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09/03/2010 | FRANCE | N°08LY00396

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 mars 2010, 08LY00396


Vu, I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2008 par télécopie et régularisée le 21 février 2008, sous le n°08LY00396, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, dont le siège est 20, avenue du Stade-de-France à La Plaine Saint-Denis (93218 cedex) ;

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602046, 0602047 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné le département de l'Yonne à verser, en réparation des conséquences dommageables nées de la contaminatio

n transfusionnelle de M. Jean-Paul A par le virus de l'hépatite C, une somme de 79 8...

Vu, I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2008 par télécopie et régularisée le 21 février 2008, sous le n°08LY00396, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, dont le siège est 20, avenue du Stade-de-France à La Plaine Saint-Denis (93218 cedex) ;

L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602046, 0602047 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné le département de l'Yonne à verser, en réparation des conséquences dommageables nées de la contamination transfusionnelle de M. Jean-Paul A par le virus de l'hépatite C, une somme de 79 842,58 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, à M. Jean-Paul A, une somme de 10 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, à Mme Nelly A, une somme de 59 311,35 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne et à rembourser à cette dernière, au fur et à mesure, une fraction des termes échus de la rente accident du travail servie à M. A correspondant à l'aggravation de son incapacité imputable à la transfusion, dans la limite de 54 644,63 euros ;

2°) à titre principal, de lui donner acte qu'il intervient aux lieux et places du département de l'Yonne, d'ordonner une expertise médicale aux fins, notamment, de rechercher l'origine de la contamination et d'évaluer les préjudices en résultant et d'enjoindre à M. A de produire certains documents et d'apporter certaines explications ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par les consorts A ou de réduire le montant des indemnités allouées à ces derniers par le jugement attaqué, de rejeter les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne tendant au remboursement de ses débours ;

Il soutient qu'il est bien fondé à faire appel du jugement attaqué dès lors qu'il est, conformément aux dispositions de l'ordonnance n°2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, substitué aux droits et obligations du département de l'Yonne à raison des activités transfusionnelles passées de ce dernier ; que les premiers juges se sont prononcés en retenant des pièces qui ne présentaient pas de caractère contradictoire ; que, contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé, M. A n'apporte pas un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, en 1965 au centre hospitalier d'Auxerre, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que la contamination dont s'agit peut parfaitement avoir une autre origine, notamment nosocomiale, que les transfusions incriminées ; que les premiers juges ont surévalué les préjudices de la victime ; qu'ils ne disposaient pas d'éléments sur l'évolution de l'affection hépatique de M. A à la date à laquelle ils ont statué ; qu'ils se sont prononcés sans savoir si l'état hépatique de l'intéressé était consolidé ; que M. A doit apporter des explications sur les suites, y compris judiciaires, qui ont été données à l'accident dont il a été victime en 1965 afin d'éviter une double indemnisation des mêmes préjudices ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne n'établit pas que ses débours sont directement imputables à la contamination virale de son assuré ; qu'une expertise contradictoire doit être ordonnée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 22 juillet 2008 par télécopie et régularisé le 23 juillet 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne qui conclut à la confirmation du jugement attaqué s'agissant du principe de la responsabilité, à ce que la somme que le département de l'Yonne a été condamné à lui payer au titre de ses débours soit portée à 61 089,78 euros et à ce que le capital représentatif de la rente versée à M. A soit réévalué à la somme de 28 552 euros, à ce que ces condamnations soient supportées par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, à ce que ce dernier lui verse une somme de 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que M. A apporte des éléments qui permettent de présumer que sa contamination est imputable aux transfusions incriminées ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et le département de l'Yonne ne rapportent pas la preuve contraire ; qu'elle est bien fondée à obtenir le remboursement des prestations servies pour le compte de son assuré ;

