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16/11/2017 | FRANCE | N°15DA02070

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 16 novembre 2017, 15DA02070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Grand Port Maritime du Havre (GPMH) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner in solidum la société Naviland Cargo, l'établissement public Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la société Socorail à lui verser la somme totale de 129 431,32 euros en réparation des préjudices résultant du déraillement d'un convoi ferroviaire survenu le 22 mai 2012.

Par un jugement n° 1403303 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a, par l'article 1er, conda

mné la société Socorail à verser la somme de 64 715,66 euros au GPMH et, par son ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Grand Port Maritime du Havre (GPMH) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner in solidum la société Naviland Cargo, l'établissement public Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et la société Socorail à lui verser la somme totale de 129 431,32 euros en réparation des préjudices résultant du déraillement d'un convoi ferroviaire survenu le 22 mai 2012.

Par un jugement n° 1403303 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a, par l'article 1er, condamné la société Socorail à verser la somme de 64 715,66 euros au GPMH et, par son article 2, a condamné SNCF Réseau, venant aux droits de la SNCF, à garantir la SASU Socorail à concurrence de 80 % de la condamnation prononcée à son encontre.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 15DA02070, enregistrée le 28 décembre 2015, et un mémoire, enregistré le 24 novembre 2016, l'établissement public industriel et commercial SNCF Réseau, représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir la société Socorail ;

2°) de mettre à la charge du GPMH ainsi qu'à la charge de la société Socorail la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

...................................................................................................

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 16DA00116 le 19 janvier 2016, et des mémoires, enregistrés, les 24 août et 21 décembre 2016 et le 7 février 2017, le Grand Port Maritime du Havre, représenté par la SCP Dubosc, Preschez, Chanson, Missoty, A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné in solidum SNCF Réseau et la société Socorail à lui verser la somme de 129 431,32 euros en réparation de préjudices subis ;

2°) de prononcer cette condamnation ;

3°) de mettre solidairement à la charge de SNCF Réseau et de la société Socorail la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

...................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 ;

- le décret n° 2008-887 du 2 septembre 2008 ;

- le décret n° 2015-140 du 10 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me H...A..., représentant le GPMH, et de Me B...F..., substituant Me G...E..., représentant la SASU Socorail.

1. Considérant que, le 22 mai 2012, un train composé de wagons porte-conteneurs a déraillé de la voie n° 20, au niveau de l'appareil de voie n° 820, ce qui a eu pour effet d'endommager les voies sur une longueur de 250 m ; que l'établissement public du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), propriétaire de ces infrastructures intégrées à son domaine public, a recherché la responsabilité in solidum de la SAS Naviland Cargo, utilisatrice des wagons, et celle de la SNCF, établissement public industriel et commercial, aux droits duquel vient SNCF Réseau, établissement public industriel et commercial avec lequel le grand port avait passé un contrat de maintenance des voies jusqu'au 31 décembre 2011, et de la SASU Socorail, chargée de la maintenance du réseau ferré depuis le 1er janvier 2012, afin d'obtenir la réparation du préjudice matériel évalué à 129 431,32 euros après expertise ;

2. Considérant que, par un jugement du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a rejeté comme irrecevables les conclusions indemnitaires formées par le GPMH à l'encontre de la société Naviland Cargo en retenant qu'en l'absence de tout contrat liant les parties, il appartenait à l'établissement public d'engager une procédure de contravention de grande voirie à l'égard de cette société ; que cette partie du jugement n'a pas été frappée d'appel ; que, par le même jugement, le tribunal s'est placé sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour condamner la société Socorail et, après avoir imputé une part de responsabilité de 50 % au GPMH, a condamné cette société à verser au GPMH la somme de 64 715,66 euros ; qu'il a enfin condamné SNCF Réseau à garantir la société Socorail à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;

3. Considérant que, par la requête n° 15DA02070, SNCF Réseau relève appel de ce jugement en tant que, par son article 2, il a été condamné à garantir la société Socorail ; que, par la requête n° 16DA00116, le GPMH relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande et a retenu à son encontre une part de responsabilité ; qu'il demande à la cour de prononcer la condamnation in solidum de SNCF Réseau et de la société Socorail à lui verser la somme de 129 431,32 euros ; que la société Socorail, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement en tant que, par son article 1er, il l'a condamnée à verser la somme de 64 715,66 euros au GPMH et, subsidiairement, de condamner SNCF Réseau à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

