail temporaire ou lorsque l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission ; qu'en l'espèce, la société Camo Intérim faisait valoir qu'elle n'avait jamais notifié au salarié une quelconque interruption ou non-renouvellement de sa mission pas plus qu'elle ne lui avait fait part d'une quelconque décision de ne plus lui confier de mission à l'avenir ; qu'il était constant que le contrat de mission avait pris fin au terme prévu ; que la cour d'appel a en outre expressément relevé que la société Camo Intérim s'était bornée à s'abstenir de proposer à M. G... de continuer à effectuer des missions ; qu'en jugeant néanmoins que la rupture du contrat de mission était nulle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant, a violé les articles L. 2421-1, L. 2411-1, L. 2413-1 et L. 1232-14 du code du travail ;

3°) ALORS en tout état de cause QUE l'annulation d'une décision de l'inspecteur du travail se déclarant incompétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement au motif que le salarié n'est pas ou n'est plus protégé est assimilable à l'annulation d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement du salarié protégé ; que par ailleurs, le salarié protégé licencié en vertu d'une autorisation ultérieurement annulée et ne demandant pas sa réintégration, a droit, d'une part, à l'indemnisation de son préjudice depuis le licenciement et jusqu'à l'expiration du délai de deux mois qui suit la notification de la décision annulant l'autorisation de licenciement, d'autre part, au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que dès le 12 juin 2013 la société Camo Intérim, avisée par courrier du 11 juin 2013 que M. G... était conseiller salarié, avait demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail en vue de valider la fin de la mission de M. G... au 14 juin 2013 et que l'inspecteur du travail s'était déclaré incompétent pour statuer sur cette demande motif pris que le salarié ne bénéficiait d'aucune protection, avant que sa décision ne soit ultérieurement annulée par le ministre du travail ; que dès lors, en relevant néanmoins, pour dire que M. G... pouvait prétendre à la réparation du préjudice résultant de la violation du statut protecteur ainsi qu'à des dommages-intérêts non inférieurs à 6 mois de salaire au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture, que la relation contractuelle avait pris fin sans autorisation administrative, la cour d'appel a violé les articles L. 2421-1, L. 2411-1, L. 2413-1 et L. 1232-14 et L. 2422-1 du code du travail ;

4°) ALORS en tout état de cause QUE lorsqu'une partie demande confirmation du jugement entrepris, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient alors à la cour d'appel qui décide d'infirmer ledit jugement d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en l'espèce, pour débouter M. G... de l'ensemble de ses demandes, le conseil de prud'hommes de Mulhouse, par jugement du 19 avril 2016 dont la société Camo Intérim sollicitait la confirmation, avait relevé que « M. G... a obtenu grâce à l'exploitation de son statut » (...) « a) dans la procédure contre la société Timken Europe du conseil de prud'hommes de Colmar le 15 mars 2012 ainsi que de la cour d'appel de Colmar le 27 juin 2013 du totale de 76 621,15 euros (+ intérêts sur certaines sommes depuis le 20 juin 2011 alors qu'il n'y a travaillé que 11 mois, b) dans la procédure contre la société Crit Intérim du conseil de prud'hommes de Colmar le 30 juillet 2013 : 36 930,23 euros (+ intérêts et frais outre son salaire normalement payé) pour les 4 mois de travail effectif, c) qu'à ces sommes, le demandeur entend ajouter le paiement réclamé, outre son salaire qu'il a perçu, dans la présente procédure pour les quelques heures du 10 au 14 juin 2013 103 013,88 euros soit au totale 216 565 euros + intérêt et frais ! » ; qu'en se bornant à relever, pour infirmer le jugement déféré, que « l'intéressé avait avisé l'employeur dès le 8 juin 2013 de son statut de conseiller si bien qu'aucune fraude ne peut être caractérisée », la cour d'appel, qui n'a pas réfuté les motifs déterminants des premiers juges tirés de l'exploitation abusive par M. G... de son statut, indépendamment de toute dissimulation de celui-ci, a violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile ;

5°) ALORS très subsidiairement QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux moyens des parties ; qu'en l'espèce, la société Camo Intérim faisait valoir que M. G... ne pouvait valablement fonder ses demandes sur la base d'un salaire mensuel forfaitaire de 2 096,52 euros dans la mesure les salariés intérimaires sont expressément exclus de l'application des dispositions relatives à la mensualisation de la rémunération ; que dès lors, en retenant que « la base de calcul est constituée par le salaire à temps complet d'un mois plein, soit 2 096,52, primes incluses », sans préalablement répondre au moyen péremptoire de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Camo Intérim à verser à M. G... la somme de 12 579,12 euros à titre de dommages et intérêts réparant les conséquences de la rupture, d'AVOIR condamné la société Camo Intérim aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à M. G... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « « Faits et procédure
M. G..., né le [...] , a été engagé par l'entreprise de travail temporaire Camo Intérim pour être mis à disposition de la société Can Packaging, par contrat de mission du 10 juin 2013 pour la période du 10 au 14 juin 2013, le motif du contrat étant un accroissement temporaire d'activité « lié aux commandes non prévues du client Poschl, délais à respecter ».
M. G... avait notifié à la SAS Camo Intérim, par lettre recommandée du 8 juin 2013, reçue le 11 juin 2013, sa qualité de conseiller du salarié.
Le 12 juin 2013, la SAS Camo Intérim a demandé l'autorisation de l'inspecteur du travail en vue de valider la fin de la mission au 14 juin 2013.
Par décision du 21 juin 2013, l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent aux motifs que les articles L. 2421-10 et L. 2413-1 du code du travail ne visent pas le conseiller du salarié.
(...)
Sur la nullité de la rupture
M. G... considère qu'à défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail, la SAS Camo Intérim ne pouvait s'abstenir de renouveler la mission, le conseiller du salarié étant assimilé au délégué syndical, il ajoute que le fait de ne plus proposer de missions équivaut au non-renouvellement de la mission, situation imposant une autorisation administrative.
Pour la SAS Camo Intérim, en revanche, les conseillers du salariés n'étaient pas protégés à l'époque des faits et, en tout état de cause, l'annulation postérieure de l'autorisation de l'inspecteur du travail est sans effet sur un contrat de 5 jours déjà expiré par l'arrivée normale du terme puisque l'article L. 2413-1 du code du travail limite à trois cas la nécessité de demander l'autorisation administrative : le non-renouvellement de la mission, son interruption, la décision de l'entreprise de travail temporaire de ne plus faire appel au salarié ; l'employeur s'oppose à toute extrapolation avec les contrats à durée déterminée et notamment avec les dispositions de l'article L 2421-8 du Code du travail concernant l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée.
L'article L. 2411-1 du code du travail, même dans sa rédaction alors applicable, institue une protection contre le licenciement en faveur des conseillers du salarié, l'article L. 1232-14 précisant que le licenciement est soumis à la procédure administrative d'autorisation.