Vu, enregistré le 21 octobre 2009 par télécopie et régularisé le 23 octobre 2009, le mémoire présenté pour M. et Mme A qui concluent, à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation solidaire de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et du département de l'Yonne à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des mêmes à verser une somme de 330 000 euros à M. A, une somme de 160 000 euros à Mme A, outre intérêts et capitalisation des intérêts, et, à titre plus subsidiaire, à ce qu'une expertise soit ordonnée ; ils soutiennent qu'ils apportent des éléments qui permettent de présumer que la contamination de M. A a pour origine les transfusions incriminées ; que la matérialité des transfusions est établie ; que la preuve de l'innocuité des produits sanguins administrés n'est pas rapportée ; que l'hépatite C peut se révéler plus de 30 ans après la contamination ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG fait état d'éléments erronés s'agissant des hypothèses de contamination non transfusionnelle ; que tous les autres facteurs de risque de contamination ont été étudiés par les experts et sont à écarter ; que contrairement aux allégations de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance d'Auxerre présente un caractère contradictoire ; que les premiers juges ont pu s'estimer suffisamment informés ; qu'ils subissent des préjudices importants ; que l'instance judiciaire n'a pas été poursuivie ; qu'une double indemnisation des même préjudices n'est pas possible en l'espèce ; que l'état de M. A est consolidé ou au moins stabilisé ; que son licenciement est imputable à son affection hépatique ;

Vu, enregistré le 22 janvier 2010 par télécopie et régularisé par courrier le 26 janvier, le mémoire déposé pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; il insiste notamment sur le caractère non contradictoire des opérations d'expertise et sur le fait que l'expert utilise un rapport de la CPAM qui est partie au litige et un rapport commandé par M. A ;

Vu, enregistré le 25 janvier 2010, après la clôture de l'instruction, le mémoire déposé pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ;

Vu, II°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 février 2008 par télécopie et régularisée par courrier le 21 février 2008, sous le n°07LY00399, présentée pour le DEPARTEMENT DE L'YONNE, dont le siège est 1 rue de l'Etang Saint Vigile à Auxerre (89000) ; le DEPARTEMENT DE L'YONNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0602046, 0602047 du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser, en réparation des conséquences dommageables nées de la contamination transfusionnelle de M. Jean-Paul A par le virus de l'hépatite C, une somme de 79 842,58 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, à M. Jean-Paul A, une somme de 10 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, à Mme Nelly A, une somme de 59 311,35 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne et à rembourser à cette dernière, au fur et à mesure, une fraction des termes échus de la rente accident du travail servie à M. A correspondant à l'aggravation de son incapacité imputable à la transfusion, dans la limite de 54 644,63 euros ;

2°) de le mettre hors de cause ;

3°) subsidiairement, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a retenu que les transfusions incriminées étaient à l'origine de la contamination de M. A et, plus subsidiairement, de réduire les sommes allouées par les premiers juges ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a engagé sa responsabilité à raison des conséquences dommageables résultant de la contamination transfusionnelle de M. A par le virus de l'hépatite C ; que seule la responsabilité de l'Etablissement français du sang doit être retenue dès lors que ce dernier est substitué dans ses droits et obligations nés de son activité transfusionnelle passée ; que la contamination ne saurait être regardée comme imputable aux transfusions incriminées dès lors que M. A a été exposé à d'autres sources de contamination, que les examens hépatiques présentés par ce dernier entre 1974 et 1985 étaient sans anormalité et que l'on ignore si le seul flacon de sang distribué par le centre de transfusion sanguine de l'Yonne a été administré ; que les préjudices de la victime et de son épouse sont surévalués et injustifiés ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne n'établit pas que ses débours sont imputables à la contamination litigieuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 22 juillet 2008 par télécopie et régularisé le 23 juillet 2008, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne qui conclut aux mêmes fins que dans l'instance n°08LY00396, par les mêmes moyens ;

