Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 septembre 1999, présentée pour Mme Eliane X demeurant ..., par Me E. Rybak, avocat ; Mme Eliane X demande à la Cour :
1' d'annuler le jugement n° 9632, 9633 en date du 31 mai 1999 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 ;
2' de prononcer les décharges demandées ;
Elle soutient que la communication qu'elle avait sollicitée des documents qui ont été transmis à l'administration par le tribunal de grande instance de Senlis et qui lui ont servi à établir les redressements n°a pas été complète avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses ; que la procédure d'évaluation d'office est irrégulière faute d'obligation de souscrire des déclarations spéciales ; que dès lors que la procédure contradictoire aurait dû être appliquée, le refus de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est irrégulier ; que la notification de redressements est insuffisamment motivée ; que l'administration ayant implicitement fait application de la procédure de répression des abus de droit pour requalifier en revenus commerciaux les revenus qu'elle avait déclarés dans la catégorie des traitements et salaires, la procédure d'imposition est irrégulière en l'absence de visa de l'inspecteur principal et l'a privée de la faculté de demander la saisine du comité consultatif ; que l'administration qui supporte la charge de la preuve ne démontre pas qu'elle se serait livrée à une activité de courtage ; que les sommes perçues des sociétés Fouya, Tdl et Paris Eco rémunéraient une activité salariée d'attaché commercial rémunérée à la commission ; que ces sommes ont été déclarées et imposées dans la catégorie des traitements et salaires ; que l'erreur de déclaration dans la catégorie des traitements et salaires de la somme perçue en 1990 de la société Bourdon est sans incidence sur la somme imposable ; que la somme perçue en 1990 de la société Agrale a bien été déclarée dans la catégorie 'revenus non commerciaux accessoires' et même par erreur à son nom et celui de son époux ; que les sommes perçues en 1991 des sociétés Keller, Bourdon et Agrale doivent être requalifiées en 'revenus non commerciaux accessoires' ; qu'elle n°a perçu aucune somme des sociétés Ballard et Nicolas ; qu'en tout état de cause, les colis de vin dont elle aurait bénéficié en 1990 et 1990 de la société Nicolas constitueraient des revenus distribués comme avantages en nature qui ne pouvaient être imposés selon la procédure d'évaluation d'office ; que s'agissant des frais généraux, elle entend se prévaloir des paragraphes 95, 102 et 103 de la documentation administrative 13 L 1551 du 1er avril 1995 ; que, faute d'avoir tenu compte de frais généraux, la méthode de reconstitution de bénéfices commerciaux est sommaire et abouti à des résultats exagérés ; qu'elle demande que ses frais généraux soient évalués à un minimum de 10 % correspondant à la déduction forfaitaire accordée aux salariés ; que les pénalités ne peuvent être regardées comme motivées ; qu'elle reprend expressément ses moyens de première instance ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 19 septembre 2000, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concluant au rejet de la requête ; il soutient qu'en l'absence de dépôt de déclarations de bénéfices industriels et commerciaux et de chiffres d'affaires au titre des années 1990 et 1991 afférentes à l'activité de courtage exercée en réalité par la requérante ; que s'étant bornée à requalifier l'activité de la requérante sans pour autant écarter les actes passés à raison de leur caractère fictif ou de leur motif exclusivement fiscal, l'abus de droit n°a pas été implicitement invoqué ; que la notification de redressements était suffisamment motivée ; que l'administration n°a eu en sa possession qu'un seul procès verbal d'audition de M. Y ; que la note de service du 6 décembre 1993 n°est qu'un document de liaison entre deux services de la direction des services fiscaux de l'Oise ; que la teneur des informations recueillies au titre de l'année 1991 à partir du procès verbal de gendarmerie a bien été indiquée à la requérante avant la mise en recouvrement des impositions ; que les pièces produites par la requérante n°infirment pas les éléments sur lesquels l'administration s'est fondée pour démontrer la nature commerciale des revenus litigieux ; que la requérante qualifie de bénéfices non commerciaux une part des revenus issue de la même activité que celle pour laquelle elle invoque le statut de salarié sans fournir d'explications sur les motifs d'une telle distinction ; que l'existence de commissions et d'avantages provenant des sociétés Ballard et Nicolas est établie par les pièces communiquées par le tribunal de grande instance de Senlis ; que ne sauraient être retenus des frais généraux dont la vraisemblance n°est même pas défendue par la requérante qui indique clairement qu'ils n°ont pas été engagés ; que la seule pénalité prévue à l'article 1728,1 du code général des impôts et appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée a été suffisamment motivée ;
Vu, enregistré au greffe le 18 octobre 2000, le mémoire en réplique présenté pour Mme Eliane X et concluant aux mêmes fins que la requête ; elle soutient, en outre, que les colis de vin de la société Nicolas ne peuvent constituer une modalité de paiement de sommes imposables comme bénéfices industriels et commerciaux que si la charge correspondante a été comptabilisée par la société Nicolas ce que ne démontre pas l'administration ;
Vu, enregistré au greffe le 12 décembre 2000, le mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2003 où siégeaient MM. Gipoulon, président de chambre, Nowak, premier conseiller, et Mme Eliot, conseiller :
- le rapport de M. Nowak, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;
Sur le principe de l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux :
Considérant qu'en application de l'article L 82 C du livre des procédures fiscales, les services fiscaux de l'Oise ont obtenu communication du tribunal de grande instance de Senlis de pièces relatives à une information judiciaire ouverte en 1992 à l'encontre de M. et Mme X à la suite du dépôt de plainte du Groupement d'intérêt économique Guilbert dont M. X était le salarié en qualité de responsable commercial ; que concluant qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition transmis, notamment de Mme Eliane X, que cette dernière avait bénéficié de commissions versées par plusieurs fournisseurs du groupement Guilbert, l'administration a imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux après requalification en revenus commerciaux et, par suite, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée celles perçues en 1990 et 1991 et qui avaient été partiellement déclarées dans la catégorie des traitements et salaires ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal d'audition de Mme X du 21 mai 1992 que, profitant de la position occupée