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31/07/2020 | FRANCE | N°19PA04030,19PA04031

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA04030,19PA04031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 27 septembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées et dans la partie nationale du système d'information Schengen, d'enjoindre au ministre de lui communiquer ces informations dans un d

élai de quinze jours à compter de la lecture du jugement, sous astreinte ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 27 septembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées et dans la partie nationale du système d'information Schengen, d'enjoindre au ministre de lui communiquer ces informations dans un délai de quinze jours à compter de la lecture du jugement, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement avant-dire droit n° 1801375/6-1 du 24 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant susceptibles de figurer dans la partie nationale du système d'information Schengen, transmis au Conseil d'Etat les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant enregistrées dans le fichier des personnes recherchées sur le fondement du 8° du III de l'article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées et intéressant la sûreté de l'Etat et ordonné au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations utiles à la solution du litige, sans que cette communication soit donnée à M. B....

Estimant que le ministre de l'intérieur n'avait pas donné suite à cette demande, le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 11 octobre 2019, a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de communiquer à M. B... les informations le concernant et susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées autres que celles mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat, enjoint au ministre de communiquer ces données à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de vingt euros par jour de retard, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 sous le n° 19PA04031, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801375/6-1 du 11 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant, d'une part, qu'il a annulé la décision de refus de communication des informations concernant M. B... susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article, et, d'autre part, qu'il lui a enjoint de communiquer ces informations à M. B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris s'agissant du fichier des personnes recherchées.

Il soutient que :

- en jugeant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier et des informations transmises en première instance que la communication à M. B... de tout ou partie des informations le concernant et susceptibles de figurer dans le fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article compromettrait les finalités du traitement en cause, les premiers juges ont commis une erreur de droit et méconnu leur office ;

- en refusant de prendre en compte le caractère sensible des données en cause, le tribunal a également commis une erreur de droit.

Par ordonnance du 19 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2020 à 12 heures.

Un mémoire a été produit pour M. B... le 23 juin 2020 à 14 h 20, postérieurement à la clôture de l'instruction.

II. Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 sous le n° 19PA04030, le ministre de l'intérieur demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1801375/6-1 du 11 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a fait droit à la demande de M. B... tendant à la communication des informations le concernant et susceptibles de figurer dans le fichier des personnes recherchées autres que celles mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat.

Il soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par ordonnance du 19 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2020 à 12 heures.

Un mémoire a été produit pour M. B... le 23 juin 2020 à 14 h 25, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de la représentante du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. En 2017, M. B..., qui réside à Crawley (Royaume-Uni), a saisi la CNIL d'une demande d'exercice du droit d'accès indirect aux données susceptibles de le concerner dans le fichier des personnes recherchées et dans la partie nationale du système d'information Schengen, gérés par le ministre de l'intérieur. Par courrier du 27 septembre 2017, la présidente de la CNIL a informé M. B... que, conformément aux dispositions combinées de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et de l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour son application, il n'était pas possible de lui apporter de plus amples informations s'agissant du fichier des personnes recherchées et que les investigations concernant le N-SIS-II étaient toujours en cours. M. B... a alors demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par ce courrier, par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations susceptibles de le concerner figurant dans le fichier des personnes recherchées et dans la partie nationale du système d'information Schengen, d'enjoindre au ministre de lui communiquer ces informations, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement avant-dire droit n° 1801375/6-1 du 24 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant susceptibles de figurer dans la partie nationale du système d'information Schengen, transmis au Conseil d'Etat les conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant enregistrées dans le fichier des personnes recherchées sur le fondement du 8° du III de l'article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées et intéressant la sûreté de l'Etat, et, enfin, ordonné au ministre de l'intérieur de lui communiquer les informations utiles à la solution du litige, sans que cette communication soit donnée à M. B....

