Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 26 juillet 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy l'a affecté à temps plein au pôle digestif sur le poste de médecin responsable de la consultation de gynécologie - santé sexuelle à compter du 26 juillet 2018 et, d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a suspendu sa rémunération à compter du 12 août 2018 et de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, une somme de 145 398,76 euros nets à parfaire au titre de la rémunération dont il a été privé, à titre subsidiaire, une somme de 138 200,63 euros à parfaire au titre du préjudice financier et 10 000 euros au titre du préjudice de carrière, et en tout état de cause, 10 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un jugement n°s 1802641 et 1900550 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Nancy a : annulé la décision du 26 juillet 2018, enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Nancy de proposer au Dr E... une affectation sur un emploi correspondant à son grade et à son statut de chirurgien des hôpitaux spécialisé en gynécologie - obstétrique dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamné le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à verser au Dr E... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, mis à la charge du centre hospitalier le versement d'une somme au titre des frais liés au litige et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC00966, le 29 mars 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy représenté par Me Frouin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2021 en tant qu'il annule la décision du 26 juillet 2018 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par le Dr E....
Il soutient que :
- l'affectation est conforme au grade et à la spécialité du Dr E... puisqu'en vertu de l'article R. 6152-3 du code de la santé publique, le corps des praticiens hospitaliers ne comprend aucun grade, que l'activité de gynécologie n'est pas distincte de l'activité d'obstétrique permettant aux gynécologues-obstétriciens d'intervenir dans l'un ou l'autre des champs de la spécialité, que le Dr E... a toujours pratiqué la gynécologie médicale, que la décision du conseil national de l'ordre des médecins lui interdit toute activité obstétricale et qu'il n'est ainsi pas possible d'envisager une reprise au sein de la maternité ;
- le changement d'affectation constitue une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours dès lors qu'elle est conforme au grade et au statut de l'agent ; la procédure de changement d'affectation prévue à l'article R. 6251-11 du code de la santé publique a été respectée ;
- cette affectation a été effectuée dans l'intérêt du service puisque le Dr E... est placé en sureffectif au sein de la maternité dans laquelle aucun poste n'est vacant, que ni l'activité, ni l'organisation de la permanence des soins ne justifient le maintien de son poste au sein de la maternité tandis que le pôle digestif nécessite un médecin gynécologue ; l'intérêt du service est également justifié par les difficultés représentées par les pratiques du Dr E... et son incapacité à travailler en équipe ; elle répond enfin à l'intérêt du service dès lors qu'elle respecte les limitations et restrictions d'exercice de la médecine imposées au Dr E... par la décision du conseil nationale de l'ordre des médecins du 17 janvier 2020 ; cette affectation n'a fait perdre aucun avantage au Dr E... en ce qu'elle ne l'empêche pas d'exercer une activité libérale et qu'il n'a pas de droit à la réalisation de gardes ; elle ne constitue pas une sanction déguisée ;
- la demande indemnitaire doit être rejetée car le Dr E... était tenu d'accepter l'affectation qui lui était proposée qui était légale et qu'à supposer même qu'elle soit illégale, cette illégalité n'aurait pas été manifeste.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, le Dr E..., représenté par Me Merdassi demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident ;
- d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a suspendu sa rémunération à compter du 12 août 2018 ;
- de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, une somme de 199 595,52 euros nets au titre de la rémunération dont il a été privé depuis le 12 août 2018, à titre subsidiaire, une somme de 185 758,98 euros au titre du préjudice financier et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice de carrière, et en tout état de cause, une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'appel principal :
- la décision d'affectation du 26 juillet 2018 porte atteinte à ses droits et garanties statutaires ainsi qu'à ses prérogatives et responsabilités puisqu'il ne peut plus exercer la chirurgie gynécologique et à sa rémunération puisqu'elle le prive des rémunérations rattachées aux gardes et astreintes ; cette décision ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ; elle porte atteinte à son droit d'obtenir l'exécution des décisions de justice rendues ; elle n'est pas conforme à sa spécialité en application de l'article R. 6152-11 du code de la santé publique et n'est pas équivalente au poste qu'il occupait précédemment ; les restrictions posées par la décision du conseil national de l'ordre des médecins du 17 janvier 2020 ne l'empêchent pas d'exercer toute activité chirurgicale ; cette décision constitue donc une mutation d'office ;
