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09/11/2021 | FRANCE | N°19VE02057

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 19VE02057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance du 30 janvier 2018, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lille a transmis le dossier de la demande de M. C... au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1800964 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de

Montreuil a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance du 30 janvier 2018, la présidente de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lille a transmis le dossier de la demande de M. C... au tribunal administratif de Montreuil.

Par un jugement n° 1800964 du 4 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2019, M. C..., représenté par Me Minasyan, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° à titre principal, de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3° subsidiairement, de prononcer la décharge de la majoration de 80 % ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son licenciement n'a pas un caractère fictif ; il a été licencié dans le contexte particulier d'un conflit interne à la direction de Véolia Environnement, du fait de son ancienneté dans l'entreprise et de sa proximité avec l'ancien dirigeant, et des négociations entre les sociétés Electricité de France et Véolia Environnement pour se partager la société Dalkia France ; il était de l'intérêt propre de la société Dalkia France de le recruter, ce qu'elle a fait sans en référer à Véolia Environnement ;

- la pénalité de 80 % est injustifiée dès lors que l'implication du salarié dans son licenciement constitue une obligation légale et que l'administration n'établit pas qu'il a pris une part active au montage.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- les observations de Me Minasyan, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., recruté par la Compagnie générale de chauffe en 1965, mis à disposition de la société Dalkia France en 2001 et directeur général adjoint de Véolia Environnement depuis 2008, directeur de l'établissement Dalkia Nord et délégué régional de la délégation Nord-Ouest de Véolia Environnement depuis 2011, a été licencié le 30 mai 2012 pour motif personnel tiré notamment de son manque d'investissement et de son refus de mettre en œuvre les actions initiées par la direction générale de Véolia Environnement. M. C... a contesté son licenciement et conclu avec son employeur un accord transactionnel le 2 juillet 2012, par lequel la société Véolia Environnement s'est engagée à prolonger son préavis jusqu'au 5 janvier 2013, et à lui verser une indemnité transactionnelle brute de 250 000 euros et une indemnité conventionnelle de 1 248 420,38 euros outre son treizième mois, sa prime pour l'année 2012 et son indemnité compensatrice de congés payés. Cependant, M. C... a été réembauché le 15 novembre 2012, à compter du 7 janvier 2013, par la société Dalkia France en qualité de conseiller du président, en cumul emploi-retraite. Estimant que le licenciement présentait un caractère fictif destiné à dissimuler un départ à la retraite volontaire dans un cadre fiscal avantageux, et ne lui était par suite pas opposable, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 1er septembre 2016, remis en cause selon la procédure de l'abus de droit l'exonération fiscale des indemnités conventionnelle et transactionnelle, assujetti à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires et à la contribution additionnelle sur les hauts revenus, la part non déclarée de 270 772 euros perçue en 2013, seule année non prescrite, et assorti le rehaussement d'imposition correspondant de la pénalité de 80 % pour abus de droit. M. C... relève appel du jugement du 4 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'abus de droit :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

4. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. (...) ". Selon le 1 de l'article 80 duodecies du même code, toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, à l'exception notamment des indemnités versées à l'occasion du licenciement injustifié ou irrégulier. L'article 82 de ce code précise que : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) ".

