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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY00791

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23LY00791


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS STGA a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n° 1908061 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés

les 2 mars et 24 octobre 2023, la SAS STGA, représentée par Me Colomb, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS STGA a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1908061 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mars et 24 octobre 2023, la SAS STGA, représentée par Me Colomb, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition et de ces intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration devait se référer à la cession de 5 001 parts sociales de la société STGL à la SAS STGA intervenue le 3 octobre 2008 ;

- l'administration n'a présenté aucun comparable de cession d'entreprise du même type ;

- la détermination par l'administration de la valeur vénale des parts sociales devait prendre en considération la circonstance que la cession de ces parts a été faite sans garantie d'actif ou de passif par le cédant ;

- l'administration ne devait pas prendre en considération la valeur d'un fonds de commerce de la société STGL d'un montant de 221 388 euros ;

- l'administration ne justifie pas son mode de calcul du taux de productivité fixé de manière forfaitaire, en ne prenant pas en considération les spécificités de la société STGL ;

- l'associé, qui vendait ses parts, ne pouvait pas demander une valorisation de la société STGL supérieure aux distributions disponibles ;

- l'actif net de la société STGL était de 1 003 236 euros et de 1 178 008 euros au titre de l'exercice clos en 2011 ; la valeur d'un titre était alors de 117,80 euros et de 100 euros après décote ;

- elle se prévaut d'une valorisation basée sur une capitalisation sur sept ans du bénéfice pondéré ;

- l'établissement bancaire qui a financé l'achat des titres a validé leur évaluation.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS STGA, qui exerçait une activité de conseil et de gestion et détenait, depuis 2008, 5 001 parts sociales représentant la majorité du capital de la société STGL, entreprise générale de construction, a acquis les 4 999 autres parts de cette société, le 9 novembre 2012, pour un prix unitaire de 100 euros. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS STGA, l'administration, estimant que les 4 999 titres de la société STGL avaient été cédés à un prix délibérément minoré par les parties dissimulant une libéralité consentie par le vendeur à l'acquéreur, a réintégré dans le résultat de la SAS STGA un montant de 269 846 euros représentant l'écart entre la valeur unitaire vénale du titre, qu'elle a fixée à 154 euros, et le prix dont la société a bénéficié. La SAS STGA a, en conséquence, été assujettie à une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 à laquelle ont été appliqués les intérêts de retard. La SAS STGA relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de cette imposition et de ces intérêts de retard.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition (...). b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale (...) ". Il résulte des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit.

3. La valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration, estimant ne pas disposer de transactions comparables, a déterminé la valeur vénale des actions de la SAS STGL au 9 novembre 2012 par application de deux méthodes fondées, la première, sur une approche patrimoniale, celle de la valeur mathématique, et, la seconde, sur une approche de rendement, la méthode de la valeur de productivité, dont elle a fait une moyenne pondérée.

5. La SAS STGA se prévaut du prix unitaire de 23,50 euros retenu lors de la cession des 5 001 parts sociales de la société STGL du 3 octobre 2008. Toutefois, cette cession est intervenue plus de quatre ans auparavant et elle n'établit pas qu'aucun changement n'est intervenu dans l'activité, les conditions d'exploitation et la situation nette comptable de la société dont les titres ont été cédés alors qu'il résulte de l'instruction que le prix de 23,50 euros a été déterminé sur la base d'un montant de capitaux propres de la société STGL de 235 088 euros à la clôture de l'exercice au 30 juin 2008 n'incluant pas la valeur de son fonds de commerce. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration ne s'est pas référée au prix unitaire des parts sociales cédées le 3 octobre 2008 pour déterminer la valeur des parts cédées le 9 novembre 2012. La circonstance que l'administration n'a pas remis en cause ce prix de cession de 23,50 euros lors d'une précédente vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2015 est à cet égard sans incidence.

6. La vérificatrice a constaté en outre qu'il n'était pas possible de se référer à une transaction comparable. La SAS STGA ne démontre pas qu'il existait des transactions intervenues dans des conditions équivalentes à celle du 9 novembre 2012 portant sur des titres de sociétés similaires à la société STGL. Par suite, en l'absence de telles transactions, la vérificatrice a pu légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives pour évaluer les titres cédés.