- elle porte atteinte aux droits et aux prérogatives qu'il tient de son statut dans la mesure où elle le prive notamment de ses activités de chirurgie obstétricale et qu'il n'a pas de compétences dans le domaine de la sexologie ; elle est illégale car le poste n'a pas été créé et fait l'objet d'un appel à candidatures dans les conditions prévues par l'article R. 6152-6 du code de la santé publique ; la fiche de poste méconnaît son arrêté de nomination du 1er juin 1992 ;
- cette décision n'a pas été prise dans l'intérêt du service mais dans le but de l'exclure du service de maternité ; son poste n'a pas été supprimé au sein de ce service, aucune difficulté économique ne peut justifier l'affectation ; les faits qui lui sont reprochés ont fait l'objet d'un blâme et ne peuvent fonder son affectation ; aucun défaut dans sa pratique médicale ne lui a été reproché ;
- la décision d'affectation constitue ainsi une sanction déguisée illégale puisqu'elle a été prise par une autorité incompétente en méconnaissance des conditions prévues par les articles R. 6152-74 et suivants du code de la santé publique et est donc affectée par un vice de procédure et sanctionne des faits plus de cinq après leur commission ;
Sur l'appel incident :
- l'annulation de la décision d'affectation aurait dû conduire à l'annulation de la décision de suspension de sa rémunération du 22 août 2018 puisqu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé une affectation illégale ; la décision d'affectation est manifestement illégale puisqu'elle porte atteinte à l'autorité de chose jugée des décisions de justice, qu'il n'a pas suivi de formation et n'a aucune expérience dans le domaine de la sexologie ;
- le principe de rémunération après service ne s'impose pas à lui puisque l'absence de service fait ne lui est pas imputable, il doit donc obtenir le versement de son traitement pendant la période d'éviction illégale ;
- à titre subsidiaire, il peut obtenir réparation du préjudice financier en raison de l'illégalité de la décision du 26 juillet 2018 dans la mesure où il a perdu une chance sérieuse de se voir verser son traitement sur la période en cause et de son préjudice de carrière subi du fait de son éviction irrégulière ;
- en tout état de cause, il peut obtenir réparation de son préjudice moral en raison de son éviction violente qui l'a privé de toute ressource.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le Dr E... tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2018 et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser des sommes au titre de son préjudice financier, de telles conclusions, relevant d'un litige distinct de celui qui faisait l'objet de l'appel principal, n'étant pas constitutives d'un appel incident mais d'un appel principal enregistré après l'expiration du délai d'appel et, par suite, tardif.
Le Dr E... a répondu à cette lettre par un mémoire enregistré le 17 mai 2022.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC00967, le 29 mars 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy représenté par Me Frouin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2021 en tant qu'il l'a condamné à verser au Dr E... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
2°) de rejeter les demandes présentées par le Dr E....
Il invoque les mêmes moyens qu'il a soulevés dans la requête n° 21NC00966.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, le Dr E..., représenté par Me Merdassi demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident ;
- d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a suspendu sa rémunération à compter du 12 août 2018 ;
- de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser, à titre principal, une somme de 199 595,52 euros nets au titre de la rémunération dont il a été privé depuis le 12 août 2018, à titre subsidiaire, une somme de 185 758,98 euros au titre du préjudice financier et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice de carrière, et en tout état de cause, une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Nancy une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il invoque les mêmes moyens qu'il a soulevés dans la requête n° 21NC00966.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le Dr E... tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2018 et à la condamnation du centre hospitalier à lui verser des sommes au titre de son préjudice financier, de telles conclusions, relevant d'un litige distinct de celui qui faisait l'objet de l'appel principal, n'étant pas constitutives d'un appel incident mais d'un appel principal enregistré après l'expiration du délai d'appel et, par suite, tardif.