par son époux au sein du groupement d'intérêt économique Guilbert, celle-ci prêtait son entremise aux différents fournisseurs afin de leur permettre de réaliser des transactions avec ce groupement et était rémunérée par des commissions proportionnelles aux affaires traitées dont elle négociait le taux avec ceux-ci ; qu'en l'absence d'éléments sur les conditions d'organisation de son activité et sur la liberté dont elle pouvait jouir à cette occasion, les seuls bulletins de paie établis par les sociétés Fouya, TDL et Paris Eco n°établissent pas un état de subordination de Mme X qui permettrait de la regarder comme salariée de ces sociétés ; qu'aucun élément du dossier ne justifie l'allégation selon laquelle les sommes perçues des sociétés Bourdon, Agrale et Keller constituaient des revenus non commerciaux accessoires ; qu'est sans incidence sur la qualification desdites sommes perçues en 1991 la circonstance que leur montant total est inférieur au plafond fixé par les dispositions de l'article 102 ter du code général des impôts issues de la loi de finances pour l'année 1992 ; que par une déclaration manuscrite du 31 juillet 1991, l'époux de la requérante a reconnu avoir perçu des commissions et avantages des sociétés Ballard et Nicolas ; que les pièces 7 et 29 du procès-verbal de gendarmerie communiquées à l'administration font apparaître que des sommes ont été versées aux époux X par la société Ballard et qu'ont été détournés au profit de ces derniers des colis de vins de la société Nicolas en contrepartie des services rendus par eux ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les actes d'entremise réalisés par Mme X entre l'ensemble de ces sociétés et le groupement Guilbert procèdent de l'exercice d'une profession commerciale ; que les sommes perçues par elle à cette occasion ont été dès lors à bon droit imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, faute pour Mme X d'avoir souscrit des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux, les moyens tirés de l'irrégularité de la mise en oeuvre d'une procédure d'évaluation d'office et du défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peuvent qu'être écartés respectivement sur le fondement des articles L 73 et L 59 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le droit de communication :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration l'ayant, en lui notifiant le 22 décembre 1993 les redressements qu'elle se proposait d'apporter, selon la procédure d'évaluation d'office, aux bases de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée, informée de la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis dans l'exercice de son droit de communication auprès du tribunal de Senlis, Mme X a demandé et obtenu la communication des documents y afférents ; que la note du 6 décembre 1996 de la brigade départementale de contrôle et de recherche de Beauvais qui est un document de liaison interne entre ce service de l'administration fiscale et le service chargé du contrôle des déclarations fiscales des contribuables ne peut être regardée comme étant au nombre des documents obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication ; que l'administration soutient sans être contredite que c'est par erreur qu'il a été fait état, dans un mémoire produit en première instance, de procès-verbaux de M. Y alors qu'un seul a été dressé et communiqué à Mme X ; que, par suite, le moyen tiré du caractère incomplet des documents qui ont été communiqués à la requérante ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressements :
Considérant que la circonstance que la notification de redressements indiquait que des informations avaient été 'obtenues auprès du Tribunal de Senlis' sans préciser la nature ni du tribunal ni des documents contenant ces informations est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de cette notification au regard des dispositions de l'article L 76 du livre des procédures fiscales
En ce qui concerne l'existence d'un abus de droit implicite :
Considérant que pour procéder aux redressements litigieux en imposant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les sommes perçues par Mme X des sociétés Fouya, TDL et Paris Eco et qu'elle avait déclarées dans la catégorie des traitements et salaires, l'administration s'est bornée à un examen de la qualification juridique des relations de la requérante avec ces sociétés et de la nature de ses actes d'entremise sans écarter aucun contrat de louage de service dont, en l'espèce, la seule production de bulletins de paie ne saurait établir l'existence ; que par l'examen auquel elle s'est livrée, l'administration ne peut être regardée comme ayant mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L 64 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, sont inopérants les moyens tirés de ce que les redressements ont été établis à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour l'administration de lui avoir permis d'user de la faculté, garantie au contribuable par cet article L 64, de demander l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, en cas de désaccord sur des redressements notifiés sur le fondement dudit article et compte tenu de l'absence de visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal sur la notification de redressements ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que Mme X n°allègue ni n°établit avoir exposé des frais professionnels déductibles des bénéfices industriels et commerciaux et se borne à prétendre à la déduction des frais 'qu'elle aurait immanquablement dû engager' ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux imposables est sommaire et aboutit à des résultats exagérés faute de tenir compte de tels frais ; que la réquérante ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative à jour au 1er avril 1995 laquelle est postérieure aux années et à la période d'imposition en litige ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements du 16 décembre 1993 exposait les motifs de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office et concluait en indiquant que les droits seront assortis des majorations prévues à l'article 1728 du code général des impôts ; qu'ainsi, la pénalité prévue à l'article 1728,1 du code général des impôts dont ont été assortis les seuls droits de taxe sur la valeur ajoutée était suffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n°est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme Eliane X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Eliane X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 9 décembre 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 30 décembre 2003.
Le rapporteur
Signé : E. Nowak
Le président de chambre
Signé : J.F. Gipoulon
Le greffier
Signé : G. Vandenberghe
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier
G. Vandenberghe
Code : C Classement CNIJ : 19-01-03-03
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N° 99DA20043