7. D'une part, l'administration a mis en œuvre l'approche patrimoniale fondée sur la valeur totale actualisée des actifs et sur la déduction des dettes, aboutissant à la valeur mathématique ou patrimoniale. Elle a retenu une valeur comptable de la société STGL au 30 juin 2012 de 1 178 007 euros correspondant à ses capitaux propres, mais également une plus-value latente sur actifs au titre du fonds de commerce de cette société qui figurait à son bilan pour une valeur nulle. La vérificatrice a déterminé la valeur du fonds de commerce à 221 388 euros en appliquant un coefficient de 3 % au chiffre d'affaires TTC moyen de la société STGL des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Si la SAS STGA soutient que la valeur du fonds de commerce était nulle au motif que la société STGL avait comme clients les entités médico-sociales du groupe IGH qu'elle n'a connues qu'en raison de liens personnels existant entre membres de ces deux sociétés et des entités contractant sur appels d'offre, ces circonstances ne sont pas de nature à établir qu'elle n'avait pas de clientèle alors qu'il résulte de l'instruction que les entreprises Henri Deldem, Genefim Société Générale, Sovec, Arms, Gillet génie climatique, DS Peinture et Laye Plâtrerie apparaissent comme des clients dans la comptabilité de la société STGL dans sa balance clients. Il résulte de l'instruction que la vérificatrice s'est fondée, pour retenir le coefficient de 3 %, sur le guide de l'évaluation des entreprises et des titres des sociétés publié par l'administration fiscale, lequel précise que, pour les fonds d'industrie, la valeur du fonds de commerce est obtenue en appliquant au chiffre d'affaires TTC un coefficient compris entre 3 et 18 %, retenant ainsi la valeur basse de la fourchette. Si la société requérante le critique, elle n'établit pas en quoi cette valeur serait excessive pour fixer la valeur du fonds de commerce d'une entreprise relevant du secteur du bâtiment. Par suite, la vérificatrice a pu calculer l'actif net réel de la société STGL en y intégrant une valeur de fonds de commerce de 221 388 euros.

8. D'autre part, l'administration a également appliqué l'approche par la rentabilité fondée sur la valeur de productivité qui permet de dégager la valeur d'une entreprise en capitalisant le résultat net que son activité produit. Elle a retenu la moyenne pondérée du résultat net courant avant impôt, minoré de l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 précédant la cession de parts, en appliquant des coefficients de pondération de 1, 2 et 3 au titre respectivement de ces trois exercices. Elle a ainsi fixé le taux de productivité de l'année 2012 à 5,28 % en majorant le taux sans risque correspondant au taux de rendement de l'émission des obligations garanties par l'Etat, diminué du taux d'inflation (taux déflaté), de 1,28 %, de la prime de risque correspondant à la prime de risque historique observée en France sur une durée de 100 ans de 5 % à laquelle elle a appliqué un coefficient de 0,8 pour tenir compte du secteur d'activité de la société STGL et de sa situation financière saine caractérisant un risque interne moyen. Il en résulte que l'administration justifie suffisamment les éléments de détermination du taux de productivité et la prise en considération des spécificités de la société STGL en fonction de son secteur d'activité et sa situation interne propre.

9. Il résulte enfin de l'instruction que la vérificatrice a appliqué une décote de 10 % pour tenir compte de l'absence de liquidité des titres. Si la SAS STGA relève l'absence de garantie d'actif ou de passif, elle ne justifie pas l'existence d'un risque de diminution d'actif ou d'apparition d'un passif postérieurement à la cession des titres du 9 novembre 2012 alors que, détenant déjà 5 001 titres de la société STGL sur 10 000 à la date de la cession, elle connaissait nécessairement la situation patrimoniale de la société dont elle était déjà l'actionnaire majoritaire avant la cession. Enfin, il n'est établi ni que la circonstance que le cédant n'était plus impliqué dans l'activité de la société STGL depuis juillet 2008, date d'embauche d'un chargé d'affaires, ni le fait que cette société pouvait difficilement être vendue à un tiers a pu avoir une incidence sur la valeur vénale des titres cédés.

10. Si la SAS STGA se prévaut d'une valorisation fondée sur une capitalisation sur sept ans de la moyenne pondérée du résultat net courant des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, qui a été calculée à 138 804 euros après application de coefficients de 1, 2 et 3 respectivement au titre de chacun de ces exercices, dans le cadre de l'approche par la rentabilité fondée sur la valeur de productivité utilisée par l'administration, elle ne donne pas de précisions suffisantes, ni ne fournit de justification, notamment sur la capitalisation sur sept ans, pour apprécier la pertinence de cette méthode. Si la SAS STGA soutient que l'établissement bancaire qui a financé l'achat des titres a validé l'évaluation, outre qu'elle ne le démontre pas, cette circonstance n'est pas de nature en soi à remettre en cause la valeur vénale retenue par l'administration.

11. Dans ces conditions, dès lors que la valeur vénale unitaire de 154 euros s'écarte significativement du prix de cession de 100 euros consenti par le vendeur à la société requérante, qu'il n'est fait état d'aucune contrepartie par la société requérante et que la minoration du prix présente un caractère délibéré, ainsi que le relève la proposition de rectification dont l'appréciation sur ce point n'est pas contestée par la société requérante, l'intention libérale doit être regardée comme établie.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS STGA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS STGA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS STGA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00791


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00791
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Évaluation de l'actif.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LONJON & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly00791 ?
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