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04/08/2011 | FRANCE | N°10NC00924

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 août 2011, 10NC00924


Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2010, présentée pour M. Jean-Louis A, demeurant ..., par Me Saban ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801748 du 21 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite du directeur de l'Office public de l'habitat Moselis refusant de prendre en charge les frais qu'il a exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à son encontre pour des faits commis alors qu'il était président de l'OPAC de la Moselle et,

d'autre part, de la décision du 10 juillet 2009 du président de Moselis opp...

Vu la requête, enregistrée le 15 juin 2010, présentée pour M. Jean-Louis A, demeurant ..., par Me Saban ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801748 du 21 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite du directeur de l'Office public de l'habitat Moselis refusant de prendre en charge les frais qu'il a exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à son encontre pour des faits commis alors qu'il était président de l'OPAC de la Moselle et, d'autre part, de la décision du 10 juillet 2009 du président de Moselis opposant l'exception de prescription quadriennale à la demande de prise en charge des frais de procédure exposés dans le cadre des mêmes poursuites pénales ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Office public de l'habitat Moselis une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le président d'un Office public d'aménagement et de construction peut prétendre à la protection juridique sur le fondement du principe général de protection des agents publics ;

- la Cour d'appel de Metz et la Cour de cassation ont reconnu qu'il n'avait commis aucune faute personnelle détachable du service ;

- la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics n'est pas applicable à l'Office public de l'habitat, qui est dépourvu de comptable public ;

- sa demande de protection n'est pas enfermée dans un délai ;

- la prise en charge des frais qu'il a exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à son encontre ne saurait être assimilée à une créance ;

- en tout état de cause, cette créance n'était pas certaine jusqu'à la décision de la Cour de cassation ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 6 octobre 2010 et 18 mai 2011, présentés pour l'Office public de l'habitat Moselis par Me De Zolt, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le moyen tiré de la prétendue inapplicabilité de la loi du 31 décembre 1968, qui n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable car nouveau en appel ;

- la demande de protection fonctionnelle est bien une créance au sens de la loi du 31 décembre 1968 ;

- le délai de prescription a commencé à courir au moment où les poursuites pénales ont été engagées à son encontre ;

- la créance alléguée par M. A était donc prescrite à la date du 9 janvier 2008 ;

- aucun texte ne prévoit de protection juridique au profit du requérant ;

- à titre très subsidiaire, la plainte concernant la fraude électorale ne visant pas le requérant en sa qualité de président de l'OPAC de la Moselle, les frais de justice afférents à ce chef d'accusation ne pourraient être mis à la charge de Moselis ;

- les frais de justice du requérant ne sont pas justifiés ;

Vu les mémoires, enregistrés les 2 février et 20 mai 2011, présentés pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le moyen tiré de l'inapplicabilité de la loi du 31 décembre 1968, qui au demeurant est d'ordre public, ne repose pas sur une cause juridique nouvelle par rapport aux moyens développés en première instance ;

- sa demande ne présentant pas un caractère indemnitaire, elle n'a pas à être quantifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation, et notamment ses articles R. 421-16 et suivants ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me De Zolt, avocat de l'Office public de l'habitat Moselis ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le bénéfice de la protection :

Considérant que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet ; que ce principe général du droit a d'ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales ; que cette protection s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions ;

Considérant que M. A a fait l'objet en janvier 1999 d'une plainte avec constitution de partie civile du fait de l'utilisation, pour les besoins de ses campagnes électorales, du personnel et des moyens matériels de l'Office public d'aménagement et de construction de la Moselle ; qu'à raison des fonctions qui lui étaient dévolues en sa qualité de président de cet organisme, M. A doit être regardé comme un agent public pour l'application du principe général du droit susrappelé et, ainsi, susceptible de prétendre au bénéfice de la protection prévue par ledit principe ;