2. Par un jugement du 11 octobre 2019, le tribunal, estimant qu'il ne ressortait pas du mémoire produit en application de ce supplément d'instruction que la communication à M. B... de tout ou partie de ces informations compromettrait les finalités du traitement en cause, a annulé la décision par laquelle le ministre a refusé de communiquer à M. B... les informations le concernant susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées autres que celles mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat, enjoint au ministre de communiquer ces données à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué, sous astreinte de vingt euros par jour de retard, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la requête enregistrée sous le n° 19PA04031, le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant, d'une part, qu'il a annulé la décision de refus de communication des informations concernant M. B... susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article, et, d'autre part, qu'il lui a enjoint de communiquer ces informations à M. B.... Par la requête n° 19PA04030, le ministre demande également à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. B... tendant à la communication des informations le concernant et susceptibles de figurer dans le fichier des personnes recherchées autres que celles mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat.

Sur la jonction :

3. Les requêtes nos 19PA004030 et 19PA04031 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose que : " (...) lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. / La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant. / (...) ". Selon l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. Le cas échéant, celles-ci sont communiquées selon des modalités définies d'un commun accord entre la commission et le responsable du traitement. / Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La commission peut constater, en accord avec le responsable du traitement, que les informations concernant le demandeur doivent être rectifiées ou supprimées et qu'il y a lieu de l'en informer. En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / Lorsque le traitement ne contient aucune information concernant le demandeur, la commission informe celui-ci, avec l'accord du responsable du traitement. / En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur (...) ".

5. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure, issu de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, dispose que : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour les traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l'Etat dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 841-2 du même code prévoit que : " Relèvent des dispositions de l'article L. 841-2 du présent code les traitements ou parties de traitements automatisés de données à caractère personnel intéressant la sûreté de l'Etat autorisés par les actes réglementaires ou dispositions suivants : / (...) 6° Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 portant création du fichier des personnes recherchées, pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat mentionnées au 8° du III de l'article 2 de ce décret (...) ".

6. Aux termes de l'article 1 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, dans sa rédaction applicable au litige : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et direction générale de la gendarmerie nationale) est autorisé à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "fichier des personnes recherchées". / Ce traitement a pour finalité de faciliter les recherches, les surveillances et les contrôles effectués, dans le cadre de leurs attributions respectives, par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou de police administrative ainsi que par les agents du service mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier. / (...) ". L'article 2 du même décret dispose que : " I. - Sont inscrites dans le fichier les personnes faisant l'objet des décisions judiciaires mentionnées à l'article 230-19 du code de procédure pénale. / II. - Sont inscrites dans le fichier, à la demande des services et unités de police judiciaire ou des autorités judiciaires, les personnes faisant l'objet d'une recherche pour les besoins d'une enquête de police judiciaire : / 1° Soit dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une enquête de flagrance ou d'une commission rogatoire ; / 2° Soit dans le cadre de la mission d'animation et de coordination des recherches criminelles sur tout le territoire national dévolue à la direction centrale de la police judiciaire et aux offices centraux mentionnés à l'article D. 8-1 du code de procédure pénale ; / 3° Soit en cas de disparition de personnes dans des conditions inquiétantes ou suspectes ; / 4° Soit en cas de découverte de personnes décédées ou vivantes non identifiées. / III. - Peuvent être inscrits dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes : 1° Les étrangers pour lesquels il existe, eu égard aux informations recueillies, des éléments sérieux de nature à établir que leur présence en France constituerait une menace pour l'ordre public susceptible de justifier que l'accès au territoire français leur soit refusé dans les conditions prévues à l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; / 2° Les ressortissants d'un Etat non membre de l'Union européenne faisant l'objet d'une mesure restrictive de voyage, interdisant l'entrée sur le territoire ou le transit par le territoire, adoptée par l'Union européenne ou une autre organisation internationale et légalement applicable en France (...) 6° Les personnes recherchées en vue de l'exécution d'une décision de placement d'office en établissement psychiatrique ou évadées d'un tel établissement (...) 8° Les personnes faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard (...) V. - En tant que de besoin et dans le respect des conditions prévues à l'article L. 2351 du code de la sécurité intérieure, le fichier est également constitué de données à caractère personnel issues de traitements gérés par des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers ". Enfin, selon l'article 9 du décret du 28 mai 2010 : " En application du dernier alinéa de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, les droits d'accès et de rectification s'exercent directement auprès du ministère de l'intérieur (direction centrale de la police judiciaire) pour les données mentionnées aux 1° à 3° de l'article 3 du présent décret et concernant : / 1° Les personnes faisant l'objet des décisions judiciaires mentionnées aux 2° à 16° de l'article 230-19 du code de procédure pénale ; / 2° Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5°, 7° et 9° du III et au IV de l'article 2 du présent décret. / Pour toutes les autres données, les droits d'accès indirect et de rectification s'exercent auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ".

