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19/10/2023 | FRANCE | N°22LY01062

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 19 octobre 2023, 22LY01062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Thim a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2003057 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, la SARL Thim, représentée par Me Horrie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d

e prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Thim a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2003057 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, la SARL Thim, représentée par Me Horrie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait d'avoir signé un contrat de franchise n'est pas de nature, en soi, à priver une entreprise du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ;

- la relation contractuelle qu'elle entretient avec son franchiseur, la société Nouvelle Del Arte, ne caractérise pas une situation de dépendance au sens du II de cet article, dès lors qu'elle n'est pas liée à cette société par une clause d'approvisionnement exclusif, qu'elle peut définir librement ses prix, proposer des produits de son choix et réaliser des démarches publicitaires locales, qu'elle est indépendante juridiquement, en l'absence de participation du franchiseur dans son capital, mais également économiquement, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, que l'enseigne ne lui est pas indispensable et sa clientèle, qui existait préalablement au contrat de franchise, n'appartient pas au franchiseur, qu'elle ne dépend pas de son franchiseur pour ses compagnes publicitaires, en dépit de la redevance versée, dès lors qu'elle a dépensé davantage en publicité locale (2,6 % de son chiffre d'affaires hors taxe) qu'en redevance publicité versée au franchiseur, qui correspond à 2 % de son chiffre d'affaires hors taxe, que ni la formation dispensée par le franchiseur à son gérant, ni les mesures d'assistance à l'installation dont elle a bénéficié ne caractérisent une situation de dépendance et que cette situation n'est pas davantage caractérisée par les différentes obligations contractuelles prévues par le contrat de franchise ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations des paragraphes 110 et 140 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Thim, qui exploite un restaurant à Varennes-Vauzelle (Nièvre), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 28 octobre 2015 au 31 décembre 2017. A l'issue de ce contrôle, l'administration a, selon la procédure contradictoire, remis en cause le régime d'exonération prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts sous le bénéfice duquel elle s'était placée et l'a assujettie, en conséquence, à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017. La SARL Thim relève appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (...) / Le bénéfice du présent article est réservé aux entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans ces zones. (...) / II. Le capital des sociétés nouvellement créées ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. (...) / III.-Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent pas bénéficier du régime défini au I. / L'existence d'un contrat, quelle qu'en soit la dénomination, ayant pour objet d'organiser un partenariat, caractérise l'extension d'une activité préexistante lorsque l'entreprise nouvellement créée bénéficie de l'assistance de ce partenaire, notamment en matière d'utilisation d'une enseigne, d'un nom commercial, d'une marque ou d'un savoir-faire, de conditions d'approvisionnement, de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance. (...) ".

3. Par un contrat de franchise conclu le 19 novembre 2015, la SAS Société Nouvelle Del Arte (SNDA), franchiseur, propriétaire de la marque Del Arte et du concept de restaurant Pizza Pasta Del Arte Restaurant, a concédé à la SARL Thim, le droit d'exploiter, selon les méthodes et le savoir-faire du franchiseur, un établissement de restauration à Varennes-Vauzelles. Aux termes de l'article 5.5.1 de ce contrat de franchise, le franchisé " s'engage à respecter et à n'utiliser exclusivement dans l'exploitation de son restaurant Del Arte que les méthodes, produits, logiciel informatique et système qui lui auront été communiqués par le franchiseur à l'exclusion de tous autres, et ce conformément au manuel opératoire. Le franchisé s'engage à respecter scrupuleusement tous les modules du manuel opératoire ".

4. Il résulte de l'instruction que le franchiseur dispose de la maitrise du mix-marketing et du mix-produit et qu'il détermine " les spécifications qualitatives et objectives minimales auxquelles doivent répondre les produits mis en vente par le franchisé ", lequel doit se conformer aux produits mentionnés sur les cartes types du réseau Del Arte et disposer d'un choix suffisamment large de produits de manière à pouvoir présenter à la clientèle un assortiment représentatif des produits du réseau, tel que défini dans le manuel opératoire Del Arte. La préparation des plats figurant à la carte fait l'objet de fiches techniques dans le manuel opératoire que le franchisé s'engage à respecter en tous points, et dont le respect est contrôlé par divers outils, en particulier les visites " bilan " annuelles et les visites " client-mystère ", les non-conformités étant susceptibles de conduire à une résiliation unilatérale du contrat. Si le contrat de franchise ne contient pas de clause d'approvisionnement exclusif, il fixe, en annexe, la liste des produits commercialisables et renvoie, pour l'évolution de cette liste, au manuel opératoire. Cette liste comprend, d'une part, des produits alimentaires, qui constituent les produits de base nécessaires à la confection des plats, tels que la farine et la plupart des produits frais, dont l'approvisionnement doit se faire exclusivement auprès de la société Logistimax, d'autre part, les produits, essentiellement non alimentaires, dont l'approvisionnement est libre et enfin ceux, essentiellement alimentaires, dont l'approvisionnement est libre " avec critères ", c'est-à-dire pour lesquels, le plus souvent, une référence ou une composition précise est imposée. A cet égard, il n'est pas contesté que 86 % des achats de la SARL Thim ont été réalisés, au cours de la période vérifiée, auprès du fournisseur référencé Logistimax. Si le contrat de franchise n'interdit pas à la SARL Thim de proposer à sa clientèle des produits de son choix, celle-ci ne justifie pas s'écarter, en pratique, des menus et produits types du réseau et avoir ainsi développé des techniques et un savoir-faire propres. Enfin, si le franchisé est libre de fixer ses prix, le franchiseur lui communique régulièrement des prix de vente conseillés et conserve un droit de regard sur la politique de prix, afin de " ne pas compromettre l'image dynamique de l'enseigne Del Arte ".