Vu, enregistré le 21 octobre 2009 par télécopie et régularisé le 23 octobre 2009, le mémoire présenté pour M. et Mme A qui concluent, à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation solidaire de l'Etablissement français du sang et du DEPARTEMENT DE L'YONNE à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des mêmes à verser une somme de 330 000 euros à M. A, une somme de 160 000 euros à Mme A, outre intérêts et capitalisation des intérêts, et, à titre plus subsidiaire, à ce qu'une expertise soit ordonnée ; ils soutiennent qu'ils apportent des éléments qui permettent de présumer que la contamination de M. A a pour origine les transfusions incriminées ; que la matérialité des transfusions est établie ; que la preuve de l'innocuité des produits sanguins administrés n'est pas rapportée ; que l'hépatite C peut se révéler plus de 30 ans après la contamination ; que l'Etablissement français du sang fait état d'éléments erronés s'agissant des hypothèses de contamination non transfusionnelle ; que tous les autres facteurs de risque de contamination ont été étudiés par les experts et sont à écarter ; que contrairement aux allégations de l'Etablissement français du sang, l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance d'Auxerre présente un caractère contradictoire ; que les premiers juges ont pu s'estimer suffisamment informés ; qu'ils subissent des préjudices importants ; que l'instance judiciaire n'a pas été poursuivie ; qu'une double indemnisation des même préjudices n'est pas possible en l'espèce ; que l'état de M. A est consolidé ou au moins stabilisé ; que son licenciement est imputable à son affection hépatique ;

Vu, enregistré le 22 janvier 2010 par télécopie et régularisé par courrier le 26 janvier, le mémoire déposé pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ; il insiste notamment sur le caractère non contradictoire des opérations d'expertise et sur le fait que l'expert utilise un rapport de la CPAM qui est partie au litige et un rapport commandé par M. A ;

Vu, enregistré le 25 janvier 2010, après la clôture de l'instruction, le mémoire déposé pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Cohen-Elbaz, avocat de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et de Me Michaud, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'YONNE ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. A, victime d'un accident en juin 1965, a été soigné au centre hospitalier d'Auxerre ; qu'ayant subi à cette occasion plusieurs transfusions sanguines, il a recherché la responsabilité du DEPARTEMENT DE L'YONNE qui était à l'époque des faits gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine, afin qu'il répare le préjudice que lui a causé sa contamination par le virus de l'hépatite C, révélée en 2002 et qu'il impute à ces transfusions ; que par les requêtes susvisées, le DEPARTEMENT DE L'YONNE et l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG font appel du jugement en date du 20 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné le DEPARTEMENT DE L'YONNE à réparer le préjudice subi par les époux A ;

Considérant que les requêtes susvisées, dirigées contre le même jugement, présentent à juger la même question et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions du DEPARTEMENT DE L'YONNE :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de l'ordonnance du 1er septembre 2005 susvisée : Les droits et obligations nés de l'élaboration ou de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit public ayant été agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 et qui n'ont pas déjà été transférés par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 sont transférés à l'Etablissement français du sang à la date de sa création, sous réserve que ces droits et obligations n'aient pas été fixés par une décision juridictionnelle irrévocable à la date de la publication de la présente ordonnance ... ; qu'il résulte de ces dispositions que, dès la date de la publication de l'ordonnance susvisée, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG s'est trouvé substitué à toutes les autres personnes morales de droit public pour indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles dont le cas n'avait pas fait l'objet d'une décision juridictionnelle irrévocable ; que si l'article 14 de ladite ordonnance prévoit par ailleurs que : Ce transfert est précédé d'une déclaration adressée à l'Etablissement français du sang, lui permettant de connaître l'étendue et la nature des droits et obligations qui lui sont transférés. La déclaration, dont les modalités et le contenu sont fixés par un arrêté du ministre chargé de la santé, doit être faite dans un délai de trois ans à partir de la publication de la présente ordonnance pour les demandes qui ont été présentées aux personnes intéressées avant cette publication, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de conditionner à l'intervention de cette déclaration le transfert à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG des obligations, vis-à-vis des victimes, nées de la production ou de la fourniture de produits sanguins ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que, le Tribunal administratif, saisi en août 2006 d'une demande de M. A recherchant la responsabilité du DEPARTEMENT DE L'YONNE du fait de son activité de la transfusion sanguine, devait appeler en cause l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et prononcer les condamnations éventuelles à l'encontre de ce dernier ; que le DEPARTEMENT DE L'YONNE est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à réparer le préjudice subi par M. A ;

