Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le recteur de l'académie de Bordeaux l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 1801183 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 juillet 2019, 18 décembre 2020, 14 janvier 2021 et 8 février 2021, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 23 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que l'entretien préalable ne s'est pas tenu en présence d'un fonctionnaire qualifié ;
- elle n'a pas bénéficié de l'entretien préalable prévu par l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 ;
- si cet entretien a eu lieu, il n'est pas démontré qu'il s'est tenu devant un fonctionnaire ayant qualité pour y procéder ;
- le rapport de visite-conseil de l'inspecteur pédagogique régional ne lui a pas été régulièrement notifié ; en effet, il lui a été notifié le 27 novembre 2017 au rectorat de Bordeaux, et le délai de trois semaines pour faire valoir ses observations sur ce rapport prévu par l'article 5 de l'arrêté du 5 mai 2017 n'a pas été respecté ;
- les premiers juges ont commis une erreur sur l'étendue de leur contrôle, dès lors qu'un contrôle normal doit être exercé sur le licenciement d'un agent public ;
- le recteur a commis une erreur d'appréciation et ne s'est pas fondé sur des éléments objectifs pour procéder à son licenciement.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 18 décembre 2020, 5 janvier 2021 et 3 février 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a produit un mémoire, enregistré le 29 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 5 mai 2017 relatif à la mise en oeuvre du rendez-vous de carrière des personnels enseignants, d'éducation et de psychologues ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par le recteur de l'académie de Bordeaux en tant que professeur d'espagnol vacataire du 1er janvier 2005 au 30 juin 2011, puis en qualité de professeur contractuel par un contrat à durée déterminée à compter du 1er septembre 2011 et par un contrat à durée indéterminée à partir du 13 mars 2012. Par un arrêté du 14 décembre 2017, le recteur de l'académie de Bordeaux l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. Mme A... relève appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme A... a indiqué en première instance, au soutien du moyen tiré de l'absence d'entretien préalable à son licenciement, qu'elle ignorait l'identité de l'agent qui a assisté à la consultation de son dossier le 27 novembre 2017 et qu'en conséquence il ne lui était pas possible de déterminer s'il aurait eu compétence pour mener l'entretien préalable. Cette seule mention ne permet pas de regarder Mme A... comme ayant soulevé un moyen tenant à l'incompétence de l'agent ayant mené l'entretien préalable à son licenciement. Dès lors, les premiers juges n'avaient pas à se prononcer sur une telle incise. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité, contrairement à ce que soutient Mme A....
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. (...) / Au cours de l'entretien préalable, l'administration indique à l'agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l'agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées. ".
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du 26 mars 2019 de la chef de bureau des personnels enseignants contractuels au sein de la direction des personnels enseignants du rectorat de Bordeaux, que l'entretien préalable au licenciement de Mme A... s'est déroulé le 27 novembre 2017 à 14 heures. A cet égard, la circonstance que cet entretien, auquel elle a été convoquée par lettre du 10 octobre 2017 qui lui a été notifiée le 26 octobre suivant, n'est pas mentionné dans les visas de l'arrêté litigieux du 14 décembre 2017 est sans incidence sur sa régularité. Par ailleurs, s'il ressort des mentions du procès-verbal de la commission consultative paritaire académique du 13 décembre 2017 que Mme A... a consulté son dossier après l'entretien préalable à son licenciement, cet élément n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité, dès lors qu'elle a été mise à même de consulter ce dossier dès le 26 octobre 2017, et ainsi de préparer sa défense avant l'intervention de la décision de licenciement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'entretien préalable de Mme A... a été mené par le directeur des personnels enseignants du rectorat de Bordeaux, en présence de la chef de bureau des personnels enseignants contractuels au sein de cette direction et d'une chargée de mission pour les procédures contentieuses et disciplinaires. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas des dispositions de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986, ni d'aucune disposition de ce décret, que l'entretien préalable au licenciement d'un agent contractuel doit être mené par le recteur. Dès lors, ce dernier n'a pas à justifier d'une délégation autorisant les personnes ayant participé à l'entretien de Mme A... à mener ce type d'entretien, aucun élément ne permettant d'ailleurs de douter de la compétence de ces agents. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport de visite-conseil de l'inspecteur pédagogique régional du 9 novembre 2017 a été notifié par les services du rectorat de Bordeaux le 27 novembre 2017 à Mme A... qui l'a signé et indiqué en avoir pris connaissance à cette date. La circonstance que les rapports d'inspection sont habituellement notifiés par le chef d'établissement est sans incidence sur la régularité de cette notification. Par ailleurs, si le rapport du 9 novembre 2017, que l'arrêté du 14 décembre 2017 en litige cite expressément, a été notifié à Mme A... le même jour que son entretien préalable au rectorat, cette dernière a disposé d'un délai suffisant, avant que son licenciement ne soit prononcé, pour contester les éléments de ce rapport, ce qu'elle a d'ailleurs fait lors de la séance de la commission consultative paritaire du 13 décembre 2017. Par ailleurs, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 5 mai 2017 relatif à la mise en oeuvre du rendez-vous de carrière des personnels enseignants, d'éducation et de psychologues du ministère chargé de l'éducation nationale dès lors que le rapport du 9 novembre 2017 ne peut être regardé comme étant un compte-rendu de rendez-vous de carrière. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification du rapport de visite-conseil du 9 novembre 2017, qui aurait entaché la procédure d'irrégularité, doit être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a rencontré des difficultés dans la gestion de ses classes depuis l'année scolaire 2011-2012, qui ont ensuite été relevées par plusieurs chefs d'établissements dans lesquels elle a été affectée. Le rapport de visite-conseil de l'inspecteur de l'éducation nationale du 9 avril 2013 soulignait d'ailleurs " une absence de gestion de la classe qui rend impossible l'apprentissage de la langue ". Ce constat a été confirmé par l'inspecteur de l'éducation nationale lors de son inspection du 20 mai 2015, qui a en outre fait état d'une insuffisance pédagogique. Un premier tutorat au bénéfice de Mme A... a été mis en place le 8 octobre 2015. S'il n'a pas pu être mené à son terme, notamment en raison des affectations de la requérante sur trois établissements différents au cours de l'année 2015-2016, il apparaît dans le compte-rendu de ce tutorat que l'inspecteur a émis un avis défavorable au réemploi de Mme A..., au motif qu'elle ne disposait pas des compétences requises pour être maintenue dans des fonctions d'enseignement. Dans ces conditions, le licenciement de l'appelante a été envisagé dès février 2017, mais il a été décidé, à l'issue de la commission consultative paritaire académique du 3 février 2017, de mettre en place un tutorat intensif à son bénéfice au cours de la fin de l'année scolaire 2016-2017, avec une décharge totale de ses heures d'enseignement. Toutefois, malgré ce second tutorat, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a de nouveau rencontré des difficultés, notamment au collège Clermont de Pau où elle avait été affectée à la rentrée 2017. Des dysfonctionnements ont en effet été relevés à la fois par le principal-adjoint de ce collège et par l'inspecteur pédagogique régional lors de sa visite-conseil le 9 novembre 2017, qui a indiqué dans son rapport que Mme A... ne parvenait pas à assurer un rôle d'adulte référent, et que son enseignement n'était ni structuré, ni efficace, avant de conclure qu'elle ne maîtrisait pas les compétences professionnelles de base. Si, comme l'indique la requérante, aucun élément relatif à l'autre établissement d'enseignement dans lequel elle a été affectée pour l'année scolaire 2017-2018 n'est versé au dossier, rien ne permet d'en conclure que ses capacités professionnelles auraient été appréciées différemment dans ce second établissement. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, et ainsi qu'il vient d'être dit, le recteur ne s'est pas fondé sur le seul avis du principal-adjoint du collège Clermont de Pau, ni sur les seuls rapports d'inspection, qui ont au demeurant pour objectif d'évaluer les compétences des personnels enseignants, pour prononcer son licenciement pour inaptitude professionnelle, alors qu'il ressort des pièces du dossier que plusieurs chefs d'établissement avaient émis des avis défavorables à son renouvellement dans leur établissement depuis 2013. Si certains comptes rendus de chef d'établissement étaient élogieux envers Mme A..., notamment dans des établissements dans lesquels elle a été affectée pour les années scolaires 2012-2013 et 2013-2014, ces appréciations ponctuelles ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation globale négative portée sur ses compétences professionnelles, alors qu'il est constant que l'intéressée était nommée chaque année dans plusieurs établissements de l'académie. Enfin, si Mme A... souligne le contexte difficile rencontré au collège Clermont de Pau, il résulte de ce qui vient d'être dit que le constat de son insuffisance professionnelle n'était pas lié à son affectation dans cet établissement, mais perdurait depuis 2012. Dans ces conditions, le recteur n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que l'appelante n'était pas apte à exercer normalement les fonctions de professeur d'espagnol pour lesquelles elle a été engagée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2017 par lequel le recteur de l'académie de Pau l'a licenciée pour insuffisance professionnelle. Par suite, ses conclusions doivent être rejetées, y compris celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Didier Salvi, président,
Mme F..., première conseillère,
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2021.
Le président,
Didier Salvi
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX02857 2