4. Considérant que les requêtes de SNCF réseau et du GPMH visées ci-dessus sont relatives au même jugement, se rapportent au même dommage et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

Sur la détermination des causes du dommage :

5. Considérant qu'il résulte des constatations réalisées par l'expert et consignées dans les conclusions de son rapport du 6 juin 2014, que le déraillement du train SNCF n° 52840, survenu le 22 mai 2012 alors que celui-ci circulait à 28 km/h voie 20 dans les emprises du port du Havre, est imputable en partie au mauvais état des infrastructures ferroviaires, en particulier de l'appareil de la voie n° 820 et à son environnement immédiat, et, en partie, à la non-conformité du wagon qui a quitté la voie ; que l'homme de l'art a proposé de répartir les causes du dommage pour un tiers à l'infrastructure et pour deux tiers au wagon ; que l'expert a précisé que ce wagon, mal réparé après une première sortie de voie à un autre endroit, a été la cause " prépondérante " alors qu'aucun déraillement sur le même appareil de voie ne lui avait été signalé ; qu'il s'en suit que le déraillement résulte à cet endroit de cette conjonction de causes dont la réalité n'est pas sérieusement remise en cause par les parties, ni davantage la répartition des imputabilités retenues par l'expert ;

Sur les conclusions du GPMH tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de SNCF Réseau :

6. Considérant qu'il est constant, d'une part, que le marché signé entre le GPMH et la SNCF pour l'exercice de la mission relative à la surveillance, à l'entretien et à la maintenance des voies, prolongé par avenants à plusieurs reprises, était parvenu à son terme le 31 décembre 2011 ; que, le dernier avenant de prolongation de ce marché avait d'ailleurs prévu l'établissement d'un décompte définitif au titre des prestations de maintenance à réaliser et facturées au 15 janvier 2012 ; que le GPMH ne se prévaut d'aucune clause pertinente de ce marché qui aurait prévu d'en prolonger les effets notamment dans le cas où un défaut de maintenance relevant de cette période contractuelle serait à l'origine d'un accident comme celui survenu le 22 mai 2012 ; qu'il est constant, d'autre part, qu'à la date de survenance du dommage en litige, le GPMH avait signé un nouveau marché de maintenance avec la société Socorail ; que cette dernière avait ainsi succédé à compter du 1er janvier 2012 à SNCF ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir contractuelle opposée par SNCF Réseau, le GPMH, qui a entendu se placer sur le terrain des fautes contractuelles de son cocontractant en dehors de tout litige relatif au règlement financier du marché, n'est pas fondé à soutenir, compte tenu de l'expiration du contrat, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de SNCF Réseau in solidum avec la société Socorail au titre des conséquences dommageables résultant du déraillement en litige ;

Sur les conclusions du GPMH tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de Socorail :

En ce qui concerne les stipulations pertinentes du marché :

7. Considérant que, par un marché conclu le 27 juillet 2011, le GPMH a confié à la société Socorail le lot n° 2 portant sur la maintenance des voies ferrées, appareils de voie et abords, installations fixes et passages à niveau ; que le a) de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) fixe l'ordre de priorité décroissant des pièces contractuelles particulières : " acte d'engagement (AE) des lots 1 à 5 ; / cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; / cahier des clauses techniques particulières(CCTP) des lots 1 à 5 ; / (...) " ;

8. Considérant qu'en vertu de l'article 4 de l'acte d'engagement, le lot n° 2 comportait une tranche ferme de trois ans et trois tranches conditionnelles, respectivement de deux ans, trois ans et deux ans, à compter pour chacune de l'ordre de service qui en prescrira le commencement ; que ce même article 4 prévoyait également une période de préparation de trois mois dont le commencement devait être fixé par un ordre de service en prescrivant l'exécution ; que cette période de préparation n'était prévue que pour la tranche ferme et n'était pas incluse dans la période globale d'exécution ;