A ce titre, et sauf fraude, le conseiller du salarié, travailleur temporaire, est protégé non seulement en cas d'interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l'entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission.
Dans le cas présent, l'intéressé avait avisé l'employeur dès le 8 juin 2013 de son statut de conseiller si bien qu'aucune fraude ne peut être caractérisée.
Il s'ensuit que, faute d'autorisation administrative- comme en l'espèce- l'absence de proposition de continuer à effectuer des missions s'analyse à une cessation du contrat de travail entachée de nullité, ce qui ouvre droit, pour le salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration à la réparation du préjudice résultant de la violation du statut protecteur, soit le montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection, dans la limite, s'agissant d'un conseiller du salarié, de 30 mois, cette période étant en l'espèce incluse dans la durée d'effet de sa désignation, laquelle avait débuté le 14 mars 2013 pour une durée de trois années.
S'agissant du montant des indemnités qui lui sont dues, la base de calcul est constituée par le salaire à temps complet d'un mois plein, soit 2.096,52 euros, primes incluses.
A ce titre, c'est donc à la somme de 62.895,60 euros que peut prétendre M. G....
Aucune déduction ne peut être opérée avec des revenus éventuellement perçus par l'intéressé, lequel devra en tant que de besoin se mettre en règle avec Pôle Emploi au titre des indemnités de chômage qu'il aurait perçues pendant cette période.
En outre, lui reviennent des dommages-intérêts non inférieurs à 6 mois de salaire au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture.
Compte-tenu des éléments dont elle dispose, la Cour est en mesure de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 12.679,12 euros, réparant l'intégralité des conséquences de la rupture.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
Sur l'indemnité de préavis
M. G... se fonde sur les dispositions de l'article L 1234-15 du Code du travail applicable en Alsace-Moselle, invoquant le statut de salarié payé au mois.
Toutefois, le contrat de mission n'ayant pas été requalifié en un contrat à durée indéterminée, c'est sur la base d'un contrat rémunéré à la journée que l'indemnité de préavis doit être calculée, soit en l'espèce, une journée de travail d'un montant de 70 euros outre 7 heures au titre des congés payés sur préavis.
Sur ce point également, le jugement sera donc infirmé.
Sur l'indemnité pour perte de chance de retrouver un emploi et en réparation des conditions vexatoires de la rupture
Les dommages-intérêts alloués à M. G... au titre du préjudice résultant de la rupture incluent le préjudice spécifique constitué par la difficulté de retrouver un emploi.

Quant aux conditions vexatoires alléguées, l'affirmation selon laquelle l'entreprise utilisatrice a interrogé l'intéressé sur son statut avant de déclarer qu'elle ne prolongerait pas la mission n'est corroborée par aucun élément et, en tout état de cause, à la supposer fondée, ne serait pas de nature à engager la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire ; le stratagème dont fait état M. G... consistant pour la SAS Camo Intérim à inventer de toutes pièces un motif de non-renouvellement n'est pas davantage établi.
Ces deux chefs de demande ne peuvent donc être accueillis et le jugement sera donc confirmé sur ces points.
Sur les dommages-intérêts pour remise tardive du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi
Ne démontrant pas la réalité du préjudice qu'il invoque à ce titre, M. G... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement doit être confirmé sur ce point également.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile Partie perdante, la SAS Camo Intérim sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance, ce en quoi le jugement sera infirmé.
La SAS Camo Intérim sera déboutée de la demande qu'elle a formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour.
Une somme de 1.000 euros sera allouée à ce titre à M. G... » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à une prétendue violation du statut protecteur de M. G..., entrainera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant alloué au salarié « des dommages-intérêts non inférieurs à 6 mois de salaire au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture », en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE en vertu de l'article L. 1235-5 du code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L. 1235-3 ; que le salarié peut seulement prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, qui peut le cas échéant être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que M. G... avait été engagé par la société Camo Intérim par contrat de mission du 10 juin 2013 pour la période du 10 au 14 juin 2013, ce dont il résultait que l'intérimaire ne totalisait que 4 jours d'ancienneté ; que dès lors, en jugeant néanmoins qu'il pouvait prétendre à « des dommages-intérêts non inférieurs à 6 mois de salaire au titre de la réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture », la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12293
Date de la décision : 11/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Statut protecteur - Domaine d'application - Conseiller du salarié - Travailleur temporaire - Contrat de mission - Interruption ou non-renouvellement - Conditions - Détermination - Portée

En application des articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d'interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu'un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l'entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission


Références :

articles L. 2413-1 et L. 2421-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 19 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 sep. 2019, pourvoi n°18-12293, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12293
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