Le Dr E... a répondu à cette lettre par un mémoire enregistré le 17 mai 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 4 septembre 1970 portant approbation du règlement relatif à la qualification des médecins établi par le conseil national de l'ordre des médecins ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme D...,
- et les observations de Me Frouin, représentant le centre hospitalier universitaire de Nancy, et de Me Merdassi, représentant le Dr E....
Une note en délibéré, présentée pour le Dr E..., a été enregistrée le 20 mai 2022 dans chacune des deux requêtes.
Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier universitaire de Nancy, a été enregistrée le 24 mai 2022 dans chacun des deux requêtes.
Considérant ce qui suit :
1. Le Dr E... a exercé les fonctions de praticien hospitalier en qualité de chirurgien gynécologue-obstétricien à compter du 1er juin 1992 au sein de la maternité régionale universitaire de Nancy, puis au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy à compter du 1er janvier 2014. Par des décisions des 13 mars, 18 avril, 28 juin et 27 novembre 2013, le directeur de la maternité régionale a prononcé sa suspension à titre conservatoire du tableau de gardes et d'astreinte puis la suspension de ses fonctions, le temps de la réalisation d'une expertise psychiatrique, d'une enquête administrative interne et d'une inspection du centre national de gestion des praticiens hospitaliers en constatation d'insuffisances professionnelles. Les décisions de suspension provisoire de ses fonctions des 28 juin et 27 novembre 2013 ont été annulées par jugement du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Nancy, confirmé le 9 mars 2017 par la cour administrative d'appel de Nancy. La suspension de ses fonctions a été prolongée par décision du 27 février 2014 prise par le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy et un courrier lui a été adressé le 19 septembre 2014 par le centre national de gestion lui demandant de participer à une formation pratique de remise à niveau de ses compétences et l'informant de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre. Par un jugement du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision du 19 septembre 2014. Le Dr E... a été réintégré le 1er octobre 2014 avec mise à disposition du CHU de Reims. Cette décision ayant été suspendue le 21 janvier 2015 par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le centre hospitalier universitaire l'a retirée. Le 13 mai 2015, la directrice générale du centre national de gestion lui a notifié un blâme pour des faits commis en décembre 2012 et janvier 2013. L'affectation, par une décision du 7 février 2017, du Dr E... à l'unité Dossier Patient Informatisé du CRHU de Nancy a été annulée par un jugement du 26 avril 2018, jugement confirmé par la cour administrative d'appel le 14 mai 2019.
2. Par les présentes requêtes, le centre hospitalier régional universitaire relève appel du jugement du 28 janvier 2021 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé la décision du 26 juillet 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a affecté le Dr E... au poste de " médecin échographiste responsable de la consultation de gynécologie - santé sexuelle " au sein du pôle digestif, lui a enjoint de proposer à l'intéressé une affectation sur un emploi correspondant à son grade et à son statut de chirurgien des hôpitaux spécialisé en gynécologie - obstétrique dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et en tant qu'il l'a condamné à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par la voie de l'appel incident, le Dr E... demande à la cour d'annuler la décision du 22 août 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a suspendu sa rémunération à compter du 12 août 2018 et de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts.
