AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2001), que M. X... ayant été mis en redressement, puis liquidation judiciaires, par jugements du 30 septembre 1992, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 mars 1991, le liquidateur a demandé, sur le fondement de l'article L. 621-107 du Code de commerce, la nullité de la cession à titre gratuit d'un véhicule consentie par M. X... à Mme Y..., sa compagne, en période suspecte et, sur le fondement de l'article L. 621-24 du Code de commerce, la nullité de la cession de ce même véhicule au profit de M. Z..., cette cession ayant été réalisée en paiement d'une dette de M. X... envers M. Z... ;
que par jugement du 11 février 1998, le tribunal a condamné Mme Y... à payer au liquidateur, ès qualités, la somme de 105 000 francs ; que, sur appel de cette dernière, la cour d'appel a annulé les deux cessions et condamné Mme Z... et Mlle Z... , en leurs qualités d'héritières de M. Z..., à payer cette somme au liquidateur ;
Attendu que Mlle Z... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que le liquidateur, dans ses conclusions d'appel, avait principalement demandé l'annulation de la cession intervenue entre M. X... et Mme Y..., sur un fondement non précisé explicitement, avec confirmation du jugement, et subsidiairement, sur l'appel de Mme Y... , l'annulation de la cession intervenue entre M. X... et "Mme Z...", comme constituant un paiement interdit par application de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 en demandant la condamnation de Mlle Z... et de Mme Z..., en leur qualité, selon lui, d'héritières de M. Z... ; qu'ainsi, la cour d'appel, en annulant l'acte passé entre Mme Y... et M. Z... sur le fondement de l'article L. 621-107 du Code de commerce (article 107 de la loi du 25 janvier 1985) , bien que l'action subsidiaire du liquidateur était fondée sur l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 (actuel article L. 621-24 du Code de commerce) a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la cour d'appel a soulevé d'office, sans avoir au préalable provoqué les explications des parties, le moyen suivant lequel ni l'erreur commune ni l'apparence ne pouvait faire obstacle aux conséquences vis à vis des tiers sous-acquéreurs, même de bonne foi, de la nullité édictée par l'article L. 621-107 du Code civil, pour annuler l'acte passé entre Mme Y... et M. Z... ; qu'ainsi l'arrêt a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que si l'article L. 621-107 du Code de commerce interdit et frappe de nullité toute donation ou tout paiement anormal, faits par le débiteur en état de cessation des paiements, cette sanction ne saurait atteindre les mêmes actes effectués par le donataire ou l'accipiens, que ceux -ci ne sont pas soumis à la réglementation des actes effectués par le débiteur en état de cessation des paiements et peuvent disposer librement de leur patrimoine sans subir les restrictions qui sont imposées aux débiteurs en cessation des paiements, qu'en frappant de nullité l'acte en vertu duquel M. Z... avait acquis le véhicule automobile de Mme Y..., au seul prétexte que Mme Y... tenait elle-même ses droits d'un débiteur en état de cessation des paiements , et en condamnant Mlle Z... , avec sa mère, à payer au liquidateur la somme de 105 000 francs, l'arrêt a violé l'article L. 621-107 du Code de commerce ;
4 / qu'à supposer que Mlle Z... ait eu la qualité d'héritière de son père, M. Z..., décédé , les héritiers ne sont tenus de la dette que pour les parts dont ils sont saisis ; qu'en condamnant Mlle Z... en sa qualité d'héritière de son père, M. Z... , avec sa mère, également héritière, à payer au liquidateur, la somme de 105 000 francs correspondant à la valeur du véhicule Mercedes, la cour d'appel a violé l'article 1220 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que, saisie d'une demande de nullité de la cession intervenue entre Mme Y... et M. Z... sur le fondement de l'article L. 621- 24 du Code de commerce, la cour d'appel a pu, sans méconnaître l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, constater que ladite cession était nulle par suite de la nullité de la cession précédente prononcée sur le fondement de l'article L. 621-107 du Code de commerce ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir annulé, sur le fondement de l'article L. 621-107 du Code de commerce, la cession du véhicule de M. X... à Mme Y..., l'arrêt retient exactement que ni l'erreur commune, ni l'apparence ne pouvant faire obstacle aux conséquences vis-à-vis des tiers sous-acquéreurs, même de bonne foi, de la nullité édictée par cet article, l'acte de cession passé entre Mme Y... et M. Z... doit être annulé, sans qu'il soit besoin de rechercher si le véhicule a été remis à M. Z... en paiement d'une dette de M. X... ou de Mme Y... ;
Attendu, en troisième lieu, que lorsqu'une dette successorale est divisible, les héritiers ne sont tenus de la payer qu'au prorata de leurs droits respectifs ; qu'il s'ensuit qu'en condamnant les consorts Z... à payer la somme de 105 000 francs, la cour d'appel n'a pu vouloir les condamner que chacun pour sa part ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mlle Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille quatre.