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11/06/2015 | FRANCE | N°14PA01084

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 juin 2015, 14PA01084


Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Tour Pascal B, à La Défense Cedex (92055) ; le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser à la société Défi France une somme de

582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa cha

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Vu le recours, enregistré le 10 janvier 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, Tour Pascal B, à La Défense Cedex (92055) ; le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser à la société Défi France une somme de

582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande tendant à l'indemnisation de la société Défi France et, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnisation accordée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'arrêt n° 367809 du 5 mars 2014 par lequel le Conseil d'État, statuant sur le pourvoi en cassation présenté par la société Défi Group, a, d'une part, annulé l'arrêt n°11PA00111 du

7 février 2013 par lequel la Cour administrative d'appel de Paris a, faisant droit au recours présenté par le ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie, annulé le jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 du Tribunal administratif de Paris qui avait condamné l'État à verser à la société Défi France une somme de 582 232,64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007 et rejeté la demande de cette société présentée devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel incident présentées devant la cour tendant à ce que l'indemnité mise à la charge de l'État soit portée à la somme de 970 691,04 euros, et a, d'autre part, renvoyé l'affaire à la Cour ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 4 août 2014, présenté pour la Société Défi Group, par MeA..., qui conclut, d'une part, à la confirmation des articles 1er et 2 du jugement n° 0807650/7-2 du 5 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'État à lui verser la somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts à compter du

28 décembre 2007 et a mis à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, à l'annulation partielle de ce jugement en ce qu'il a rejeté, à son article 3, sa demande d'indemnité de 970 691,04 euros ainsi qu'à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 970 691,04 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2007 et, enfin, à la mise à la charge de l'État d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la Société Défi Group soutient que :

- les décisions du maire de Paris la contraignant à déposer l'installation publicitaire étaient illégales ; le maire ne pouvait rapporter légalement l'autorisation tacite dont elle était titulaire ; la responsabilité de l'État, le maire ayant agi en tant que représentant de l'État, est donc engagée ;

- les décisions illégales ont entrainé plusieurs chefs de préjudices ; le Tribunal administratif de Paris lui a accordé une indemnité de 552 232, 97 euros réparant le préjudice issu de l'interruption du contrat conclu avec la société Samsung et correspondant à la marge de perdue entre 2004 et 2006 ; le jugement doit être confirmé de ce chef ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il lui a accordé la somme de 29 999, 67 euros au titre des frais de dépose de la publicité ;

- elle a subi un préjudice né du non renouvellement du contrat qui s'élève à la somme de 970 691 euros correspondant à la marge perdue ; le Tribunal administratif de Paris ayant rejeté ce chef de préjudice, le jugement doit être partiellement annulé ; elle peut être indemnisée d'une perte de chance sérieuse ; la Cour pourra ordonner une expertise pour vérifier ce qui précède ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 13 mai 2015, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Vu le mémoire après cassation, enregistré le 22 mai 2015, présenté pour la Société Défi Group, par MeA... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération ;

Vu le règlement de la publicité et des enseignes à Paris du 7 juillet 1986 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 :

- le rapport de Mme Vettraino, président,

- les conclusions de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Défi Group ;

1. Considérant que la société Défi France, devenue la société Défi Group, a demandé le 24 mai 2000 l'autorisation d'installer un dispositif publicitaire au profit de la marque Samsung comportant deux toiles peintes sur les pignons des immeubles des 47-49 rue Fontaine et