Sur la jonction :
3. Les requêtes ci-dessus visées n° 21NC00966 et n° 21NC00967, présentées par le centre hospitalier régional universitaire de Nancy, concernent le même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'appel incident :
4. Les conclusions présentées par le Dr E... tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2018 et à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Nancy à lui verser des sommes au titre de son préjudice financier soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal, lequel concerne la légalité de la décision du 26 juillet 2018. Dans ces conditions, les conclusions ci-dessus mentionnées du Dr E... ne sont pas constitutives d'un appel incident mais d'un appel principal enregistré après l'expiration du délai d'appel et, par suite, tardif.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la décision du 26 juillet 2018 :
5. En premier lieu, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
6. Il ressort notamment de l'arrêté de nomination du 1er juin 1992 en qualité de praticien hospitalier, chirurgien des hôpitaux au sein de la maternité régionale Adolphe Pinard de Nancy que le Dr E... est spécialiste en gynécologie-obstétrique. Conformément à l'arrêté du 4 septembre 1970 portant approbation du règlement relatif à la qualification des médecins établi par le conseil national de l'ordre des médecins, il a été autorisé par le conseil départemental de l'ordre des médecins, le 12 juillet 1996, à faire état de sa qualité de médecin spécialiste qualifié en gynécologie-obstétrique. Si la décision d'affectation du 26 juillet 2018 en qualité de médecin responsable de consultation de gynécologie-santé sexuelle est conforme au grade de praticien hospitalier à temps plein détenu par le Dr E..., elle le prive en revanche d'une partie de ses prérogatives puisqu'il n'exerce plus dans son domaine de spécialisation à savoir la gynécologie obstétricale. Par ailleurs, cette décision emporte également pour lui une perte de rémunération et de responsabilités. D'une part, ces fonctions ne le conduiraient plus à assurer des gardes et des astreintes et il se trouverait ainsi privé des indemnités y afférentes. D'autre part, il ne réaliserait plus d'actes chirurgicaux. Enfin, si ce poste lui permettrait de poursuivre une activité libérale, il ne pourrait plus, en vertu du 1°) du II de l'article L. 6154-2 du code de la santé publique, exercer cette activité dans le domaine de la gynécologie-obstétricale puisqu'il n'exercerait plus une activité de même nature au sein de l'hôpital. Dès lors, la décision contestée emporte une certaine déqualification par rapport aux fonctions qu'il occupait précédemment et modifie les conditions concrètes d'exercice de ses fonctions. Par suite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier régional universitaire, la décision en litige ne constitue pas une simple mesure d'ordre intérieur.
7. En second lieu, d'une part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
8. Aux termes de l'article R. 6152-2 du code de la santé publique : " Les praticiens hospitaliers exercent leurs fonctions à temps plein. Ils assurent les actes médicaux de diagnostic, de traitement, de soins d'urgence dispensés par les établissements publics de santé (...) ". L'article R. 6152-3 du même code prévoit : " Les médecins (...) des hôpitaux nommés à titre permanent constituent le corps unique des praticiens hospitaliers dans toutes les disciplines médicales (...) et leurs spécialités. Ils portent le titre de médecin, chirurgien, (...) spécialiste (...) des hôpitaux. (...) ". L'article R. 4127-40 de ce code précise : " Tout médecin est, en principe habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose ".
9. Alors que le Dr E... souhaitait être réintégré au sein du service de maternité dans lequel il a exercé ses fonctions jusqu'en mars 2013, le centre hospitalier régional universitaire l'a affecté à un poste de médecin responsable de la consultation en gynécologie-santé sexuelle au sein du pôle digestif. Cette affectation doit donc être regardée comme constituant une mutation d'office qui aurait été prise, selon le centre hospitalier régional universitaire, dans l'intérêt du service. Il ressort de la décision contestée qu'elle a été adoptée aux motifs d'une part, que sa réaffectation au sein du service de maternité est impossible et d'autre part, que le projet de création d'un centre de santé sexuelle nécessite la présence d'un gynécologue.
10. S'il n'est pas contesté que la maternité régionale puis après la fusion, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy s'est engagé dans un plan d'efficience validé en 2013 par l'agence régionale de santé qui imposait la suppression de six postes de praticiens hospitaliers au sein de la maternité, il ressort des pièces du dossier que le plan de retour à l'équilibre s'étalait sur la période 2012-2015. S'il ressort des travaux du directoire des années suivantes que l'objectif de stabilisation des objectifs est maintenu depuis lors, il a été précisé lors du suivi des travaux de la commission de prospective hospitalière présenté au directoire du 25 octobre 2016 que le poste du Dr E... serait " gelé " lors de son départ à la retraite en 2023. Il ressort par ailleurs du tableau des effectifs de novembre 2018 que le poste du Dr E... n'a été sorti des effectifs de la maternité que postérieurement à son affectation le 2 août 2018. De plus, les tableaux de synthèse des effectifs font état d'une baisse significative du nombre de praticiens hospitaliers au sein du service de maternité puisque ce nombre est passé de 17 à 12 entre mars 2014 et novembre 2018. De surcroit, il ressort du tableau de synthèse des effectifs de décembre 2019, certes postérieur à la décision attaquée, qu'un poste de praticien hospitalier est non pourvu depuis le 1er août 2019, à la suite de la mutation d'un praticien hospitalier au centre hospitalier d'Epinal. Par conséquent, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le Dr E... qui demeurait compris dans les effectifs de la maternité ne pouvait être affecté au sein du service de maternité en raison de la limitation des effectifs au sein de ce service.
