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02/02/2006 | FRANCE | N°05MA02411

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 02 février 2006, 05MA02411


Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2005 pour Mme Saliha Z élisant domicile ..., par Me Hansenne ; Mme Z demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°0505249 du 24 août 2005 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à ce que le tribunal, d'une part, prescrive une expertise en vue de décrire les soins et opérations subis par elle lors de son hospitalisation en avril 1992 à l'hôpital de Sainte-Marguerite à Marseille et de déterminer les éventuelles erreurs ou fautes commises ainsi que les préjudices

qui en auraient résulté, d'autre part, condamne in solidum, l'assistance...

Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2005 pour Mme Saliha Z élisant domicile ..., par Me Hansenne ; Mme Z demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n°0505249 du 24 août 2005 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à ce que le tribunal, d'une part, prescrive une expertise en vue de décrire les soins et opérations subis par elle lors de son hospitalisation en avril 1992 à l'hôpital de Sainte-Marguerite à Marseille et de déterminer les éventuelles erreurs ou fautes commises ainsi que les préjudices qui en auraient résulté, d'autre part, condamne in solidum, l'assistance publique de Marseille, M. X et M. Y à lui payer une provision de 100 000 euros en réparation du préjudice subi ;

2°) d'ordonner l'expertise demandée en première instance ;

3°) de condamner les défendeurs in solidum à payer à la requérante la somme provisionnelle de 100 000 euros ;

4°) de condamner les défendeurs à payer à la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 janvier 2006 :

- le rapport de M. Bourrachot, rapporteur ;

- les observations de Me Hansenne pour Mme Z et de Me Dessailly substituant Me Le Prado pour l'Assistance publique de Marseille ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur la mesure d'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais.» ; qu'aux termes de l'article R. 532-1 du même code : «Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction …» ;

Considérant qu'en l'état de l'instruction, il n'apparaît pas manifestement que l'action qui pourrait être engagée au fond, et tendant à la réparation de l'ensemble des dommages dont se plaint Mme Z, se heurterait à une prescription, dès lors que la production d'un compte rendu d'écho-endoscopie du 20 décembre 1995, dont les modalités de communication à l'intéressée sont d'ailleurs inconnues, ne suffit pas à établir qu'elle aurait été complètement informée de la nature, de l'étendue et des conséquences de la cholécystectomie pratiquée sur elle le 15 avril 1992 ; qu'en outre, en ce qui concerne les dommages et frais antérieurs à l'année au cours de laquelle la gravité du mal a pu être constatée, le moment où toutes les conséquences de l'accident ont pu être constatées et où leur gravité est apparue n'est pas certain ; qu'en ce qui concerne l'incapacité permanente partielle et les troubles qui s'y rattachent, aucune date de consolidation ne ressort avec certitude des pièces du dossier ; qu'enfin, la requérante fait valoir que cette intervention est à l'origine d'une aggravation de son état de santé dont les effets ne sont pas consolidés et qu'elle impute à cette opération ; qu'il y a lieu d'ordonner une mesure d'expertise sur ces questions, qui entrent dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative et de fixer la mission de l'expert comme il est précisé à l'article 2 du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Z est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'expertise ;

Sur la provision :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie.» ;

Considérant, d'une part, qu'en l'état de l'instruction l'extrait du rapport d'expertise établi le 26 août 2002 dans le cadre de l'instance pénale et produit en appel par la requérante ne contient aucun élément susceptible d'établir l'existence d'une faute, d'une erreur ou d'un aléa médical de nature à engager la responsabilité du service hospitalier ; qu'en l'absence de tout autre élément d'instruction et eu égard aux questions qui font l'objet de la mesure d'expertise ordonnée par le présent arrêt, l'obligation de l'Assistance publique de Marseille à l'égard de Mme Z ne peut être regardée comme non sérieusement contestable ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance qu'une demande ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative est sans influence sur la compétence du juge du référé saisi d'une demande de provision, à qui il revient seulement de rechercher si, notamment en ce qu'elle ne serait pas susceptible d'être sanctionnée par le juge administratif, l'obligation ne peut apparaître comme non sérieusement contestable ; que la demande de provision de Mme Z, en tant qu'elle est dirigée contre les Professeurs X et Y pris en leur qualité de personnes privées, invoque une obligation qui n'est pas susceptible d'être sanctionnée par la juridiction administrative et, par suite, sérieusement contestable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Z n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de provision ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Assistance publique de Marseille à payer à Mme Z une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance le juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 24 août 2005 est annulée en tant qu'elle a rejeté la demande d'expertise de Mme Z.