5. Il résulte, en outre, de l'instruction que le franchisé est tenu de reverser au franchiseur, d'une part, une somme représentant 2 % de son chiffre d'affaires au titre des campagnes promotionnelles, et d'autre part, une somme pouvant aller jusqu'à 3 % de ce chiffre d'affaires au titre des campagnes de publicité nationale, soit un total de 5 %, distinct de la redevance d'enseigne, fixée elle-même à 5 % du chiffre d'affaires. Le franchisé est par ailleurs tenu de consacrer un budget minimum de 10 000 euros HT au titre de la publicité de lancement du restaurant et de consacrer, chaque année, 0,5 % de son chiffre d'affaires pour des actions de communication locale. Le franchisé est également tenu d'utiliser exclusivement les matériels et programmes de publicité et de promotion fournis ou approuvés à l'avance par le franchiseur. Si la SARL Thim fait valoir qu'elle consacre, en pratique, plus de 2 % de son chiffre d'affaires à des actions de publicité locale, elle ne l'établit pas les pièces qu'elle produit et cette circonstance n'est, au demeurant, pas de nature à caractériser une indépendance à l'égard de son franchiseur, compte tenu des obligations qui pèsent par ailleurs sur elle en la matière.

6. Il résulte également de l'instruction que l'immeuble dans lequel est exploité le restaurant de la SARL Thim est pris en location auprès d'une société du groupe Del Arte. L'agencement extérieur comme extérieur de l' établissement est soumis à l'agrément du franchiseur qui procède au choix de l'architecte chargé de la mise en œuvre du concept dans le bâtiment et valide les plans, le franchisé étant seulement libre du choix de l'architecte en charge du suivi opérationnel des travaux. Le mobilier doit aussi provenir de fournisseurs référencés par le franchiseur ou agréés par lui. Le franchisé et son personnel d'encadrement (directeur du restaurant, adjoints et chef de cuisine) sont par ailleurs astreints à une obligation de formation initiale dispensée par le franchiseur et sanctionnée par la remise du " passeport Del Arte " et du manuel opératoire, indispensables à l'ouverture effective du restaurant et dont le défaut d'obtention est susceptible d'entraîner la résiliation unilatérale du contrat de franchise. Le franchisé et son personnel d'encadrement sont également soumis à une obligation de formation continue, tandis que le personnel du restaurant, s'il est librement choisi par le franchisé, doit être formé à partir du matériel de formation fourni par le franchiseur, conformément au manuel opératoire. Le franchisé est par ailleurs tenu d'utiliser, pendant la durée du contrat, un logiciel de caisse spécifique au réseau Del Arte connecté à un logiciel de gestion également spécifique, tous deux donnés en location par le franchiseur, permettant la transmission à ce dernier des données d'achats et de ventes, l'aide à la gestion des achats et des ventes et la fourniture de données comparatives. Le franchisé est également tenu, aux termes du contrat de franchise, de transmettre périodiquement au franchiseur les données financières et fiscales du restaurant. Enfin, le transfert ou la cession du contrat de franchise est subordonné au consentement préalable du franchiseur et la cessation d'activité du franchisé est soumise à des clauses de non-concurrence.

7. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL Thim aurait exploité le restaurant avant la signature du contrat de franchise en 2015, et aurait ainsi développé, dans ce cadre, une clientèle et un savoir-faire propres. Dans ces conditions, tant les termes du contrat de franchise que les modalités de fonctionnement évoquées ci-dessus caractérisent une situation de dépendance de la SARL Thim envers la société SNDA, son franchiseur, au sens du deuxième alinéa du III de cet article. Par suite, c'est à bon droit que l'administration, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne s'est pas fondée sur le seul fait que la SARL Thim était liée à cette société par un contrat de franchise Del Arte, a remis en cause le régime d'exonération d'impôt sur les sociétés prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts sous le bénéfice duquel la SARL Thim s'était placée au cours de la période vérifiée.

8. La SARL Thim n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphe 110 et 140 de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée.

9. Il résulte de ce qui précède que la SARL Thim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Thim est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Thim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01062
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables. - Exonération de certaines entreprises nouvelles (art. 44 bis et suivants du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : HORRIE et ASSOCIES SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;22ly01062 ?
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