Considérant que, par un arrêt du 29 juin 2006, la Cour d'appel de Metz a relaxé M. A des poursuites du chef d'abus de confiance et de fraude électorale et que, par une décision du 11 septembre 2007, la Cour de cassation n'a pas admis le pourvoi dirigé contre cet arrêt ; que le requérant est donc en droit de prétendre à ce que l'Office public de l'habitat Moselis prenne en charge les frais qu'il a exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à son encontre pour des faits commis, dont la matérialité a été déniée par le juge pénal et qui ne sauraient ainsi revêtir le caractère de faute personnelle, alors qu'il était président de l'Office public d'aménagement et de construction de la Moselle ; qu'en outre, alors même que les faits reprochés au requérant ont donné lieu à la double qualification pénale de fraude en matière électorale et d'abus de confiance, ils procèdent de griefs identiques qui ne sont pas détachables des fonctions d'exécutif de l'établissement public qu'il présidait alors ; qu'enfin, la circonstance que M. A n'ait pas chiffré, dans le cadre du présent recours pour excès de pouvoir, les frais exposés dans le cadre de sa défense demeure sans incidence sur l'illégalité du refus opposé à sa demande de prise en charge des frais en cause ;

En ce qui concerne la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'Office public de l'habitat Moselis, venu aux droits de l'Office public d'aménagement et de construction de la Moselle, n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 31 décembre 1968, d'une part, est d'ordre public et, d'autre part, repose sur la même cause juridique que les moyens de légalité interne développés en première instance ; qu'ainsi, l'Office public de l'habitat Moselis n'est pas fondé à soutenir que ce moyen, présenté pour la première fois en appel, ne serait pas recevable ;

Considérant que l'Office public de l'habitat Moselis ne disposant pas d'un comptable public, n'était pas fondé à opposer à M. A les dispositions précitées relatives à la prescription quadriennale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, leTribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions du directeur et du président de l'Office public de l'habitat Moselis refusant de prendre en charge les frais qu'il avait exposés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à son encontre pour des faits commis alors qu'il était président de l'OPAC de la Moselle ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Office public de l'habitat Moselis une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Office public de l'habitat Moselis demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 21 avril 2010, la décision implicite du directeur du directeur de l'Office public de l'habitat Moselis et la décision du 10 juillet 2009 du président de l'Office public de l'habitat Moselis refusant de prendre en charge les frais exposés par M. A sont annulés.

Article 2 : L'Office public de l'habitat Moselis versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Office public de l'habitat Moselis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Louis A et à l'Office public de l'habitat Moselis.

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N° 10NC00924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00924
Date de la décision : 04/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - GARANTIES DIVERSES ACCORDÉES AUX AGENTS PUBLICS - PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES - PROTECTION S'APPLIQUANT À TOUS LES AGENTS PUBLICS QUEL QUE SOIT LE MODE D'ACCÈS À LEURS FONCTIONS - PRÉSIDENT D'UN OFFICE PUBLIC D'AMÉNAGEMENT ET DE CONSTRUCTION (OUI).

01-04-03-07-04 A raison des fonctions qui lui sont dévolues en cette qualité, le président d'un office public d'aménagement et de construction doit être regardé comme un agent public pour l'application du principe général du droit en vertu duquel la collectivité publique dont il dépend doit assurer sa protection contre les attaques dont il peut être l'objet dans l'exercice de ses fonctions.,,[RJ1].

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS ET GROUPEMENTS D'INTÉRÊT PUBLIC - RÉGIME JURIDIQUE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS - - OFFICE PUBLIC D'AMÉNAGEMENT ET DE CONSTRUCTION - PRÉSIDENT DE CET ORGANISME - PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES (OUI).

33-02 A raison des fonctions qui lui sont dévolues en cette qualité, le président d'un office public d'aménagement et de construction doit être regardé comme un agent public pour l'application du principe général du droit en vertu duquel la collectivité publique dont il dépend doit assurer sa protection contre les attaques dont il peut être l'objet dans l'exercice de ses fonctions.,,[RJ1].

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - GARANTIES ET AVANTAGES DIVERS - PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES - - PROTECTION S'APPLIQUANT À TOUS LES AGENTS PUBLICS QUEL QUE SOIT LE MODE D'ACCÈS À LEURS FONCTIONS - PRÉSIDENT D'UN OFFICE PUBLIC D'AMÉNAGEMENT ET DE CONSTRUCTION (OUI).

36-07-10-005 A raison des fonctions qui lui sont dévolues en cette qualité, le président d'un office public d'aménagement et de construction doit être regardé comme un agent public pour l'application du principe général du droit en vertu duquel la collectivité publique dont il dépend doit assurer sa protection contre les attaques dont il peut être l'objet dans l'exercice de ses fonctions.,,[RJ1].


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, Section, 8 juin 2011,,, n° 312700.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SABAN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-08-04;10nc00924 ?
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