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25/06/2007 | FRANCE | N°06NC00472

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 juin 2007, 06NC00472


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006, complétée par un mémoire enregistré le 20 mars 2007, présentée pour la SOCIETE EUROPIPE FRANCE, représentée par son représentant légal, ayant son siège route du Comte Jean à Grande-Synthe (59760), par Me Pallier ; la SOCIETE EUROPIPE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500843 en date du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. Philippe X la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2004 autorisant son licenciement, ensemble la décision du min

istre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 11 février 2005 ...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006, complétée par un mémoire enregistré le 20 mars 2007, présentée pour la SOCIETE EUROPIPE FRANCE, représentée par son représentant légal, ayant son siège route du Comte Jean à Grande-Synthe (59760), par Me Pallier ; la SOCIETE EUROPIPE FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500843 en date du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de M. Philippe X la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2004 autorisant son licenciement, ensemble la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 11 février 2005 rejetant le recours hiérarchique de l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy ;

3°) de condamner M. X à lui verser une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les difficultés économiques auxquelles elle est confrontée en raison des pertes financières substantielles de l'établissement de Joeuf, s'élevant à environ 40 millions d'euros sur la période 1999-2002, justifient la fermeture de cet établissement, dont la production est confrontée à un fort ralentissement de sa compétitivité dans un contexte de concurrence internationale accrue et d'éloignement géographique des nouveaux marchés ; ces considérations économiques ont été justement appréciées par le ministre ; la suppression du poste de M. X est, comme celle des 172 salariés du site, indiscutable ;

- l'obligation de reclassement au sein du groupe s'entend entre entreprises dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'envisager une possibilité de permutation de tout ou partie du personnel ; la seule prise en compte des liens capitalistiques ou l'existence d'accords collectifs communs est insuffisante ; l'appréciation doit porter sur les seules sociétés ou établissements du groupe ayant leur siège social en France ;

- l'obligation de reclassement est une obligation de moyens et non de résultat ;

- le groupe Arcelor n'avait pas à être inclus dans le champ de l'obligation de reclassement ; elle n'en faisait plus partie au moment de la fermeture du site de Joeuf mais était filiale à 100 % de la société allemande Europipe gmbh, elle-même filiale à parts égales de deux sociétés allemandes dont l'une détenue à 51,25 % par le holding Arcelor implanté à Luxembourg ; ne dépendant d'aucune société dominante, elle n'appartient pas à un groupe au sens de l'article L. 439-1 du code du travail ; elle est allée néanmoins au-delà de ses obligations légales en s'efforçant par le biais de la cellule de reclassement d'arriver au reclassement de salariés dans des entreprises situées en dehors du périmètre de son groupe et notamment des filiales du groupe Arcelor ;

- la circonstance qu'elle dispose d'un accord d'entreprise Cap 2010 est indifférente, celui-ci ne rentrant pas dans le champ d'application du groupe Arcelor ; le plan d'épargne groupe Usinor est le reliquat de l'ancien statut conventionnel dont bénéficiait le personnel du temps où elle appartenait au groupe Usinor-Sacilor ;

- en tout état de cause M. X ne verse au débat aucun élément établissant des possibilités de permutation avec les filiales du groupe Arcelor ;

- M. X n'a pas donné suite aux propositions écrites et précises qui lui ont été adressées ; la liste des postes disponibles dans le groupe et à l'extérieur lui a été transmise par courriers des 17 octobre et 6 novembre 2003 ;

- il ne saurait lui être reproché d'avoir transmis une liste commune à tous les salariés dès lors qu'elle devait leur offrir à tous les mêmes opportunités sans discrimination ; comme l'a constaté le ministre, l'intéressé s'est vu proposer l'accès au site de reclassement interne des cadres Arcelor et même des postes tenant compte de ses qualifications et correspondant aux emplois exercés à Joeuf, propositions qu'il a volontairement négligées ; il a adhéré au dispositif du congé de reclassement et bénéficié des prestations du cabinet SODIE et notamment suivi une formation en anglais ;

- le licenciement est dépourvu de tout lien avec le mandat syndical ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2007 présenté pour M. X demeurant ..., par la SCP Wolff et Jacquet ; M. X conclut au rejet de la requête et à ce que la société EUROPIPE soit condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le licenciement économique des salariés du site de Joeuf n'est pas justifié ; c'est le coût de la décision de fermeture qui est à l'origine des mauvais résultats comptables de l'entreprise ;

- il n'a fait l'objet d'aucune recherche personnalisée de reclassement ; la transmission de listes d'emplois au demeurant imprécises et la création d'une cellule de reclassement sont insuffisantes ; le périmètre de reclassement devait inclure toutes les entreprises du groupe, incluant Arcelor ; des emplois y ont d'ailleurs été proposés de façon discriminatoire à certains salariés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2007, présenté par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les motifs économiques du licenciement sont parfaitement justifiés ;

- le comité d'établissement n'a jamais engagé de procédure judiciaire pour faire reconnaître son appartenance au groupe Arcelor ;

- le lien capitalistique ne permettait pas de considérer que la société EUROPIPE appartenait au groupe Arcelor et aucun élément du dossier ne démontre l'existence de possibilités de permutation entre son personnel et les filiales du groupe Arcelor, même si l'accord transactionnel du 9 juillet 2004 a aménagé des possibilités de reclassement dans certaines filiales de ce groupe ;

- M. X s'est vu proposer plusieurs postes de reclassement en interne dans le Groupe EUROPIPE et a eu accès au site de reclassement interne des cadres d'Arcelor ; l'employeur a donc rempli ses obligations en la matière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 21 mars 2007 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2007 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Pallier, avocat de la SOCIETE EUROPIPE et de Me Jaquet, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que méconnaît l'obligation de reclassement qui lui incombe la société qui se borne à communiquer une liste d'emplois existants dans ses différents établissements, sans procéder à un examen spécifique des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise des salariés protégés qu'elle entend licencier pour cause économique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. X, détenant le mandat de délégué du personnel titulaire, a reçu communication de la liste des postes de reclassement disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient la SOCIETE EUROPIPE FRANCE, a bénéficié des services de la cellule de reclassement et également, compte tenu de sa qualité d'ingénieur, eu accès au site de reclassement interne d'Arcelor et notamment aux emplois proposés par la société IRSID, sa situation n'a cependant pas donné lieu à un examen spécifique et à une recherche individualisée de reclassement correspondant à sa qualité de salarié protégé ; que dès lors et nonobstant la circonstance que l'intéressé n'a entamé aucune démarche relative aux postes proposés, les premiers juges ont à bon droit prononcé l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2004 autorisant le licenciement de M. X, ensemble la décision du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale du 11 février 2005 rejetant le recours hiérarchique de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE EUROPIPE FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE EUROPIPE FRANCE une somme de 1 000 euros à payer à M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SOCIETE EUROPIPE FRANCE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE EUROPIPE FRANCE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE EUROPIPE FRANCE versera à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EUROPIPE FRANCE, à M. Philippe X et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

2

N° 06NC00472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00472
Date de la décision : 25/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : PALLIER - BARDOUL - LEMAITRE - VIGNERON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-25;06nc00472 ?
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