LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 octobre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 554 FS-B
Pourvoi n° B 23-13.594
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024
1°/ M. [D] [F], domicilié [Adresse 4],
2°/ l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château [6], dont le siège est [Adresse 4],
3°/ le groupement foncier agricole Château [6], dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° B 23-13.594 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [C] [X], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [N] [K], domicilié [Adresse 5],
3°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 3],
4°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [F], de l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château [6] et du groupement foncier agricole Château [6], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [Z], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, Mme Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [F], à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château [6] (l'EARL) et au groupement foncier agricole Château [6] (le GFA) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [X] et [K].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 19 janvier 2023), le 28 mars 2019, le comité technique départemental de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence - Alpes - Côte d'Azur (la SAFER) a donné un avis favorable à l'attribution de parcelles à M. [F], gérant de l'EARL et associé du GFA.
3. Le 23 avril 2019, l'EARL et le GFA ont conclu une promesse d'achat portant sur ces parcelles avec la SAFER qui les a autorisés à réaliser les premiers travaux culturaux.
4. Le 10 mai 2019, la SAFER a informé M. [F], l'EARL et le GFA qu'elle ne leur rétrocéderait pas les parcelles, objet de la promesse d'achat, et qu'elle les attribuerait au candidat ayant reçu l'avis favorable classé en second rang.
5. Le 7 janvier 2021, M. [F], l'EARL et le GFA ont assigné la SAFER et M. [Z], bénéficiaire de la rétrocession, en annulation de celle-ci.
6. La SAFER a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. M. [F], l'EARL et le GFA font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande tendant à obtenir la nullité de la rétrocession opérée par la SAFER au profit de M. [Z], alors :
« 1°/ que lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural a attribué un bien, elle doit informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que la motivation de la décision de rétrocession notifiée au candidat évincé, qui doit se suffire à elle-même et comporter des données concrètes lui permettant de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales, doit nécessairement mentionner l'identité de l'attributaire ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites aux débats « que par lettre recommandée du 10 mai 2019 adressée aux appelants, ces derniers avaient été informés "officiellement que la Safer attribuera le bien au candidat ayant reçu un avis favorable en second rang" » et qu'il « résultait du compte-rendu du comité technique de la Safer qu'il s'agissait de M. [Y] [Z] », constatant ainsi que l'identité de l'attributaire des parcelles ne figurait pas dans le courrier du 10 mai 2019 mais seulement dans le compte-rendu du comité technique ; qu'en considérant que le courrier du 10 mai 2019 constituait une notification suffisante du candidat évincé, tout en ayant constaté que l'identité de l'attributaire des parcelles n'y figurait pas, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 141-1 et R. 142-4 du code rural et de la pêche maritime ;
2°/ que lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural a attribué un bien, elle doit informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que la motivation de la décision de rétrocession notifiée au candidat évincé, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes lui permettant de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales ; qu'en l'espèce, l'arrêt retient que la notification par lettre recommandée du 10 mai 2019 adressée aux appelants les informant « "officiellement que la Safer attribuera le bien au candidat ayant reçu un avis favorable en second rang" (?) ne saurait être regardée comme imparfaite dès lors que le comité technique qui leur avait attribué le 28 mars 2019 les parcelles litigieuses constituant le lot 3 et 13, avait précisé dans ses commentaires que "si désistement du GFA Château [6], attribution au second rang à M. [Y] [Z]" » et qu'« il résultait du compte rendu du comité technique de la Safer qu'il s'agissait de M. [Y] [Z] » ; qu'en considérant que ce courrier constituait une notification suffisante du candidat évincé, sans constater qu'il contenait, en lui-même, les informations concrètes permettant aux candidats évincés de vérifier que la décision d'attribution répondait aux objectifs poursuivis au regard des exigences légales, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et R. 142-4 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article L. 143-14 du code rural et de la pêche maritime, sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques.
9. Selon l'article R. 142-4 du même code, lorsque la société d'aménagement foncier et d'établissement rural a attribué un bien acquis à l'amiable, elle est tenue de faire procéder, au plus tard dans le mois suivant la signature de l'acte authentique, à l'affichage, pendant un délai de quinze jours, à la mairie de la commune de la situation de ce bien, d'un avis comportant la désignation sommaire du bien avec notamment la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l'opération. Dans le délai d'un mois à compter du premier jour de cet affichage, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix. L'affichage en mairie fait courir le délai de recours prévu à l'article L. 143-14.
10. Lorsque le candidat non retenu a été informé de la décision de rétrocession, le fait que cette information ne comprenne pas les motifs ayant déterminé le choix de l'attributaire ou son identité, s'il est susceptible d'affecter la validité de la décision de rétrocession, est sans effet sur le cours du délai pour agir.
11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [F], l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château [6] et le groupement foncier agricole Château [6] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F], l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château [6] et le groupement foncier agricole Château [6] et les condamne in solidum à payer à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence - Alpes - Côte d'Azur et à M. [Z] la somme de 3 000 euros chacun ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre.