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15/12/2011 | FRANCE | N°10-23889

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 décembre 2011, 10-23889


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1990, Laurent X... a adhéré à l'assurance de groupe garantissant notamment le risque décès souscrite par le GIE Airbus industrie, devenu la SAS Airbus industrie (l'employeur), auprès de la CAMAT, aux droits de laquelle vient la société ACE Europe Insurance (l'assureur), désignant comme bénéficiaire son père, Jean X... ; que Laurent X... et Mme Caroline Y... ont eu une fi

lle, Océane X..., née le 11 décembre 1993 ; que Laurent X... a été retrouvé ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1990, Laurent X... a adhéré à l'assurance de groupe garantissant notamment le risque décès souscrite par le GIE Airbus industrie, devenu la SAS Airbus industrie (l'employeur), auprès de la CAMAT, aux droits de laquelle vient la société ACE Europe Insurance (l'assureur), désignant comme bénéficiaire son père, Jean X... ; que Laurent X... et Mme Caroline Y... ont eu une fille, Océane X..., née le 11 décembre 1993 ; que Laurent X... a été retrouvé mort le 8 mai 2001 ; que par jugement devenu irrévocable du 23 septembre 2004, un tribunal de grande instance a débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de l'assureur en paiement du capital ; que Mme Y..., en qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille Océane, a ensuite assigné Mme Hélène X..., veuve de Jean X..., décédé le 10 décembre 2004, l'employeur et l'assureur en révocation de plein droit de la désignation du bénéficiaire et en paiement d'une indemnité devant un tribunal de grande instance ; que le tribunal a constaté la révocation de plein droit de l'avantage consenti le 15 février 1990 par Laurent X... à son père, Jean X..., par application de l'article 960 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité de Mme Y..., ès qualités, à l'égard de l'employeur, l'arrêt retient que ce dernier a commis une faute en n'informant pas l'adhérent de l'absence de couverture du suicide par le contrat mais que pour qu'elle donne lieu à réparation, il faut qu'elle ait provoqué le préjudice ; qu'on ne peut comprendre de quoi les premiers juges ont pu déduire, d'une part, l'existence d'un préjudice qui consisterait en une prétendue perte de chance pour Laurent X... de s'assurer y compris contre le suicide, ce qui laisserait accroire qu'il préméditait déjà en 1992 de se donner la mort, fait non démontré et incompatible avec la notion de contrat aléatoire, et, d'autre part, un quelconque lien entre le présumé défaut d'information sur l'exclusion du suicide et le fait même du suicide de l'intéressé qui ne saurait conduire à quelque indemnisation que ce soit, en l'absence de preuve que le décès en question n'a pas d'autre auteur que la victime elle-même ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société Airbus, souscripteur du contrat, avait manqué à son obligation d'information et de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention de l'adhérent Laurent X... sur l'exclusion contractuelle de la garantie du risque suicide, ce dont il résultait que la perte de chance de souscrire une garantie complémentaire couvrant ce risque constituait un préjudice en relation de causalité directe et certaine avec cette faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il a constaté la révocation de plein droit de l'avantage consenti le 15 février 1990 par Laurent X... à son père, Jean X..., par application de l'article 960 du code civil, l'arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Airbus aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Airbus et de la société ACE Europe Life Limited , condamne la société Airbus à payer à Mme Y..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Y..., bénéficiaire du contrat d'assurance de groupe, de l'ensemble de ses demandes indemnitaires envers la société Airbus, souscripteur du contrat ;
AUX MOTIFS QUE s'il est certain que la SAS Airbus en sa qualité de souscripteur du contrat d'assurance avait conformément à l'article L. 141-4 du Code des assurances, l'obligation de remettre à son employé qui adhérait à ladite police de groupe la notice d'information établie par l'assureur, il ne saurait être retenue de faute contre elle de ne pas l'avoir fait alors que l'établissement de cette police incombait audit assureur ; que cependant la SAS Airbus n'en était pas moins obligée de fournir à son employé une information complète (qui a tout de même en très grande partie été donnée sous forme d'une plaquette en langue anglaise langue certes globalement insuffisante en précision juridique mais langue poétique et commerciale de communication interne choisie par l'entreprise à laquelle appartenait Laurent X... et s'imposant ainsi à tous ses employés censés la