Considérant que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, légalement substitué, comme il l'a été dit ci-dessus, dans les obligations du centre de transfusion sanguine fait régulièrement appel du jugement susvisé ; qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande de M. A et les moyens développés en appel ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur, non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; que ce n' est qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits successivement par ces parties, forme sa conviction que le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal de grande instance d'Auxerre, qui peut être retenu à titre d'élément d'information dès lors qu'il a été communiqué à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et a pu être discuté par ce dernier, que M. A a été victime, le 29 juin 1965, d'un grave accident de la circulation à l'origine d'un traumatisme crânien, d'une rupture de la rate et d'une perforation intestinale ; qu'il a alors été hospitalisé au centre hospitalier d'Auxerre pour y subir une splénectomie et une résection intestinale avant de faire à nouveau l'objet, quinze jours plus tard, d'une intervention pour traiter une occlusion intestinale venue compliquer les suites opératoires ; qu'à l'occasion de cette hospitalisation il a été transfusé avec des produits sanguins ; que M. A, après avoir présenté une asthénie d'apparition progressive en 2001, s'est révélé séropositif au virus de l'hépatite C en janvier 2002 ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'ayant pas été en mesure de démontrer l'innocuité de l'ensemble des produits incriminés, M. A impute cette séropositivité aux transfusions susmentionnées ;

Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction que M. A, outre les interventions initiales consécutives à son accident du 29 juin 1965, a fait l'objet d'une opération en décembre 1965 pour traiter une suppuration pariétale avec éventration ; qu'il été victime à la fin de l'année 1966 d'une chute à l'origine d'une fracture du maxillaire inférieur et de dégâts dentaires qui, après plusieurs tentatives de prothèses infructueuses, ont justifié une extraction dentaire totale en 1986 ; que l'intéressé a également fait l'objet en 1986 d'une cholécystectomie et en 1988 d'une énucléation imposant le port d'une prothèse à la suite d'une blessure oculaire par arme à feu ; que si l'expert commis par le Tribunal de grande instance d'Auxerre a estimé qu'une contamination par voie transfusionnelle est la plus vraisemblable , il a toutefois précisé qu'il était également possible que cette contamination trouve son origine dans l'introduction accidentelle du virus dans l'organisme de M. A lors de l'un des actes chirurgicaux susmentionnés, voire dans une cause étrangère aux différents soins dispensés à l'intéressé ; que dans ces conditions, en l'absence d'un faisceau d'éléments conférant à l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle un degré suffisamment élevé de vraisemblance, le lien de causalité entre les transfusions dont s'agit et la contamination de M. A ne peut être regardé comme établi, ce, sans qu'il soit besoin d'ordonner un supplément d'instruction qui ne serait pas utile à la solution du litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a imputé la contamination litigieuse aux transfusions incriminées et fait partiellement droit aux conclusions indemnitaires de M. et Mme BARBIER et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et le DEPARTEMENT DE l'YONNE, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent une somme de 3 000 euros à M. et Mme A au titre des frais exposés par ces derniers et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Dijon nos 0602046, 0602047 du 20 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme A et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne devant le Tribunal administratif de Dijon ainsi que leurs conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, au DEPARTEMENT DE l'YONNE, à M. et Mme Jean-Paul A et à la caisse primaire d'assurance maladie de L'Yonne.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Stillmunkes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mars 2010.

