LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mai 2012), que Mme X... a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation, du 19 octobre au 12 décembre 2012, sur le fondement de l'article L. 3222-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur ; que la plainte avec constitution de partie civile que Mme X... avait déposée le 1er septembre 2004, pour faire établir les responsabilités dans cette mesure d'hospitalisation dont elle se plaignait, a fait l'objet d'une ordonnance de refus d'informer le 10 janvier 2006, confirmée par un arrêt de la chambre de l'instruction le 6 avril suivant ; qu'en novembre 2008, Mme X... a assigné l'Agent judiciaire du Trésor, la commune de Marseille et l'assistance publique des hôpitaux de Marseille en déclaration de responsabilité et réparation de son préjudice ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer l'action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une plainte contre X avec constitution de partie civile qui porte sur le fait générateur d'une créance sur une collectivité publique interrompt la prescription jusqu'à la date à laquelle la décision rendue à la suite de cette plainte est passée en force de chose jugée, quand bien même s'agirait-il d'une décision de refus d'informer ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 1er septembre 2004 par Mme X... était un recours relatif au fait générateur de la créance alléguée de nature à interrompre le délai de prescription ; que, pour affirmer néanmoins que la « déchéance quadriennale » était acquise au 1er janvier 2005 et, par suite, que l'action engagée les 25 et 26 novembre 2008 par Mme X... était irrecevable, l'arrêt attaqué a affirmé que cette plainte avait donné lieu à une ordonnance de refus d'informer du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Montpellier du 10 janvier 2006, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006, de sorte que l'interruption de la prescription que le dépôt de cette plainte avait entraînée était non avenue ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription était interrompue jusqu'à la date à laquelle la décision rendue par la cour de Montpellier était passée en force de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble les articles 2223 et 2243 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause, le délai de prescription quadriennale ne court pas s'agissant d'une créance résultant d'un acte administratif individuel qui n'a pas été notifié à son destinataire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que c'étaient les mesures d'hospitalisation d'office dont Mme X... avait été l'objet qui constituaient le fait générateur de sa demande indemnitaire ; qu'en accueillant l'exception tirée de la prescription quadriennale, au motif inopérant que l'absence de notification d'un arrêté d'hospitalisation d'office était sans influence sur sa légalité, et cependant qu'il n'était pas contesté que les arrêtés d'hospitalisation d'office en cause n'avaient jamais été notifiés à sa destinataire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que la connaissance acquise d'un acte administratif individuel n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux qu'à la condition qu'un tel recours ait été formé et qu'il tende à l'annulation ou à la réformation de cet acte ; qu'en l'espèce, en accueillant l'exception tirée de la prescription quadriennale, au prétexte que Mme X... était parfaitement informée des mesures dont elle avait été l'objet, à tout le moins à la date de mainlevée de celles-ci et, en cours d'hospitalisation, à raison du recours qu'elle avait formé devant le président du tribunal de grande instance de Marseille, sans constater que ce recours tendait à l'annulation ou à la réformation des décisions administratives par lesquelles elle avait fait l'objet d'une hospitalisation d'office, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que Mme X... faisait expressément valoir qu'elle avait été dans l'impossibilité d'agir tant que les plaintes et témoignages pris contre elle n'avaient pas été déclarés mensongers par la décision de non-lieu du 3 février 2003 puis la condamnation de M. Y... pour dénonciation calomnieuse en 2008 ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen pris de l'impossibilité d'agir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu, à bon droit, d'une part, que la plainte avec constitution de partie civile déposée par Mme X... ayant fait l'objet d'une décision définitive de refus d'informer, l'interruption de la prescription qu'elle avait entraînée doit être regardée comme non avenue, et, d'autre part, sans se fonder sur un principe de connaissance acquise, que l'absence de notification d'un arrêté d'hospitalisation d'office est sans influence, ni sur sa légalité telle qu'elle est appréciée par le juge judiciaire, ni sur le point de départ du délai de la déchéance quadriennale qui est fixé à la date de la fin des mesures d'internement ; qu'après avoir relevé que Mme X... était à tout le moins parfaitement informée, à la date de sa mainlevée, de la mesure dont elle avait fait l'objet et par là-même admis, sans être tenue de la suivre dans le détail de son argumentation, qu'elle n'avait pas été dans l'impossibilité d'agir, la juridiction du second degré en a exactement déduit que le point de départ du délai de la prescription quadriennale devait être fixé au 12 décembre 2000, date à laquelle la mesure d'internement avait pris fin ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR réformé le jugement du Tribunal de grande instance de Marseille déféré et d'AVOIR dit que l'action engagée par Madame X... contre l'agent judiciaire du Trésor, contre la Ville de Marseille et contre l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille est irrecevable comme prescrite ;