7. Il résulte de ces dispositions que le droit d'accès indirect aux données contenues dans le fichier des personnes recherchées au titre du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 relève de procédures distinctes selon qu'elles concernent la sûreté de l'Etat, d'une part, et la défense ou la sécurité publique, d'autre part. Les contestations dirigées contre le refus du ministre de l'intérieur de communiquer au demandeur tout ou partie des informations le concernant contenues dans ce fichier devant être portées devant le Tribunal administratif lorsque ce refus concerne des données autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat.

8. En l'espèce, si la CNIL a informé M. B... qu'aucune donnée le concernant ne figurait dans le fichier N-SIS-II, l'intéressé, alors qu'il souhaitait entrer en France, s'est pourtant vu refuser l'accès à l'Eurostar en gare de Folkestone (Royaume-Uni), le 13 mars 2017. Dans ces conditions, M. B... pouvait légitimement être convaincu que des données le concernant figuraient dans le fichier des personnes recherchées au titre du 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010, ce que le ministre de l'intérieur ne conteste d'ailleurs pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, des données relatives à M. B..., autres que celles concernant la sûreté de l'Etat et dissociables de celles-ci, auraient été enregistrées dans le fichier des personnes recherchées. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision par laquelle il a refusé de communiquer à M. B... les informations le concernant et susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées autres que celles mentionnées au 8° du III de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et intéressant la sûreté de l'Etat, lui a enjoint de communiquer ces données à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement attaqué, sous astreinte de vingt euros par jour de retard, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

10. En premier lieu, la décision implicite du ministre de l'intérieur, dont l'existence a été révélée par la lettre datée du 27 septembre 2017 par laquelle la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés a fait savoir à M. B... qu'il avait été procédé aux vérifications le concernant dans les fichiers des services de renseignement territorial du ministère de l'intérieur, n'est pas au nombre de celles devant être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

11. En deuxième lieu, dans un litige relevant de la compétence des juges du fond, M. B... ne saurait utilement soutenir que les conditions dans lesquelles la formation spécialisée du Conseil d'Etat remplit son office porte atteinte au droit au procès équitable tel qu'il est garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de communiquer à M. B... les informations le concernant dans le fichier des personnes recherchées autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat, le ministre de l'intérieur aurait entaché sa décision d'illégalité, au regard notamment des articles 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette décision aurait été entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander, d'une part, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a accueilli les demandes de M. B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle il a refusé de lui communiquer les informations le concernant, susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article, et, d'autre part, lui a enjoint de les communiquer à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de vingt euros par jour de retard. Le ministre de l'intérieur est par suite fondé à demander le rejet de ces conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur le sursis à exécution :

14. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation partielle du jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris du 11 octobre 2019, la requête enregistrée sous le n° 19PA04030 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801375/6-1 du 24 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant, d'une part, qu'il a annulé la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de communiquer à M. B... les informations le concernant susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article, et, d'autre part, a enjoint au ministre de communiquer ces informations à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de vingt euros par jour de retard.

Article 2 : Les conclusions de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant susceptibles de figurer au fichier des personnes recherchées au titre du 1° de l'article 230-19 du code de procédure pénale, du II de l'article 2 du décret du 28 mai 2010 et des 1° et 2° du III de ce même article, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui communiquer ces informations dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de vingt euros par jour de retard, sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de de statuer sur la requête n° 19PA04030 du ministre de l'intérieur tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1801375/6-1 du 11 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée à la commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19PA04030, 19PA04031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04030,19PA04031
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Accès aux documents administratifs - Communication de traitements informatisés d'informations nominatives (loi du 6 janvier 1978).

Droits civils et individuels.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : PADONOU

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;19pa04030.19pa04031 ?
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