REJET du pourvoi formé par :
- X... Bernard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre des appels correctionnels, en date du 23 février 1988, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à 5 000 francs d'amende avec sursis et qui s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 412-18 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré un employeur coupable de délit d'entrave à l'exercice du droit syndical d'une salariée, et l'a condamné à une amende de 5 000 francs ;
" aux motifs qu'il est constant que l'inadéquation entre les possibilités physiques de la salariée et l'exercice de son travail n'était que relative ; qu'aussi bien, 48 heures après avoir pris acte de la prétendue rupture du contrat de travail, Bernard X... faisait sienne la proposition de l'inspecteur du Travail d'un nouvel aménagement des horaires de Mme Y... ; que Bernard X... n'est donc pas en droit de soutenir qu'à la date du 2 juillet 1985, il était fondé à ne pas demander à l'inspecteur du Travail l'autorisation de licencier Mme Y..., déléguée syndicale ; qu'ainsi, il s'est rendu coupable du délit dont il est prévenu " ;
" alors que, d'une part, le délit d'entrave en cas de non-respect du statut protecteur des représentants du personnel n'est constitué qu'en cas de licenciement effectif effectué sans autorisation préalable ; qu'en l'espèce, la Cour constate que 48 heures après avoir pris acte de la prétendue rupture du contrat de travail, le demandeur a fait sienne la proposition de l'inspecteur du Travail d'un nouvel aménagement des horaires de Mme Y..., ce qui ôtait toute portée au licenciement du 2 juillet 1985 ; que la Cour, en déclarant le demandeur coupable du délit d'entrave, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors que, d'autre part, le délit d'entrave ne peut être caractérisé que dans la mesure où l'élément moral de l'infraction est constaté ; qu'en l'espèce, la Cour relève que le demandeur avait accepté la proposition de l'inspecteur du Travail relative à un nouvel aménagement des horaires de Mme Y..., n'a pas caractérisé l'intention coupable de l'exposant et n'a pas suffisamment motivé sa décision " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'en 1983, Dominique Y... a été engagée pour une durée indéterminée par l'entreprise Speedrill, dirigée par X..., à l'effet d'exécuter un travail avec horaire de jour pouvant, en cas de nécessité, être modifié en rythme 2 / 8, de 6 heures à 14 heures, ou de 14 heures à 22 heures, alternativement ; que la salariée a été affectée à un travail d'équipe en rythme 2 / 8 le 11 juillet 1984, postérieurement à sa désignation comme déléguée syndicale ; qu'à l'issue de congés de maladie intervenus en 1985, elle a été déclarée médicalement apte à reprendre son travail en horaire normal ; que l'inspecteur du Travail a avisé X... à plusieurs reprises qu'à défaut de reclassement de l'intéressée dans un emploi conforme à l'avis médical donné, il était tenu, à peine d'entrave, d'assurer à celle-ci le bénéfice de son statut protecteur ; que le 1er juillet 1985, X... a proposé à Dominique Y... le choix entre un maintien en horaire 2 / 8 mais avec aménagement d'une pause d'une durée à fixer par le médecin du Travail, ou bien une permutation avec une autre employée travaillant en horaire de jour sous réserve d'un rendement équivalent, ou bien encore un congé sans solde assorti, à son issue, d'une reprise en horaire 2 / 8 ; que Dominique Y... ayant refusé les propositions qu'elle estimait non conformes à l'avis du médecin du Travail, X..., par lettre adressée à celle-ci le 2 juillet 1985, a déclaré constater la rupture du contrat de travail, intervenue selon lui du fait de la salariée ; que le 4 juillet 1985, à l'instigation de l'inspection du Travail, X... a proposé à Dominique Y... un nouvel aménagement de ses conditions d'emploi ; que cette dernière, hospitalisée du 5 au 19 juillet 1985, n'a pas apporté de réponse à la dernière proposition de X..., lequel, le 26 juillet suivant, lui a fait adresser son certificat de travail ainsi que le solde de son compte ;
Attendu que devant les juges d'appel saisis des poursuites exercées contre X... sur le fondement des articles L. 412-18 et L. 481-2 du Code du travail pour avoir apporté une entrave à l'exercice du droit syndical en procédant, sans autorisation administrative préalable, au licenciement d'une déléguée syndicale, le prévenu a sollicité sa relaxe en soutenant qu'il ne pouvait lui être reproché de n'avoir pas respecté les dispositions légales concernant le licenciement des salariés protégés, puisque la rupture du contrat de travail en cause ne lui était pas imputable, Dominique Y... étant inapte à occuper son emploi du fait de son état de santé, et le reclassement de cette salariée dans l'entreprise s'avérant impossible ;
Attendu que pour écarter cette argumentation et dire la prévention établie, contrairement à ce qu'avaient décidé les premiers juges, la cour d'appel, après avoir rappelé que, pour être dispensé des formalités applicables au licenciement des salariés protégés, l'employeur doit établir qu'il existe une cause insurmontable rendant impossible l'exécution du contrat de travail, retient que tel n'était pas le cas en l'espèce, l'inaptitude physique de la salariée n'étant que relative, et que, d'ailleurs, postérieurement au 2 juillet 1985, X... avait fait sienne la proposition de l'inspecteur du Travail concernant un nouvel aménagement des horaires de Dominique Y... ; que les juges ajoutent que dans ces conditions, à la date du 2 juillet 1985, X... n'était pas dispensé de demander l'autorisation de licencier la salariée ;
Attendu, en l'état de ces constatations et énonciations, que la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; que la rupture du contrat de travail intervenue à l'initiative de l'employeur était en elle-même constitutive d'un licenciement présentant un caractère définitif, nonobstant la proposition subséquente adressée par ledit employeur à la salariée et restée d'ailleurs sans effet, et qu'une telle décision ne pouvait être prise qu'après observation de la procédure spéciale instituée en pareil cas en faveur des salariés protégés ;
Attendu, en outre, que les motifs des juges mettent en évidence le caractère volontaire des agissements poursuivis, lequel suffit à établir l'élément intentionnel de l'infraction retenue à la charge du demandeur ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.