11. Le centre hospitalier reproche au Dr E... certains de ses actes et pratiques qui ne sont pas conformes aux recommandations de bonnes pratiques et son incapacité à travailler en équipe, soutient que la décision du conseil nationale de l'ordre des médecins du 17 janvier 2020, empêche le Dr E... d'exercer une grande partie de son activité professionnelle en gynécologie-obstétricale et en chirurgie et souligne les difficultés organisationnelle et humaine engendrées par son éventuelle réintégration au sein de la maternité. Toutefois, si le centre hospitalier entend se prévaloir de tels motifs, ceux-ci ne figurent pas dans la décision du 26 juillet 2018. Or il ne sollicite pas de substitution de motifs. Il n'y a donc pas lieu de retenir ces motifs pour justifier la décision de mutation d'office. Dans ces conditions, alors que le motif tiré de l'impossibilité de l'affecter au sein de la maternité en raison du plan de retour à l'équilibre financier est erroné, ainsi qu'il vient d'être dit, le centre hospitalier régional universitaire de Nancy ne démontre pas dans sa décision du 26 juillet 2018 que la mutation d'office du Dr E... a été prise dans l'intérêt du service.
12. Il résulte de ce qui précède, que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 26 juillet 2018 par laquelle le directeur général du centre hospitalier régional universitaire de Nancy a affecté Dr E... au poste de " médecin échographiste responsable de la consultation de gynécologie - santé sexuelle " au sein du pôle digestif.
En ce qui concerne les préjudices financier et moral:
13. Le droit de tout agent à percevoir son traitement ne pouvant cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait, il appartient en conséquence au juge de rechercher si l'absence de service fait par un agent ne résulte pas de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation qui est la sienne de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives. Dès lors que la décision affectant un agent public sur un emploi correspondant à des fonctions effectives n'a pas le caractère d'une décision manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public, l'administration a compétence liée pour procéder à la suspension des traitements et indemnités en l'absence de service fait.
14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le Dr E... est spécialisé, comme indiqué au point 4, en gynécologie obstétricale. Le centre hospitalier régional universitaire soutient sans être utilement contesté que la spécialité de gynécologie obstétricale comprend celle de gynécologie médicale et souligne que la moitié de l'activité du Dr E... au sein du service de maternité en 2012 était constituée de consultations publiques et privées de gynécologie médicale. Par conséquent, le Dr E... ne peut utilement soutenir qu'il ne disposait pas d'une certaine expérience dans ce domaine et ne peut donc se prévaloir du code de conduite professionnelle qui incite les médecins à n'accepter que des responsabilités dans les domaines qu'ils maîtrisent. Enfin, la seule circonstance qu'il n'a pas suivi de formation spécifique en santé sexuelle et n'est pas titulaire du diplôme interuniversitaire de sexologie et santé sexuelle n'est pas de nature à démontrer que cette nomination serait manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Par conséquent, le centre hospitalier régional universitaire l'ayant placé dans une situation régulière et l'ayant affecté sur un emploi correspondant à des fonctions effectives, le Dr E... était tenu de reprendre son service. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait subi un préjudice financier ou de carrière à raison de l'illégalité de la décision du 26 juillet 2018.
15. D'autre part, il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit au point 8, que la décision du 26 juillet 2018 a été prise dans l'intérêt du service. Dans ces conditions, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que Dr E... n'a subi aucun préjudice moral.
16. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier régional universitaire de Nancy n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à verser au Dr E... une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Dr E... dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n°s 2NC00966 et 21NC00967 du centre hospitalier régional universitaire de Nancy sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 août 2018 et celles tendant à la réparation à la réparation d'un préjudice financier et de carrière présentées par le Dr E... sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Nancy versera à M. E... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier régional universitaire de Nancy et à M. C... E....
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : C. B...Le président,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
2
N°s 21NC00966, 21NC00967