Article 2 : M. Oreste A élisant domicile ..., est désigné pour procéder, en présence de Mme Z, de l'Assistance publique de Marseille, de M. X, de M. Y et de la Mutuelle nationale aviation marine à une expertise en vue de :

1° - prendre connaissance des dossiers et de tous documents concernant l'intéressée, détenus par l'Assistance publique de Marseille ou produits par Mme Z, et examiner cette dernière ;

2° - décrire les blessures, les lésions, les affections dont Mme Z était atteinte et les soins et prescriptions antérieurs à son entrée en 1992 à l'Assistance publique de Marseille et de la cholécystectomie pratiquée sur elle le 15 avril 1992, l'état de Mme Z, lors de son arrivée à l'Assistance publique de Marseille ; les soins et actes médicaux et chirurgicaux dont elle a fait l'objet ;

3° - donner son avis sur le point de savoir si l'état de Mme Z a été causé par les examens pratiqués, ou les soins qui lui ont été dispensés, à l'Assistance publique de Marseille ;

4° - rechercher toutes informations en vue de déterminer si les traitements de toute nature prodigués à Mme Z, par les services de l'Assistance publique de Marseille, révèlent un mauvais fonctionnement ou une mauvaise organisation du service, une administration défectueuse des soins non médicaux, ou une mauvaise exécution des soins médicaux, et donner son avis sur ces points ;

5°- indiquer si le dommage a un rapport avec l'état initial de la patiente, ou l'évolution prévisible de cet état ;

6°- préciser si le dommage constitue une conséquence anormale d'un acte médical, chirurgical, pratiqué sur la personne de la patiente au regard de son état initial, ou de l'évolution prévisible de cet état ; indiquer si l'acte présentait un risque connu auquel la patiente était particulièrement exposée ; dire, dans l'affirmative, quelle était l'importance de ce risque ;

7°- dire si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir si Mme Z a été informée de la cholécystectomie pratiquée sur elle le 15 avril 1992, si elle a été informée des conséquences normalement prévisibles de l'intervention, et si elle a été ainsi mise à même de formuler un consentement éclairé ; préciser si elle a reçu toutes informations sur l'existence de risques, même faibles, de complications susceptibles de se produire ; indiquer si l'état de la patiente nécessitait une intervention de manière vitale ou nécessitait impérativement un traitement et s'il existait une alternative thérapeutique moins risquée ;

8°- indiquer si le dommage consécutif à la cholécystectomie pratiquée sur Mme Z le 15 avril 1992 lui a fait perdre à une chance sérieuse de guérison de la maladie, de la lésion, des blessures dont elle était atteinte, lors de son admission à l'hôpital ;

9° - donner son avis sur l'évolution prévisible de l'état de Mme Z si elle avait renoncé au traitement, à l'intervention dont elle a fait l'objet ;

10° - dire si l'état de Mme Z a entraîné une incapacité temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;

11° - indiquer à quelle date l'état de Mme Z peut être considéré comme consolidé et déterminer le moment où toutes les conséquences ont pu en être constatées et où leur gravité est apparue ; préciser s'il subsiste une incapacité permanente partielle et dans l'affirmative en fixer le taux ; dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, indiquer si, dès à présent, une incapacité permanente partielle est prévisible, et en évaluer l'importance ;

12° - dire si l'état de Mme Z est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, mentionner dans quel délai ;

13°- dire si l'état de Mme Z justifie la présence d'une tierce personne ; fixer les modalités, la qualification, et la durée de cette intervention ;

14° - donner son avis sur l'existence éventuelle de préjudices annexes (souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d'agrément spécifique) et le cas échéant, en évaluer l'importance ;

15° - donner son avis sur la répercussion de l'incapacité médicalement constatée sur l'activité professionnelle de Mme Z, et le cas échéant, donner son avis sur la nécessité d'un changement d'emploi et d'une réadaptation à une nouvelle activité professionnelle.

En cas d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par le président de la Cour.

Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit. Il déposera son rapport dans le délai de deux mois à compter de la prestation de serment.

Article 4 : L'Assistance publique de Marseille est condamnée à payer à Mme Z une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Saliha Z, à l'Assistance publique de Marseille, à M. X, à M. Y, à la Mutuelle nationale aviation marine et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à Me Le Prado, à Mes Henri Juramy et Philippe Hansènne, à M. Oreste A et au préfet des Bouches-du-Rhône.

N°0502411 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 05MA02411
Date de la décision : 02/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : MAÎTRES HENRI JURAMY ET MAÎTRE PHILIPPE HANSENNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-02-02;05ma02411 ?
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