CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le Fonds de garantie automobile, partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 19 avril 1985, qui, dans une procédure suivie contre Gérard X... des chefs d'homicide involontaire commis sous l'empire d'un état alcoolique, défaut d'assurance et contraventions au Code de la route, a notamment déclaré ledit Fonds sans qualité pour contester la culpabilité dudit X... du chef de défaut d'assurance.
LA COUR,
Vu le mémoire produit en demande et les observations présentées au nom de la caisse primaire d'assurance maladie ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 420-1, L. 420-5 du Code des assurances, 591, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a " dit que le Fonds de garantie automobile est sans qualité pour contester la culpabilité de l'auteur de l'accident Gérard X..., du chef du défaut d'assurance, et pour demander que cette condamnation définitive sur le plan pénal ne lui soit pas opposable dans ses rapports avec l'assurance Groupe de Paris " ;
" aux motifs " que le Fonds de garantie automobile a été institué pour prendre en charge les indemnités auxquelles peuvent prétendre les victimes d'accidents de la voie publique ou leurs ayants droit lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou se révèle totalement ou partiellement insolvable (article L. 420-1 du Code des assurances) et non pas, comme affirmé dans les conclusions déposées devant la Cour lorsque le responsable n'est pas assuré (à moins qu'il ne s'agisse de dommages matériels, sous certaines conditions) la non-assurance ne constituant qu'un facteur favorisant l'insolvabilité ; que par ailleurs l'article L. 420-5 du Code des assurances qui donne pouvoir au Fonds de garantie automobile d'intervenir à titre principal même devant la juridiction répressive, en vue de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part, lui permet de contester seulement l'existence des infractions ouvrant droit à indemnité en faveur des victimes d'accidents ou de leurs ayants droit ; que tel n'est pas le cas du défaut d'assurance ; que par conséquent le Fonds de garantie automobile est sans qualité pour demander à la cour d'appel de lui rendre inopposable dans ses rapports avec l'assureur, la déclaration de culpabilité de Gérard X... du chef de défaut d'assurance (délit prévu et réprimé par l'article L. 211-8 du Code des assurances) ; qu'en tout état de cause cette inopposabilité ne pouvait avoir d'effet sur le plan civil que si le Fonds de garantie automobile avait appelé en cause l'assureur prétendu de X... " ;
" alors qu'aux termes de l'article L. 420-5 du Code des assurances " le Fonds de garantie peut intervenir même devant les juridictions répressives et même pour la première fois en cause d'appel, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leur assureur, d'autre part, il intervient alors à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi " ; que la Cour, dans les motifs précités, a méconnu le sens et la portée desdites dispositions légales en considérant que le Fonds de garantie n'avait pas qualité pour contester la condamnation du prévenu du chef de défaut d'assurance retenu par les premiers juges ; que la cour d'appel avait l'obligation de répondre à ce chef de demande du Fonds de garantie concernant le défaut d'assurance et de dire si, à son égard, la décision pourra ou non lui être opposée, notamment, par l'assureur du prévenu " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article L. 420-5 du Code des assurances le Fonds de garantie automobile peut intervenir dans toutes les instances engagées entre les victimes d'accidents ou leurs ayants droit, d'une part, les responsables ou leurs assureurs, d'autre part, en vue notamment de contester le principe ou le montant de l'indemnité réclamée ; que cette énumération n'étant pas limitative, le Fonds doit être admis à intervenir dans lesdites procédures toutes les fois qu'il y a intérêt ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que par le jugement frappé d'appel X... a été reconnu coupable d'homicide involontaire commis sous l'empire d'un état alcoolique, défaut d'assurance et contraventions au Code de la route ; qu'il a été condamné à réparer l'entier préjudice subi par les ayants droit de la victime et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble une somme de 6 048, 76 francs ;
Attendu que la juridiction du second degré, tout en rejetant l'appel de la caisse, a dit que le Fonds de garantie, également appelant, était sans qualité pour demander que la déclaration de culpabilité de X... lui fût rendue inopposable dans ses rapports avec l'assureur ;
Attendu qu'à l'appui de cette décision les juges ont retenu que selon les dispositions de l'article L. 420-1 du Code des assurances, tel qu'il était rédigé à la date où ils statuaient, le Fonds de garantie devait prendre en charge les indemnités auxquelles pouvaient prétendre les victimes d'accidents de la voie publique ou leurs ayants droit lorsque le responsable des dommages demeurait inconnu ou se révélait totalement ou partiellement insolvable et non lorsque le responsable n'était pas assuré ; qu'ils ont observé que le défaut d'assurance ne constituait qu'un facteur favorisant l'insolvabilité ;
Qu'en second lieu ils ont affirmé que l'article L. 420-5 du Code des assurances permettait au Fonds de garantie de contester seulement l'existence des infractions ouvrant droit à indemnités ;
Qu'enfin ils ont estimé que l'inopposabilité, réclamée par le Fonds, de la condamnation pour défaut d'assurance n'aurait pu avoir d'effet sur le plan civil que si l'assureur de X... avait été appelé en cause ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que le Fonds de garantie avait un intérêt certain à contester le défaut d'assurance du prévenu comme le lui permettaient les dispositions de l'article L. 420-5 susvisé les juges qui, au surplus, avaient la faculté d'impartir au Fonds un délai pour appeler en cause l'assureur conformément aux dispositions de l'article 388-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale, de manière à assurer sur le point litigieux un débat contradictoire à l'égard de toutes les parties, ont privé leur décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble en date du 19 avril 1985, mais seulement en ce qu'il a refusé de se prononcer sur le chef de conclusions du Fonds de garantie relatif au défaut d'assurance du prévenu,
Et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.