104-106 rue Blanche à Paris dans le 9ème arrondissement, ainsi qu'un dispositif lumineux et animé sur la toiture de l'immeuble du 3 place Blanche ; que cette demande a été rejetée par une décision expresse en date du 25 juillet 2000 du maire de Paris, agissant au nom de l'État en application des dispositions de l'article 20 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et aux pré-enseignes, codifiées depuis à l'article L. 581-21 du code de l'environnement, dans leur rédaction alors applicable, au motif que le dispositif publicitaire était contraire au règlement de la publicité et des enseignes à Paris du 7 juillet 1986 ; que, toutefois, l'installation de ce dispositif a été achevée le 12 octobre 2000 ; que compte tenu d'importants problèmes de luminosité et de bruits dont se plaignaient les riverains, la ville de Paris a demandé à la société Défi France de procéder à des améliorations techniques de l'installation en vue d'une régularisation éventuelle de cette installation ; que, le 31 octobre 2000, la société a présenté une demande d'autorisation rectificative qui a été rejetée par le maire de Paris le 27 décembre 2000, puis à nouveau le 28 mai 2001, compte tenu notamment de l'insuffisance des mesures de réduction des nuisances prises ; que, par deux arrêtés du 6 juillet 2001 et du 5 septembre 2002, le maire de Paris a mis en demeure la société Défi France de déposer l'installation ; que cette dernière a contesté devant le Tribunal administratif de Paris la décision du maire de Paris du

28 mai 2001 et ses arrêtés des 6 juillet 2001 et 5 septembre 2002 ; que ce tribunal a rejeté ses demandes par deux jugements des 10 octobre 2003 et 8 juillet 2004 ; que la société Défi France, a procédé à la dépose du dispositif litigieux le 26 avril 2004 ; que, par deux arrêts des

5 octobre 2006 et 26 avril 2007, la Cour administrative d'appel de Paris a cependant annulé la décision du maire de Paris du 28 mai 2001 et ses arrêtés des 6 juillet 2001 et 5 septembre 2002, au motif que la société Défi France était titulaire d'une autorisation tacite d'installation, née le

24 juillet 2000, du fait de l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article 29 du décret du 21 novembre 1980 portant règlement national de la publicité en agglomération, que la décision expresse du 25 juillet 2000 ne pouvait légalement rapporter, les décisions des 28 mai 2001,

6 juillet 2001 et 5 septembre 2002 étant, par suite, privées de base légale; que ces arrêts de la Cour administrative d'appel de Paris étant devenus définitifs, la société Défi France a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'indemnisation par l'État du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait des décisions illégales lui refusant l'autorisation d'installation à la suite des modifications qu'elle avait apportées au dispositif et la mettant en demeure de déposer l'installation; que, par un jugement du 5 novembre 2010, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser à la société Défi France une somme de 582 232,64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de ces décisions ; que par un arrêt n° 11PA00111 du 7 février 2013, la Cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre de l'écologie, a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris et rejeté la demande présentée par la société devant le tribunal, ainsi que son appel incident tendant à ce que l'indemnité mise à la charge de l'État soit portée à la somme de 970 691,04 euros, au motif que la circonstance qu'une décision implicite d'acceptation ait été acquise était sans incidence sur le fait que le dispositif était non conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et aurait pu donner lieu à un rejet exprès légal de la demande présentée par la société Défi France, le préjudice allégué de la société résultant dès lors de l'application des dispositions législatives et réglementaires et ne pouvant être regardé comme la conséquence de l'illégalité des décisions du maire de Paris ; que la société Défi Group s'étant pourvue en cassation contre cet arrêt, le Conseil d'État, par une décision du 5 mars 2014, a, d'une part, annulé l'arrêt du 7 février 2013 de la Cour de céans au motif que la Cour en jugeant de la sorte avait commis une erreur de droit, alors qu'elle aurait dû relever qu'à compter du 24 juillet 2000 l'administration se trouvait dessaisie de sa compétence et en déduire qu'elle ne pouvait opposer légalement un refus à la demande d'autorisation de la société, et, d'autre part, a renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que l'illégalité de la décision du 25 juillet 2000 portant refus exprès d'autorisation d'installation du dispositif publicitaire litigieux et devant donc être regardée comme retirant la décision implicite d'acceptation née le 24 juillet 2000 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État ; que, cependant, l'illégalité fautive d'un acte administratif n'est de nature à ouvrir droit à réparation que s'il existe un lien de causalité direct et certain entre cette faute et le préjudice invoqué ;