9. Considérant que le marché a été conclu pour un montant total de près de 16,8 millions d'euros toutes taxes comprises (TTC) ; que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) prévoit, pour le lot n° 2, que le détail du prix forfaitaires annuel " Surveillance-Maintenance " comporte une liste exhaustive des opérations de surveillance et de maintenance à réaliser ; que l'article 2 du CCTP (" nature de la mission ") prévoit, pour sa part, que : " La prestation consiste à réaliser la surveillance et la maintenance préventive et corrective des voies ferrées, appareils de voie et abords, installations fixes et passages à niveau du Réseau Ferré Portuaire du Grand Port Maritime du Havre et du Grand Port Maritime de Rouen ainsi que la remise en état des installations dégradées à la suite d'incidents d'exploitation . / Elle consiste également à analyser les incidents, à gérer la documentation " ; que les installations du GPMH comprennent notamment, en vertu des mêmes stipulations, " les appareils de voie : aiguilles verrous, taquets (...) " ; que l'article 4 (Niveau de performance requis et conséquences) du même du CCTP stipule, sous peine de pénalités qu'il fixe, que : " Les opérations de surveillance et de maintenance devront être conduites de telles façon que sur les voies principales et les voies de service désignées comme stratégiques les valeurs de ralentissement (VR) ne soient jamais atteintes. / Les normes de maintenance applicables aux voies de service désignées comme stratégiques, sont celles des voies de service " Matières dangereuses " ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article 4 de l'acte d'engagement du lot n° 2, les opérations à réaliser au cours de la période de préparation de trois mois sont celles précisées par l'article 11 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; qu'en vertu de ces stipulations, il est procédé, pendant cette période de préparation, aux opérations suivantes : " par les soins du GPM " le " visa des documents établis par l'Entrepreneur, nécessaires aux démarrage des prestations " et " par les soins de l'Entrepreneur " la "visite de l'ensemble des voies du réseau ferré portuaire " ainsi que l'" établissement du plan annuel de surveillance et de maintenance, établissement et présentation des documents nécessaires à la réalisation des prestations " ; que l'article 6 du même cahier prévoit en outre que : " Des documents et informations décrivant l'état et la consistance du réseau peuvent être mis à disposition des candidats sur demande exprimée auprès du Pôle Réseau ferroviaire. / Il s'agit des renseignements suivants : (...) Historique des principaux travaux réalisés sur les deux dernières années " ;

11. Considérant que l'article 12 (Définition des prestations) du CCTP prévoit à l'article 12.1 (Elaboration du programme annuel de surveillance et de maintenance) que le plan annuel de surveillance et de maintenance de l'ensemble des installations décrites à l'article 2 sera validé par " Pôle Réseau Ferroviaire " ; que ce plan doit identifier " précisément les unités d'oeuvre et le quantités correspondantes prévues ; qu'il doit servir de base aux réunions trimestrielles de suivi organisées à l'initiative de l'autorité portuaire ; pour l' année A+1 le plan est présenté à l'autorité portuaire au moins trois mois avant la fin de l'année A " ; que l'article 12.2 (Maintenance/Surveillance) du CCTP rappelle que : " La prestation consiste à organiser et réaliser la surveillance et la maintenance préventive indiquée au plan annuel de maintenance ainsi que la maintenance corrective du réseau, tel que défini à l'article 2 " ; que l'article 12.3 du ce cahier fixe les modalités de la " gestion des travaux " " en interface avec le gestionnaire de la circulation et le mainteneur des installations des postes d'aiguillage " ; que les opérations de maintenance même préventive qui font obstacle à la circulation des trains nécessitent de " se rapprocher du Bureau Horaire Portuaire " ; qu'en ce qui concerne les opérations urgentes pour la réalisation de la maintenance corrective, l'article 12.4 du CCTP " précise qu'elle implique la mise en place d'une organisation spécifique d'astreinte permettant de garantir des délais d'intervention sur site dans un délai maximum de 60 minutes " ; qu'en vertu des deuxième et troisième alinéas de cette stipulation, " Les avaries, notamment celles qui ont pour effet de s'opposer à la circulation des convois en mode nominal, devront être réparées dans les meilleurs délais ", l'autorité portuaire se réservant en cas de défaillance de son prestataire, la possibilité de lui en substituer un autre ; que l'article 12.5 (Analyse des incidents. Conséquences) prévoit que : " (...). Lorsque l'analyse d'un incident (déraillement) aura mis en évidence la faute ou le manquement du prestataire, les frais de remise en état et de réparation des dommages (infrastructures, matériels roulants, retards, (...) seront répercutés au prestataire " ;

