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20/01/2025 | FRANCE | N°24MA01178

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 20 janvier 2025, 24MA01178


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2305713 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai et le 10 novembre 2024,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2023, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2305713 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai et le 10 novembre 2024, Mme C... épouse A..., représentée par Me Maghnaoui, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de la famille d'un citoyen européen " ou à défaut un titre de séjour mention " entrepreneur / profession libérale " et à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 232-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 5 de la directive 2008-115-CE ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante marocaine née le 20 novembre 1979, a déposé le 15 novembre 2021 une demande de titre de séjour en tant que " membre de famille d'un ressortissant européen ". Par arrêté du 19 octobre 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... épouse A... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... épouse A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, la décision portant refus de droit au séjour vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où elle fait notamment suite à un refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, la décision de refus de titre de séjour étant elle-même, ainsi qu'il vient d'être dit, en l'espèce suffisamment motivée, le moyen tiré du défaut ou de l'insuffisance de motivation de la décision obligeant Mme C... épouse A... à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes ne se soit pas livré à un examen réel et sérieux de la situation de Mme C... épouse A....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / (...) / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Aux termes de l'article L. 232-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / (...) ". Aux termes de l'article L. 232-3 du même code : " Les ressortissants étrangers mentionnés à l'article L. 200-5 peuvent se voir reconnaître le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 233-2. ".

4. Les dispositions, citées au point précédent, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.

5. Pour refuser l'admission au séjour de Mme C... épouse A..., dont il n'est pas contesté qu'elle est mère d'un enfant de nationalité espagnole née le 11 juillet 2013, le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que d'une part, l'intéressée ne justifiait ni de ressources suffisantes pour elle et sa famille ni de l'exercice d'une activité professionnelle déclarée et autorisée et d'autre part, qu'elle ne justifiait pas d'une assurance maladie. Tout d'abord, l'appelante ne peut sérieusement se prévaloir pour contester le refus ainsi opposé à sa demande le 19 octobre 2023 et fondé sur l'absence de couverture maladie, de son adhésion à un contrat complémentaire santé conclu le 22 avril 2024. D'autre part, si l'intéressée établit, par la production de liasses fiscales, qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2022, l'entreprise Nails Bayane qu'elle dirige a réalisé un résultat fiscal de 9 555 euros, il n'est toutefois ainsi pas démontré qu'elle percevrait de son activité des ressources suffisantes au sens des dispositions citées au point 3 de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance qu'un prêt lui ait été accordé pour l'achat d'un véhicule automobile n'est pas de nature à permettre de renverser cette appréciation. Si dans le dernier état de ses écritures, l'intéressée verse son avis de situation déclarative à l'impôt sur les revenus 2023, un revenu de 32 888 euros, cette circonstance est en tout état de cause postérieure à la date de l'arrêté en litige. Ainsi, l'appelante ne justifie pas à la date d'édiction de l'arrêté en litige remplir les conditions cumulatives prévues par les dispositions citées au point précédent. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 232-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".

7. Mme C... épouse A... soutient être entrée en France en 2015 et y résider avec son époux, sa fille, de nationalité espagnole, et son fils, né à Casablanca le 29 juin 2006, elle ne justifie toutefois pas d'une intégration particulière dans la société française par la seule scolarisation de leurs enfants en primaire. Par ailleurs, alors que son conjoint est également en situation irrégulière à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressée n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de son existence, et au sein duquel rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue. A l'exception de son activité professionnelle de gérante et de la scolarisation en France de ses enfants, l'appelante ne se prévaut d'aucune intégration particulière. Dans ces conditions, compte tenu des conditions du séjour en France de Mme C... épouse A... et de son conjoint, qui a fait par ailleurs l'objet d'une condamnation prononcée le 2 octobre 2020 par le Tribunal correctionnel de Nice à un an d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique et agression sexuelle, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... épouse A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Et selon les termes de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité. / 2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / 3. Tout enfant a le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ".

9. Alors qu'aucun élément ne fait obstacle à ce que les enfants du couple poursuivent leur scolarité dans le pays d'origine de la famille, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 que, par l'arrêté attaqué, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et pas davantage celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

10. En dernier lieu, les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ont été transposées en droit interne par la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et son décret d'application du 8 juillet 2011. Ainsi, Mme C... épouse A... ne peut utilement invoquer l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les dépens :

13. La présente instance n'ayant pas généré de dépens, les conclusions de la requête présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme C... épouse A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2025.

N° 24MA01178 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01178
Date de la décision : 20/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : MAGHNAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-20;24ma01178 ?
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