3. Considérant qu'il ressort des termes du contrat liant la société Défi France à la société Cheil communications, annonceur, filiale de la société Samsung, que le contrat ne pouvait prendre effet, aux termes de son article 2.1. qu'à la date de l'installation de la publicité,

elle-même soumise à l'obtention d'une autorisation administrative, et qu'aux termes de l'article 3.3. de ce contrat la société Défi France devait prendre sous son entière responsabilité la charge de l'obtention de l'autorisation, dans le respect de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et aux pré-enseignes et des règles spécifiques applicables à Paris, expressément mentionnées ; qu'en qualité de professionnel spécialisé dans l'exploitation de dispositifs publicitaires urbains, la société Défi France ne pouvait par ailleurs ignorer les risques auxquels elle s'exposait en installant un dispositif lumineux animé en rotation, composé d'un téléphone portable géant, entouré d'une sphère métallique ajourée de 6 mètres de diamètre, fixé sur une toiture et émettant des éclairs intermittents, dont l'importance sur une place inscrite au titre de la législation sur les monuments historiques ne pouvait en permettre l'intégration ; que, de surcroît, lorsque la société Défi France a terminé d'installer le dispositif publicitaire, soit en novembre 2000, ce qui a rendu exécutoire le contrat susmentionné, elle avait connaissance de l'opposition du maire de Paris au projet d'installation par la décision expresse du 25 juillet 2000 qui lui avait été notifiée et qui mentionnait que ce dispositif publicitaire était contraire à

l'article 15 du règlement de la publicité et des enseignes à Paris du 7 juillet 1986 modifié, l'architecte des bâtiments de France ayant en outre émis un avis défavorable à la demande d'autorisation d'installation du dispositif litigieux au motif que ce dernier portait à l'environnement une atteinte incompatible avec la protection du cadre de vie mentionnée à l'article 2 de la loi du 29 décembre 1979 devenu l'article L. 581-2 du code de l'environnement ; qu'ainsi, si la société Défi France a obtenu, du fait d'une erreur de l'administration, une autorisation tacite, elle n'a pas respecté les termes du contrat l'obligeant à obtenir une autorisation dans le respect des règles en vigueur ; qu'il résulte de l'instruction que bien que bénéficiant de cette autorisation tacite, c'est la société Défi France qui a pris l'initiative de proposer un changement des termes contractuels à la société Cheil communications ; qu'il ressort en effet de la lettre du 21 octobre 2003 par laquelle cette dernière société a informé la société Défi France de sa décision de rompre le contrat, que sa décision a été prise en considération de l'information qui lui a été donnée par la société Défi France selon laquelle la décision administrative n'autorisait le dispositif publicitaire de la place Blanche que jusqu'à la fin de l'année 2003, et en l'absence de propositions d'emplacement équivalent pouvant lui convenir ; qu'ainsi, si la société Défi France s'est crue dans l'obligation de faire évoluer le contrat, ce n'est qu'en raison des irrégularités dans lesquelles elle s'était placée et par conséquent de sa propre imprudence ; que, par suite, le préjudice allégué est dépourvu de lien direct avec la décision illégale du maire de Paris portant retrait de la décision implicite d'acceptation et résulte de la non conformité du dispositif à la réglementation susrappelée, laquelle, en tout état de cause, aurait fait obstacle à la délivrance de quelque autorisation que ce soit ; que la société requérante ne peut donc prétendre à aucune indemnisation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de l'écologie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser à la société Défi France une somme de 582 232, 64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter du 28 décembre 2007, et a mis à sa charge une somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident présentées par la société Défi Group devant la Cour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Défi Group demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0807650/7-2 du Tribunal administratif de Paris du 5 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Défi France devant le Tribunal administratif de Paris, ses conclusions d'appel incident présentées devant la Cour et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie et à la Société Défi group.

Copie en sera adressée au maire de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Vettraino, président de chambre,

Mme Terrasse, président assesseur,

M. Romnicianu, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 juin 2015.

Le président rapporteur,

M. VETTRAINOLe président assesseur,

M. TERRASSE

Le greffier,

E. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 11PA00434

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N° 14PA01084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01084
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Marion VETTRAINO
Rapporteur public ?: Mme BONNEAU-MATHELOT
Avocat(s) : RACINE ; RACINE ; GALLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-11;14pa01084 ?
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