comprendre et même la pratiquer couramment) dont on doit retenir pour le cas d'espèce qu'il n'est pas démontré qu'elle a mis l'accent sur l'exclusion contractuelle du suicide ; que c'est incontestablement une faute au regard de la législation française mais pour qu'elle donne lieu à réparation, il faut tout de même qu'elle ait provoqué ou soit à tout le moins en lien avec un préjudice ; qu'or, la cour n'a pas su comprendre de quoi les premiers juges ont pu déduire d'une part l'existence d'un préjudice qui consisterait en une prétendue perte de chance pour Laurent X... de s'assurer y compris contre le suicide, ce qui laisserait accroire qu'il préméditait déjà en 1992 de se donner la mort (ce qui n'est pas démontré et resterait une curiosité en matière de contrat aléatoire) et d'autre part un quelconque lien entre le présumé défaut d'information sur l'exclusion du suicide et le fait même du suicide de l'intéressé qui ne saurait conduire à quelque indemnisation que ce soit, en l'absence de preuve que le décès en question n'a pas d'autre auteur que la victime elle-même ; qu'en tout cas faute de réunion de ces éléments dont la preuve incombe à Mme Y... ès-qualités, n'est nullement rapportée le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il met à la charge de la société Airbus relevée et garantie en cela par la Compagnie Ace Insurance l'indemnisation d'un préjudice qui n'est pas constitué, sous le seul prétexte d'une faute formelle ;
1°) ALORS QUE le préjudice en relation directe avec le manquement du souscripteur à son devoir d'information tient dans la perte de la chance de bénéficier d'une assurance plus adaptée que l'adhérent aurait eu la possibilité de souscrire s'il avait été informé de l'étendue exacte de ses droits ; que le préjudice résultant du manquement constaté que la société Airbus, souscripteur, à son obligation d'information de l'adhérent, tenait dans la perte de chance pour l'assuré de souscrire une garantie plus large, couvrant le suicide, que celle qui avait été effectivement souscrite de sorte considérant qu'aucun préjudice en lien avec la faute n'était démontré, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QUE le souscripteur est débiteur d'une obligation d'information et de conseil envers l'assuré, qui lui impose, notamment, de remettre à ce dernier la notice d'information du contrat d'assurance conclu ; qu'en considérant que le souscripteur ne pouvait pas se voir imputer l'absence de remise de la notice d'information, faute d'établissement de cette note par l'assureur, ce qui n'était pas de nature à le décharger de son devoir d'information, la cour d'appel a violé l'article L. 141-4 du Code des assurances ;
3°) ALORS QUE Mme Y... faisait valoir, dans ses dernières conclusions d'appel délaissées, que les documents remis à l'assuré ne mentionnant aucun nom d'assureur mais uniquement celui de la société Airbus, l'assuré ayant alors légitimement pu croire que cette dernière assurait elle-même le risque, de sorte qu'elle était engagée directement par le jeu de la théorie de l'apparence (V. conclusions, p. 4, in medio s.) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel, qui a infirmé le jugement sur ce point, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-23889
Date de la décision : 15/12/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance de groupe - Souscripteur - Obligations - Information de l'assuré - Information relative à une clause limitative ou exclusive de garantie - Manquement - Portée

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Préjudice certain - Perte d'une chance - Manquement de l'assureur à son devoir d'information - Information relative à une clause exclusive de garantie - Garantie complémentaire n'ayant pu être souscrite

Les ayants droit du salarié qui avait adhéré à une assurance de groupe souscrite par son employeur le garantissant notamment contre le risque décès, et qui a mis fin à ses jours avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001, peuvent, dès lors que l'employeur a manqué à son obligation d'information et de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention de l'adhérent sur l'exclusion contractuelle de la garantie du risque suicide, se prévaloir d'un préjudice lié à la perte de chance de souscrire une garantie complémentaire couvrant ce risque qui est en relation de causalité directe et certaine avec le défaut fautif d'information


Références :

article 1382 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 08 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 déc. 2011, pourvoi n°10-23889, Bull. civ. 2011, II, n° 228
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 228

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Maître
Rapporteur ?: M. Adida-Canac
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23889
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