12. Considérant, enfin, que le Pôle Réseau Ferroviaire Portuaire du GPMH a établi une " directive " pour l'organisation de la maintenance des voies de service qui fixe les principes de classement des voies de service, de leur maintenance préventive en distinguant entre la maintenance préventive systématique (MPS) et conditionnelle (MPC) et consacre un chapitre 5 à l'organisation de la maintenance corrective ; qu'il est ainsi indiqué que cette maintenance corrective vise les interventions liées à des défaillances qui ont une incidence sur la circulation des trains et prévoit que ces interventions peuvent se dérouler en deux temps : un dépannage ou une réparation provisoire permettant d'autoriser le passage des circulations et une réparation définitive permettant de rétablir l'utilisation normale de l'appareil de voie ;

En ce qui concerne la responsabilité de Socorail :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Socorail a reçu notification de l'ordre de service (n° 11STT-15) qui lui a été délivré le 29 septembre 2011 et qui a fixé le point de départ de la période de préparation de trois mois prévue à l'article 4 de l'acte d'engagement et de l'article 11 du CCTP, au 1er octobre 2011, laquelle s'achevait donc le 1er janvier 2012 ; que cette société s'est également vu délivrer, le 8 décembre 2011, l'ordre de service (n° 11STT-31) qui a fixé au 2 janvier 2012 le point de départ de la tranche ferme et de la période d'exécution du marché conformément notamment aux stipulations de l'article 4 de l'acte d'engagement ; qu'à l'issue de la période de préparation au cours de laquelle le nouveau prestataire a procédé aux visites de l'ensemble des voies du réseau ferré portuaire ainsi qu'il est prévu à l'article 11 du CCTP, la société Socorail a établi un " audit " du réseau qu'elle a transmis au GPMH ; que, contrairement à ce que le GPMH soutient, ce travail technique ne comportait aucune obscurité ou caractère désordonné alors même qu'il n'était pas assorti de conclusions récapitulatives ; qu'en particulier, il faisait clairement apparaître les anomalies situées au niveau de l'appareil de voie n° 820, pour lequel elle préconisait un remplacement du rail ; qu'il n'est pas contesté que, conformément aux stipulations de l'article 11 du CCTP, à l'issue de cette période de préparation, la société Socorail a établi le plan ou programme annuel de surveillance et de maintenance devant porter sur la maintenance préventive et corrective, ainsi que les documents nécessaires à la réalisation des prestations conformément aux stipulations de l'article 11 du CCTP ; qu'il n'est pas davantage contesté qu'elle a soumis ce plan et ces documents pour validation au Pôle Ferroviaire Portuaire du GPMH conformément aux stipulations de l'article 12 du CCTP ; qu'en tout état de cause, aucune violation de ces stipulations contractuelles ne lui étant reprochée sur ce point par le GPMH, elle doit être réputée s'être acquittée, sur ce point, de ces obligations ; que, cependant, aucune des parties n'indique si et comment l'intervention en maintenance corrective sur l'appareil de voie n° 820 avait été prise en compte dans le plan de l'année 2012 ; qu'en particulier, la société Socorail ne pouvait ignorer l'état dégradé de cette partie du réseau ferroviaire pour avoir clairement fait apparaître dans le compte rendu de la visite des installations dénommé " audit " la nécessité de son remplacement ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que cette partie du réseau ferroviaire relevait des voies classées " non stratégiques " ou " non entretenues " en fonction des indications figurant dans la directive établie par le Pôle Réseau Ferroviaire Portuaire du GPMH, mentionnée au point 12 ; qu'en outre, la société Socorail ne fait état d'aucun élément qui aurait justifié de retarder la programmation prioritaire de cette réparation, laquelle pouvait être dans un premier temps provisoire ainsi que le permet la directive mentionnée au point 12 ; qu'en particulier, cette société ne signale pas que d'autres interventions auraient été effectuées ou programmées de manière plus urgentes ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait émis des " réserves " sur le fait qu' à l'issue de la période de préparation du marché, elle devait prendre un réseau dont la maintenance aurait été fortement déficiente et qu'elle ne serait pas en mesure de faire face dans des délais raisonnables ou rapides à l'ensemble des réparations les plus urgentes sur l'ensemble du réseau ; que, si le déraillement est survenu un peu moins de cinq mois après le début de la période d'exécution et la prise en charge de la prestation de maintenance pour la première fois par cette société, ces circonstances, et en particulier ce délai déjà substantiel, ne faisaient pas obstacle à ce que les programmations annuelles de travaux puissent démarrer après avoir été arrêtées en liaison avec les services compétents du GPMH ainsi qu'il est prévu notamment par les stipulations de l'article 12.3 du CCTP rappelées au point 11 et conformément aux orientations contenues dans la directive précitée ; qu'enfin, la société Socorail fait valoir que le GPMH ne lui aurait pas communiqué, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 du CCTP, les documents et informations décrivant l'état et la consistance du réseau et en particulier un historique des principaux travaux réalisés au cours des dernières années par le précédent prestataire ; que, toutefois, elle ne justifie pas, d'une part, en avoir fait la demande et, d'autre part, au regard de l'" audit " qu'elle avait réalisé, elle ne justifie pas davantage que ces informations auraient été nécessaires concernant l'appareil de voie n° 820 ou, en tout état de cause, que leur défaut de communication expliquerait à lui seul qu'elle n'ait pas pu intervenir ou jugé utile de le faire rapidement ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu que la société Socorail aurait été empêchée ou retardée dans son intervention du fait des exigences du service chargé des circulations ; que, par suite, et alors même que la responsabilité contractuelle de la société Socorail qui n'est pas soumise, de manière générale, à une obligation de résultat, ne peut être recherchée du seul fait qu'elle a pris en charge la maintenance du réseau ferroviaire de GPMH, il résulte de ce qui précède qu'elle a manqué aux obligations contractuelles fondées sur son devoir de programmation annuelle adossée à l'" audit " qu'elle avait réalisé au cours de la période préparatoire et qui avait fait apparaître une urgence à intervenir sur l'appareil de voie n° 820 en vue de le remplacer ; qu'elle est alors tenue à une obligation de réparation en vertu des stipulations de l'article 12.5 du CCTP rappelées au point 11 ; qu'enfin, elle ne peut, dès lors et en tout état de cause, demander à être déchargée de sa responsabilité vis-à-vis du maître d'ouvrage au prétexte que le précédent prestataire aurait failli dans sa mission de maintenance ;