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N° 08LY00396,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00396
Date de la décision : 09/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG - ORDONNANCE N° 2005-1087 DU 1ER SEPTEMBRE 2005 RELATIVE AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX À CARACTÈRE SANITAIRE ET AUX CONTENTIEUX EN MATIÈRE DE TRANSFUSION SANGUINE - EFFETS - SUBSTITUTION DE L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG AUX AUTRES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC POUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE PRODUITS SANGUINS TRANSFUSÉS - ABSENCE DE DÉCLARATION SANS CONSÉQUENCE DANS LE TRANSFERT DE RESPONSABILITÉ VIS-À-VIS DES VICTIMES.

60-02-01 Aux termes de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 : « Les droits et obligations nés de l'élaboration ou de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit public ayant été agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 et qui n'ont pas déjà été transférés par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 sont transférés à l'Etablissement français du sang à la date de sa création, sous réserve que ces droits et obligations n'aient pas été fixés par une décision juridictionnelle irrévocable à la date de la publication de la présente ordonnance ... » ; il résulte de ces dispositions que, dès la date de la publication de l'ordonnance susvisée, l'Etablissement français du sang s'est trouvé substitué à toutes les autres personnes morales de droit public pour indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles dont le cas n'avait pas fait l'objet d'une décision juridictionnelle irrévocable ; si l'article 14 de ladite ordonnance prévoit par ailleurs que : « Ce transfert est précédé d'une déclaration adressée à l'Etablissement français du sang, lui permettant de connaître l'étendue et la nature des droits et obligations qui lui sont transférés. La déclaration, dont les modalités et le contenu sont fixés par un arrêté du ministre chargé de la santé, doit être faite dans un délai de trois ans à partir de la publication de la présente ordonnance pour les demandes qui ont été présentées aux personnes intéressées avant cette publication», ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet, de conditionner à l'intervention de cette déclaration le transfert à l'Etablissement français du sang des obligations, vis-à-vis des victimes, nées de la production ou de la fourniture de produits sanguins.

SANTÉ PUBLIQUE - AUTRES ÉTABLISSEMENTS À CARACTÈRE SANITAIRE - ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG - ORDONNANCE N° 2005-1087 DU 1ER SEPTEMBRE 2005 RELATIVE AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS NATIONAUX À CARACTÈRE SANITAIRE ET AUX CONTENTIEUX EN MATIÈRE DE TRANSFUSION SANGUINE - EFFETS - SUBSTITUTION DE L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG AUX AUTRES PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC POUR L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE PRODUITS SANGUINS TRANSFUSÉS - ABSENCE DE DÉCLARATION SANS CONSÉQUENCE DANS LE TRANSFERT DE RESPONSABILITÉ VIS-À-VIS DES VICTIMES.

61-08 Aux termes de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 : « Les droits et obligations nés de l'élaboration ou de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit public ayant été agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 et qui n'ont pas déjà été transférés par l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 sont transférés à l'Etablissement français du sang à la date de sa création, sous réserve que ces droits et obligations n'aient pas été fixés par une décision juridictionnelle irrévocable à la date de la publication de la présente ordonnance ... » ; il résulte de ces dispositions que, dès la date de la publication de l'ordonnance susvisée, l'Etablissement français du sang s'est trouvé substitué à toutes les autres personnes morales de droit public pour indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles dont le cas n'avait pas fait l'objet d'une décision juridictionnelle irrévocable ; si l'article 14 de ladite ordonnance prévoit par ailleurs que : « Ce transfert est précédé d'une déclaration adressée à l'Etablissement français du sang, lui permettant de connaître l'étendue et la nature des droits et obligations qui lui sont transférés. La déclaration, dont les modalités et le contenu sont fixés par un arrêté du ministre chargé de la santé, doit être faite dans un délai de trois ans à partir de la publication de la présente ordonnance pour les demandes qui ont été présentées aux personnes intéressées avant cette publication», ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de conditionner à l'intervention de cette déclaration le transfert à l'Etablissement français du sang des obligations, vis-à-vis des victimes, nées de la production ou de la fourniture de produits sanguins.


Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : R-P DRAI ET AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-03-09;08ly00396 ?
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