5. Pour qualifier d'abus de droit l'accord transactionnel de licenciement dont a bénéficié M. C..., l'administration fiscale fait valoir que les motifs invoqués pour le licencier, mettant gravement en cause son investissement professionnel, ses qualités managériales et sa loyauté envers la direction générale de son employeur, alors qu'il était mis à disposition de la société Dalkia Nord et délégué régional de la délégation Nord-Ouest de Véolia Environnement, étaient incompatibles avec son recrutement, au terme de son préavis, sur des fonctions stratégiques de conseiller du président de la société Dalkia France, détenue indirectement à 66,66 % par Véolia Environnement. L'administration fiscale fait à ce titre valoir avec vraisemblance que, quelle que soit l'autonomie de la société Dalkia France, ce recrutement ne pouvait se faire sans l'assentiment de l'actionnaire majoritaire, et qu'il est peu probable que ce dernier ait laissé la pleine liberté de gestion à sa filiale alors qu'il négociait sa cession initiée à l'été 2012. En outre, alors que le requérant s'était engagé à démissionner de l'ensemble de ses mandats au sein des sociétés et filiales du groupe Véolia Environnement, il est constant qu'il a continué à exercer les fonctions de président directeur général de la société Esterra, détenue paritairement par les sociétés Suez et Véolia Environnement, et de membre du conseil de surveillance de la société des Eaux de Cambrai, mandats peu compatibles avec la perte de confiance alléguée. Les motifs du licenciement sont encore contredits par la prime de résultat de 290 000 euros perçue par l'intéressé en décembre 2012, alors que l'accord transactionnel prévoyait une prime de 130 000 euros. Le service vérificateur a également relevé, sans être contredit, que cet accord conclu le 2 juillet 2012 est intervenu moins d'un an avant le soixante-dixième anniversaire de M. C..., et l'expiration de son préavis moins de six mois avant cette date anniversaire, à laquelle son employeur pouvait le mettre à la retraite d'office pour un coût évalué à 337 000 euros bruts, de quatre fois inférieur aux 1,498 million d'euros d'indemnités qui lui ont été allouées par voie transactionnelle. Le ministre ajoute que l'indemnité transactionnelle est destinée à réparer un préjudice de carrière et un préjudice personnel en l'espèce inexistants. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe, de ce que l'accord transactionnel négocié par M. C... dans le cadre de son licenciement présente un caractère fictif destiné à lui permettre de bénéficier d'exonérations fiscales injustifiées.

6. M. C... soutient pour sa part que son licenciement est réel et que la poursuite de ses activités au sein des filiales du groupe était nécessaire. Il produit pour en justifier des coupures de presse relatives au conflit de succession à la tête du groupe Véolia Environnement dont il ressort que M. A..., successeur de M. D..., s'est séparé de certains cadres fidèles à son prédécesseur afin de faciliter un changement de modèle organisationnel du groupe privilégiant un pilotage central, ainsi que des attestations certifiant que la société Dalkia France, bien que dirigée par un membre du comité exécutif de Véolia Environnement, jouissait d'une grande autonomie de recrutement. Toutefois, alors même que M. C... aurait été réellement écarté de ses fonctions de délégué régional dans le contexte particulier du conflit de succession à la tête du groupe Véolia Environnement et de la mise en place du plan "Convergence", et que la poursuite de ses activités au sein du groupe correspondait à un besoin de continuité, la réalité de l'existence d'un litige entre les parties auquel l'accord transactionnel conclu le 2 juillet 2012 aurait mis fin n'est pas établie. Il s'ensuit que l'administration fiscale était fondée à écarter les stipulations conventionnelles comme ne lui étant pas opposables et, en conséquence, à réintégrer dans les bases imposables à l'impôt sur le revenu les indemnités conventionnelle et transactionnelle perçues par M. C....

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; (...) ".

8. Pour contester la majoration dont ont été assorties les rectifications sur le fondement du b de l'article 1729 du code général des impôts, M. C... se borne à faire valoir que la participation du salarié licencié à son licenciement constitue une obligation légale et qu'eu égard à la taille du groupe, il ne se trouvait pas en position de force pour négocier son départ. Toutefois la pénalité au taux de 80 % est justifiée dès lors que l'administration fiscale apporte la preuve de l'existence d'un abus de droit destiné à permettre à M. C... de percevoir en franchise d'impôt des indemnités supérieures à celles auxquelles il aurait pu prétendre, montage fictif auquel M. C... a pris une part active et dont il est l'unique bénéficiaire.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

2

N° 19VE02057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02057
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Abus de droit et fraude à la loi.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : MINASYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-11-09;19ve02057 ?
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