14. Considérant qu'en revanche, la société Socorail ne peut être tenue responsable que des fautes qui lui sont imputables ; que, par suite, sa responsabilité ne peut être recherchée pour les fautes affectant le mauvais état du wagon dont l'expert a montré qu'il avait constitué une cause " prépondérante " du déraillement ainsi qu'il a été dit au point 5 ; que si les stipulations de l'article 12.5 lui font obligation de réparer les dommages subis par le matériel roulant, ces stipulations doivent être interprétées en ce sens que ces dommages au matériel roulant doivent trouver leur cause dans la faute du prestataire chargé de la maintenance des voies et non dans celle du prestataire chargé du bon état de ce matériel ; qu'ainsi, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer le partage de responsabilité proposé par l'homme de l'art, en retenant que la responsabilité de la société Socorail doit être retenue à concurrence d'un tiers dans la survenance du dommage ;

Sur la part de responsabilité laissée à la charge du GPMH :

15. Considérant qu'il résulte des stipulations contractuelles des articles 11 et 12 du CCTP rappelées au point 10 et 11, que le GPMH doit valider le plan annuel de surveillance et de maintenance et participer au suivi des opérations ; qu'en outre, en cas de défaillance de son prestataire contractuel pour assurer une intervention urgente, le GPMH peut lui en substituer un autre ;

16. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 13, que le GPMH n'aurait pas validé le premier plan annuel qu'a dû lui adresser la société Socorail à l'issue de sa période préparatoire ou qu'il aurait émis des réserves ou sollicité des modifications dans la programmation proposée des opérations de maintenance corrective alors qu'il avait été destinataire d'un " audit " clair et exploitable ; qu'en outre, il résulte de cet " audit " que l'état dégradé de l'appareil de voie n° 820 préexistait à l'entrée en vigueur du nouveau contrat de maintenance en janvier 2012 ; que le GPMH ne peut d'ailleurs utilement se prévaloir de ce que cet audit n'aurait pas été contradictoire alors qu'il procédait en tout état de cause d'une obligation contractuelle de visite de l'ensemble du réseau par le prestataire " entrant " et qu'un tel défaut, à le supposer même établi, est, en l'espèce, sans influence sur la réalité des constats opérés ; que le GPMH entend d'ailleurs l'opposer à son cocontractant ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le GPMH aurait exercé vis-à-vis du précédent prestataire une surveillance suffisante ; qu'au demeurant, il lui aurait appartenu de tenir compte des défaillances dans la réalisation de ses prestations de maintenance au stade du règlement financier de ce précédent marché ; que, dans les circonstances de l'espèce, en s'abstenant de tirer toutes les conséquences de l'audit et alors qu'il procédait à un changement de prestataire qui impliquait de sa part une attention renouvelée, le GPMH a manqué à ses propres obligations contractuelles de validation, de supervision et de suivi des prestations ; qu'il a ainsi concouru à la survenance du dommage ; que, dans les circonstances de l'espèce, et au regard de la date à laquelle le déraillement est intervenu, il sera fait une juste évaluation de la part des responsabilités imputables tant au prestataire qu'à l'établissement public en laissant à la charge de ce dernier la moitié des conséquences dommageables du déraillement ;

Sur le montant de la réparation :

17. Considérant que, compte tenu du montant total des dommages matériels fixé à 129 431,32 euros par l'expert et non sérieusement contesté ainsi que de la part d'imputabilité incombant à la SASU Socorail, le montant de la réparation ne saurait excéder avant partage de responsabilité entre le prestataire et le port, la somme de 43 143,77 euros ; qu'après ce partage de responsabilité, il y a lieu de ramener le montant que la société Socorail doit verser au GPMH à la somme de 21 571,90 euros ; que, par suite, la société Socorail est fondée à demander, dans le cadre de son appel incident, que l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen soit réformé dans le sens de ce qui précède ;

Sur la garantie de la société Socorail par SNCF Réseau :

18. Considérant, d'une part, que les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception de ses clauses réglementaires ; que, dès lors, la qualité de tiers au contrat fait obstacle à ce qu'un requérant se prévale d'une inexécution du contrat dans le cadre d'une action en responsabilité quasi-délictuelle ;

19. Considérant que la société Socorail, tiers au contrat conclu entre la SNCF et le GPMH, ne peut donc utilement se prévaloir du non-respect, par SNCF Réseau, des obligations qui découlaient du contrat de maintenance que cet établissement avait signé, pour les années antérieures à l'année 2012, avec le GPMH ;

20. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que SNCF Réseau et la société Socorail, qui n'étaient liées par aucune clause contractuelle, ne participaient pas à l'exécution du même marché de maintenance ; que, par ailleurs, la société Socorail ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire obligeant en l'espèce SNCF Réseau à la garantir vis-à-vis des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la mise en jeu de sa propre responsabilité contractuelle ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 18 à 20 que SNCF Réseau est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a condamné cet établissement public à garantir la société Socorail des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de SNCF Réseau qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le GPMH et la société Socorail demandent sur ce fondement ; qu'en outre et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que SNCF réseau et le GPMH ont présentées sur le même fondement à l'encontre de la société Socorail ;

DÉCIDE :

Article 1er : La société Socorail versera au GPMH une somme de 21 571,90 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du 19 novembre 2015 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'article 2 de ce jugement est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Grand Port Maritime du Havre, à SNCF Réseau, à la société Socorail et à la société Naviland Cargo.

Nos15DA02070,16DA00116 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA02070
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Contentieux de la responsabilité.

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat.

Ports - Utilisation des ports.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : MARGUET LEMARIE COURBON ; MARGUET LEMARIE COURBON ; MARGUET LEMARIE COURBON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-16;15da02070 ?
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