AUX MOTIFS QUE « l'action engagée par Mme X... à l'encontre de l'Etat, de la Ville de Marseille et de l'établissement public hospitalier AP-HM relève de juridictions de l'ordre judiciaire dès lors qu'est discutée, non pas la régularité formelle des décisions et arrêtés ayant placé la demanderesse sous le régime de l'hospitalisation d'office, mais la nécessité et le bien fondé de la mesure d'hospitalisation sous contrainte et qu'est réclamée, de ce chef, l'indemnisation du préjudice subi ; qu'elle relève cependant des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 qui prévoient que sont prescrites au profit de l'Etat et des personnes publiques les créances qui n'ont pas été payées dans un dé lai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits de l'usager ont été acquis ; Attendu que c'est en vain que Mme X... prétend que le délai de prescription quadriennale n'aurait pas commencé à courir au motif que les arrêtés d'hospitalisation d'office ne lui auraient pas été personnellement notifiés ; qu'en effet, l'absence de notification d'un arrêté d'hospitalisation d'office est sans influence sur sa légalité, telle qu'elle est appréciée par le juge judiciaire, et que la patiente était parfaitement informée, à tout le moins à la date de mainlevée de la mesure constituant le point de départ de la prescription et, en cours d'hospitalisation à raison du recours qu'elle avait formé devant le Président du tribunal de grande instance de Marseille, des mesures dont elle avait été l'objet et qui constituent le fait générateur de sa demande indemnitaire ; Que c'est donc à bon droit et sans méconnaître les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme que le tribunal a fixé le point de départ du délai de déchéance quadriennale, au regard du fait que la mesure de placement sous le régime de l'hospitalisation d'office prise à l'encontre de Mme X... avait pris fin le 12 décembre 2000 à la date du 1er janvier 2001 ; Attendu que c'est également en vain que Mme X... soutient, que la prescription n'était pas acquise à la date de son assignation devant le tribunal de grande instance de Marseille en raison de l'interruption du délai par l'effet de sa plainte pénale ; Que certes la loi du 31 décembre 1968 prévoit que tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance interrompt le cours du délai, même si la juridiction saisie était incompétente et même si l'administration qui aura finalement la charge du règlement de l'indemnité, n'est pas partie à cette instance, dès lors que le recours tend à une indemnisation et à la mise en cause, de la collectivité débitrice ou de l'établissement public débiteur ; Que la plainte avec constitution de partie civile, déposée le 1erseptembre 2004 par Mme X... à l'encontre de MM. Z... et A..., policiers au commissariat du 9ème arrondissement de Marseille, M. B..., substitut du Procureur de Marseille, et MM. C... et D..., médecins ayant établi le certificat médical initial et le certificat de 24 heures, pour actes attentatoires à la liberté individuelle, au titre de faits commis à partir du 19 octobre 2000 constituait bien, comme l'a retenu le tribunal, un recours relatif au fait générateur de la créance alléguée de nature à interrompre le délai de prescription, même si les personnes publiques aujourd'hui mises en cause n'étaient pas appelées comme parties à la procédure, s'agissant d'une plainte pénale déposée contre leurs agents ; Mais que cette plainte a donné lieu à une ordonnance de refus d'informer du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Montpellier du 10 janvier 2006 confirmée par arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006 ; que, dès lors, l'interruption de la prescription que le dépôt de cette plainte avait entraînée doit être regardée comme non avenue et qu'il convient de constater que la prescription résultant de l'application de la déchéance quadriennale était acquise au 1er janvier 2005 ; Qu'il y a lieu en conséquence de constater que l'action engagée par Mme X... les 25 et 26 novembre 2008 contre l'agent judiciaire du Trésor, la Ville de Marseille et l'AP-HM est irrecevable et de réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs » ;
1. ALORS QU' une plainte contre X avec constitution de partie civile qui porte sur le fait générateur d'une créance sur une collectivité publique interrompt la prescription jusqu'à la date à laquelle la décision rendue à la suite de cette plainte est passée en force de chose jugée, quand bien même s'agirait-il d'une décision de refus d'informer ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 1er septembre 2004 par Madame X... était un recours relatif au fait générateur de la créance alléguée de nature à interrompre le délai de prescription ; que, pour affirmer néanmoins que la « déchéance quadriennale » était acquise au 1er janvier 2005 et, par suite, que l'action engagée les 25 et 26 novembre 2008 par Madame X... était irrecevable, l'arrêt attaqué a affirmé que cette plainte avait donné lieu à une ordonnance de refus d'informer du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Montpellier du 10 janvier 2006, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006, de sorte que l'interruption de la prescription que le dépôt de cette plainte avait entraînée était non avenue ; qu'en statuant ainsi, quand la prescription était interrompue jusqu'à la date à laquelle la décision rendue par la Cour de Montpellier était passée en force de chose jugée, la Cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble les articles 2223 et 2243 du Code civil ;
2. ALORS en tout état de cause QUE le délai de prescription quadriennale ne court pas s'agissant d'une créance résultant d'un acte administratif individuel qui n'a pas été notifié à son destinataire ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que c'étaient les mesures d'hospitalisation d'office dont Madame X... avait été l'objet qui constituaient le fait générateur de sa demande indemnitaire ; qu'en accueillant l'exception tirée de la prescription quadriennale, au motif inopérant que l'absence de notification d'un arrêté d'hospitalisation d'office était sans influence sur sa légalité, et cependant qu'il n'était pas contesté que les arrêtés d'hospitalisation d'office en cause n'avaient jamais été notifiés à sa destinataire, la Cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3. ALORS QUE la connaissance acquise d'un acte administratif individuel n'est susceptible de faire courir le délai de recours contentieux qu'à la condition qu'un tel recours ait été formé et qu'il tende à l'annulation ou à la réformation de cet acte ; qu'en l'espèce, en accueillant l'exception tirée de la prescription quadriennale, au prétexte que Madame X... était parfaitement informée des mesures dont elle avait été l'objet, à tout le moins à la date de mainlevée de celles-ci et, en cours d'hospitalisation, à raison du recours qu'elle avait formé devant le Président du Tribunal de grande instance de Marseille, sans constater que ce recours tendait à l'annulation ou à la réformation des décisions administratives par lesquelles elle avait fait l'objet d'une hospitalisation d'office, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, ensemble l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. ALORS subsidiairement QUE Madame X... faisait expressément valoir qu'elle avait été dans l'impossibilité d'agir tant que les plaintes et témoignages pris contre elle n'avaient pas été déclarés mensongers par la décision de non-lieu du 3 février 2003 puis la condamnation de M. Y... pour dénonciation calomnieuse en 2008 (cf. ses conclusions récapitulatives, p. 17-18) ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen pris de l'impossibilité d'agir, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.