CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la SA Baudoux combustibles, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 30 janvier 1989, qui, après avoir relaxé José X... et André Y... du chef d'infraction à la loi du 15 juillet 1975 sur la collecte et le transport des huiles usagées, l'a déboutée de ses demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 34 du traité de Rome, 5 de la directive n° 75 / 439 du Conseil des Communautés européennes, 24. 5° de la loi du 15 juillet 1975, du décret du 21 novembre 1979, de l'arrêté du 29 mars 1985 et de l'arrêté préfectoral du 30 août 1985 :
" en ce qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté de sa demande la SA Baudoux combustibles, qui s'est portée partie civile pour obtenir réparation du préjudice subi en raison de la violation par MM. X... et Y... de ses droits exclusifs de ramassage des huiles usagées sur la zone pour laquelle elle a reçu l'agrément du commissaire de la République ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que les articles 30 à 34 du traité de Rome posent le principe de la libre circulation des marchandises et des biens au sein de la CEE ;
" que ce principe n'est pas absolu et que notamment aux termes de l'article 36 du même Traité les dispositions des articles 30 à 34 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées pour des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de la préservation des végétaux ;
" qu'il est clair que la réglementation française en matière de ramassage et d'élimination des huiles usagées a pour fondement et pour objet la protection de la nature et de l'environnement et qu'en application de l'article 36 précité cette réglementation peut donc emporter des dispositions contraires au principe de la libre circulation des marchandises ;
" cependant, encore faut-il que ces dispositions soient nécessaires au but poursuivi ou qu'elles ne soient pas disproportionnées avec celui-ci ;
" or, attendu que l'agrément exclusif accordé à une entreprise française par département pour le ramassage des huiles usagées a pour corollaire l'interdiction faite à toute entreprise étrangère, agréée ou non, de collecter ces huiles sur le territoire français, alors que, lorsqu'elles bénéficient d'un agrément, délivré a priori dans des conditions et avec les garanties conformes aux recommandations de la circulaire CEE du 16 juin 1975, ces entreprises présentent toutes les garanties pour procéder à des ramassages dans des conditions préservant la nature et l'environnement ;
" qu'il s'ensuit que le système d'agrément qui donne à une entreprise française par département le monopole du ramassage des huiles usagées ne peut trouver sa justification dans les intérêts supérieurs au principe de la libre circulation des marchandises énoncées par l'article 36 du traité de Rome et que ce système est donc contraire aux dispositions de l'article 34 du même Traité " ;
" alors que la directive n° 75 / 439 peut être interprétée comme autorisant les Etats membres à octroyer un droit exclusif à une entreprise pour la collecte des huiles dans la zone qui lui est attribuée (CJCE, 10 mars 1983, af. 172 / 82) ; qu'un tel droit exclusif ne doit cependant pas entraver les échanges intracommunautaires (CJCE, 7 février 1985, af. 260 / 83) ; que la cour d'appel, qui, bien qu'il n'ait été ni établi ni même allégué que la réglementation française contienne des discriminations nationales dans l'attribution des zones, a néanmoins considéré que l'octroi de droits de ramassage exclusifs sur une zone était contraire au traité de Rome, a violé par fausse application l'article 34 dudit Traité, l'article 5 de la directive n° 75 / 439 du Conseil du 16 juin 1975, l'article 24. 5° de la loi du 15 juillet 1975, le décret du 21 novembre 1979, l'arrêté du 29 mars 1985 et l'arrêté préfectoral du 30 août 1985 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, est puni de peines correctionnelles le fait " d'avoir éliminé des déchets ou matériaux sans être titulaire de l'agrément prévu aux articles 9 et 10 " ; que selon l'article 4 du décret du 29 mars 1985, pris pour l'application de ladite loi, " afin d'assurer le ramassage exhaustif des huiles usagées qui ne sont ni éliminées sur place ni transportées par leur détenteur chez un éliminateur, l'ensemble du territoire métropolitain est divisé en zones géographiques ; dans chacune de ces zones le ramassage des huiles usagées, comprenant le regroupement, la collecte ou le transport de lots issus de plus d'un détenteur, ne peut être effectué que par les soins d'une personne physique ou morale ayant reçu un agrément accordé aux clauses et conditions d'un cahier de charges définissant les droits et obligations du titulaire " ;
Attendu que pour relaxer José X... et André Y... des chefs de la poursuite d'infraction à la loi du 15 juillet 1975 et des textes réglementaires pris pour son application et relatifs à la collecte des huiles usagées et débouter la SA Baudoux combustibles de ses demandes, la cour d'appel, par des motifs expressément adoptés des premiers juges, énonce que " le système d'agrément qui donne à une entreprise française par département " le monopole du ramassage des huiles usagées ne peut trouver sa justification dans les intérêts supérieurs au principe de la libre circulation des marchandises énoncé par l'article 36 du traité de Rome et que ce système est donc contraire aux dispositions de l'article 34 du même Traité ;
Mais attendu, d'une part, que la directive n° 75 / 439 du Conseil des Communautés européennes concernant l'élimination des huiles usagées prévoit en son article 5 que les Etats membres peuvent prévoir la répartition en zones affectées à une ou plusieurs entreprises lesquelles, selon l'article 6, doivent obtenir une autorisation de l'autorité compétente ;
Que, d'autre part, il résulte tant de ladite directive que des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes que la seule limite apportée à la réglementation des Etats membres est l'interdiction de toute mesure tendant à restreindre les échanges communautaires ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la réglementation française sur le ramassage et l'élimination des huiles usagées n'exclut pas la possibilité pour toute personne physique ou morale appartenant à la Communauté économique européenne d'obtenir l'agrément prévu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principes susvisés ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens susvisé en ses seules dispositions qui ont débouté la SA Baudoux combustibles de ses demandes, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.