Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2022 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils doivent être éloignés.
Par des jugements nos 2208056 et 2208058 du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24DA01298 les 6 juillet 2024 et 8 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Robiquet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208056 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 9 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation en lui remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle est fondée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle est fondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II.- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24DA01299 les 6 juillet 2024 et 8 décembre 2024, Mme B..., représentée par Me Robiquet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208058 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 9 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation en lui remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle reprend les mêmes moyens que ceux soulevés par son époux dans la requête n° 24DA01298 analysée ci-dessus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête d'appel de Mme B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- et les observations de Me Robiquet, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., né le 9 juin 1981, et Mme A... C... épouse B..., née le 2 novembre 1984, tous deux de nationalité algérienne, sont entrés en France, respectivement les 10 mars 2018 et 7 mai 2018, avec leurs deux enfants mineurs, sous couvert de visas de court séjour délivrés par les autorités consulaires espagnoles. Ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire au-delà de la date de validité de leurs visas. Par deux arrêtés du 9 septembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté les demandes de délivrance de titres de séjour dont ils l'avaient saisi, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils doivent être éloignés. M. et Mme B... relèvent appel des jugements du 6 juin 2024 par lesquels le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Ces requêtes sont relatives à la situation des membres d'un couple au regard de leur droit au séjour en France et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité des jugements attaqués :
2. La circonstance que les premiers juges auraient commis des erreurs d'appréciation en ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant entacherait seulement le bien-fondé de leurs jugements et non leur régularité. Il s'ensuit qu'à supposer même que M. et Mme B... aient entendu contester les jugements attaqués pour de tels motifs, leurs moyens doivent être écartés. Il appartient en tout état de cause à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le bien-fondé des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précédemment évoquées dès lors que M. et Mme B... les reprennent en appel et les dirigent contre les décisions attaquées.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance de titres de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6, paragraphe 5, de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, M. et Mme B... se maintiennent en situation irrégulière sur le territoire français depuis à peine plus de quatre années. S'ils font état de la présence d'oncles, tantes et cousins en France, les attestations de ces derniers ne suffisent pas à démontrer l'existence de liens d'une particulière intensité ou une situation de dépendance affective ou matérielle à leurs égards. En dépit de leur durée de séjour sur le territoire, M. et Mme B... ne justifient d'aucune ancienneté dans un emploi ni ne présentent de projets sérieux d'insertion professionnelle, les promesses d'embauche, imprécises et peu circonstanciées, qu'ils produisent pour la première fois devant la cour étant au demeurant toutes postérieures aux arrêtés attaqués. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne disposent d'aucune ressource propre, ni de logement autonome et qu'ils n'ont jusqu'alors vécu sur le territoire qu'au moyen d'aides ou de prestations sociales et à la faveur d'hébergements assurés par des organismes sociaux ou à caractère caritatif. Dans le même temps, ils ne justifient pas être dans l'impossibilité de se réinsérer socialement et professionnellement dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie, qu'ils n'ont quitté que depuis peu et dans lequel ils n'établissent pas être isolés. Dans ces conditions, les seuls engagements associatifs et sportifs de M. et Mme B..., aussi louables soient-ils, ne suffisent pas à les regarder comme ayant établi le centre de leur vie privée et familiale sur le territoire français. Il s'ensuit que le préfet du Pas-de-Calais ne peut être regardé comme ayant méconnu leur droit au respect de leur vie privée et familiale en leur refusant la délivrance de titres de séjour et les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations visées au point précédent doivent, dès lors, être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
6. En l'espèce, les décisions attaquées n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme B... de leurs deux enfants mineurs, qui étaient âgés de 10 et 5 ans à la date de ces décisions et qui détiennent, comme eux, la nationalité algérienne. Compte tenu de leur jeune âge et de ce qu'ils étaient seulement scolarisés en deuxième année de cours moyen et en moyenne section de maternelle à la date des décisions attaquées, M. et Mme B... n'établissent pas que la scolarité de leurs enfants ne pourrait pas être poursuivie en Algérie et qu'ils ne pourraient pas davantage y continuer leurs activités sportives et de loisir. En outre, M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer, à l'encontre des décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour, les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux protections contre l'éloignement. En tout état de cause, ils sont les seuls destinataires des arrêtés attaqués, qui n'ont ni pour objet ni pour effet d'obliger directement leurs enfants à quitter le territoire. La seule circonstance que ceux-ci les accompagneraient dans l'hypothèse où les arrêtés seraient exécutés ne suffit pas à regarder ces arrêtés comme méconnaissant les protections contre l'éloignement édictées au bénéfice des mineurs par les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doivent être écartés.
7. En troisième lieu, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6.
8. En quatrième lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit de manière exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France. Il s'ensuit que M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne leur sont pas applicables. Leurs moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés comme inopérants.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions portant refus de délivrance de titres de séjour.
En ce qui concerne les décisions portant obligations de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 3 à 9, M. et Mme B... n'établissent pas que les arrêtés attaqués, en tant qu'ils leur refusent la délivrance de titres de séjour, seraient illégaux. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, des décisions portant obligations de quitter le territoire français doivent être écartés.
11. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4, 6 et 7.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation des décisions portant obligations de quitter le territoire français.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
13. Ainsi qu'il a été exposé aux points 3 à 12, M. et Mme B... n'établissent pas que les arrêtés attaqués, en tant qu'ils leur refusent la délivrance de titres de séjour et les obligent à quitter le territoire français, seraient illégaux. Par suite, les moyens tirés de l'illégalité de ces décisions, invoqués par voie d'exception à l'appui des conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de destination, doivent être écartés. Il en résulte que M. et Mme B... ne sont pas davantage fondés à demander l'annulation de ces dernières.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 9 septembre 2022 du préfet du Pas-de-Calais. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 25 février 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°24DA01298,24DA01299