Vu 1°) la requête, enregistrée le 16 septembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 11VE03333, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Gueguen-Carroll, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1008705 du 18 juillet 2011 par lequel le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle " 48 SI " en date du 26 octobre 2010 constatant la perte de validité de son permis de conduire à la suite des infractions commises les 23 octobre 2005 (1 point), 4 avril 2006 (2 points), 28 août 2007 (1 point), 10 septembre 2007 (4 points), 14 octobre 2008 (2 points), 19 octobre 2008 (1 point), 27 avril 2010 (2 points) ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration de restituer à M. A les points illégalement retirés ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que la décision " 48 SI " est insuffisamment motivée ; que la réalité desdites infractions n'est pas établie ; que l'employeur de l'intéressé atteste que M. A se trouvait en région parisienne lorsqu'ont été relevées à son encontre des infractions à Montpellier et à Lunel ; qu'il est courant de trouver dans le relevé d'information intégral des mentions erronées ; qu'en outre, M. A a contesté le 12 août 2011 les infractions des 23 octobre 2005 (1 point), 14 octobre 2008 (2 points) et 27 avril 2010 (2 points) ; qu'en application de l'avis Gendron, l'administration doit produire le procès-verbal des infractions des 4 avril 2006 (2 points), 14 octobre 2008 (2 points) et 27 avril 2010 (2 points) qui ont donné lieu à paiement immédiat ; que le requérant n'a pas reçu les décisions " 48 " envoyées par lettre simple ; que les retraits de point violent le principe du " non bis in idem " ;
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Vu 2°) la requête, enregistrée le 17 octobre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 11VE03535, présentée pour M. Mohamed A, demeurant ..., par Me Gueguen-Carroll, avocat ; M. A demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision ministérielle " 48 SI " susvisée ;
Il fait valoir les mêmes moyens que sous la requête n° 11VE03333 et en outre les moyens qu'étant ouvrier paysagiste, il conduit régulièrement des véhicules légers pour les besoins de son employeur ; qu'il a également besoin de son véhicule personnel pour faire les trajets entre son domicile et son lieu de travail ; que par suite la perte de validité de son titre de conduite porte une atteinte grave et immédiate à l'exercice de sa profession ; que la perte de son emploi emporte pour M. A qui a charge de famille et dont l'épouse ne travaille pas un préjudice manifestement irréparable ; que la nature des infractions commises attestent de l'absence de dangerosité de M. A ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :
- le rapport de Mme Corouge, présidente,
- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,
- et les observations de Me Thiel, substituant Me Gueguen-Carroll, pour M. A ;
Considérant que les requêtes nos 11VE03333 et 11VE03535 de M. A sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que, par décision " 48 SI " en date du 26 octobre 2010, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a constaté la perte de validité du permis de conduire de M. A à la suite des infractions commises les 23 octobre 2005 (1 point), 4 avril 2006 (2 points), 28 août 2007 (1 point), 10 septembre 2007 (4 points), 14 octobre 2008 (2 points), 19 octobre 2008 (1 point), 27 avril 2010 (2 points) ;
Sur l'infraction du 19 octobre 2008 (1 point) :
Considérant qu'il ressort des mentions du relevé d'information intégral que le point, retiré le 29 octobre 2008 à la suite de l'infraction pour excès de vitesse du 19 octobre 2008, a été restitué à M. A le 29 octobre 2009 ; que par suite la demande de M. A est, dans cette mesure, devenue sans objet ;
Sur les autres infractions :
Considérant que le principe de non-cumul des peines consacré tant par le droit d'origine interne que par plusieurs conventions internationales ne fait pas obstacle à ce qu'un même agissement puisse donner lieu, dans le respect du principe de proportionnalité appréhendé en fonction des circonstances propres à chaque affaire, au prononcé, non seulement d'une peine principale mais également d'une ou plusieurs peines complémentaires répondant à la prise en compte du particularisme de certains comportements délictueux ; que par suite M. A n'est pas fondé à soutenir que la législation française du permis de conduire à points méconnaît le principe de non-cumul des peines ;
Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévues par les dispositions de l'article L. 223-3 du code de la route, ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ; que cette notification a pour seul objet de rendre ceux-ci opposables à l'intéressé et de faire courir le délai dont il dispose pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que M. A ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ce que les retraits de points litigieux ne lui auraient pas été notifiés avant l'intervention de la décision constatant la perte de validité de son permis de conduire ;
Considérant que la décision " 48 SI " est établie sur des formulaires type qui comportent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chaque retrait de points ; que, par suite, à supposer que M. A n'ait pas reçu les décisions dites " 48 " portant de retrait de points consécutivement à chaque infraction, il s'est vu notifier, par pli recommandé avec accusé de réception, une décision " 48 SI " motivée récapitulant les décisions de retrait de points antérieures ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive " ; qu'il ressort des mentions figurant sur le relevé d'information intégral de M. A qu'à l'exception de l'infraction du 10 septembre 2007 qui a donné lieu à l'émission d'un titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, les cinq infractions restant en litige ont donné lieu au paiement de l'amende forfaitaire ; que, par suite, en l'absence de tout élément sérieux avancé par l'intéressé de nature à mettre en doute l'exactitude de ces mentions, la réalité de ces infractions est, dès lors, établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 du code de la route sauf à ce que l'intéressé établisse avoir contesté les infractions dans les délais impartis par le code de procédure pénale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 529 du code de procédure pénale, " (...) l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire (...) " ; que, lorsque le destinataire d'un avis de contravention choisit d'éteindre l'action publique par le paiement de l'amende forfaitaire, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 223-1 du code de la route que ce paiement établit la réalité de l'infraction et entraîne la réduction de plein droit du nombre de points dont est affecté le permis de conduire de l'intéressé ; que, par suite, celui-ci ne peut utilement soutenir devant le juge administratif, à l'appui de ses conclusions dirigées contre une décision de retrait de points, qu'il n'est pas le véritable auteur de l'infraction ; qu'ainsi qu'il a été dit, s'agissant des infractions des 23 octobre 2005, 14 octobre 2008 et 27 avril 2010, M. A a choisi d'éteindre l'action publique par le paiement de l'amende forfaitaire, respectivement, les 29 décembre 2005, 14 octobre 2008 et 27 avril 2010 ; que par suite M. A ne peut utilement soutenir devant le juge administratif qu'il n'est pas le véritable auteur des infractions en cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 529-1 du code de procédure pénale : " Le montant de l'amende forfaitaire peut être acquitté (...) dans les quarante-cinq jours qui suivent la constatation de l'infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l'intéressé, dans les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi " ; et qu'aux termes de l'article 529-2 du même code : " Dans le délai prévu par l'article précédent, le contrevenant doit s'acquitter du montant de l'amende forfaitaire, à moins qu'il ne formule dans le même délai une requête tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention " ; que, M. A ayant payé l'amende forfaitaire pour les trois infractions susvisées, l'extinction de l'action publique qui résulte de ce paiement fait obstacle à ce que M. A remette en cause la réalité desdites infractions en formant à leur encontre, le 12 août 2011, après l'expiration du délai de quarante-cinq jours imparti par l'article 529-2 précité du code de procédure pénale, une requête en exonération auprès du ministère public du Tribunal d'instance de Montpellier ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions des articles L. 233-3 et R. 223-3 du code de la route que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles susvisés, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tout moyen, qu'elle a satisfait à cette obligation d'information ;
Sur les infractions relevées par radar automatique :
Considérant qu'il résulte des arrêtés pris pour l'application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment de leurs dispositions codifiées à l'article A. 37-8 de ce code dans sa rédaction en vigueur à la date des infractions en litige, que lorsqu'une contravention mentionnée à l'article L. 121-3 du code de la route est constatée par radar automatique, il découle du paiement de l'amende forfaitaire au titre de cette contravention que l'intéressé a nécessairement reçu l'avis de contravention et que cet avis de contravention comporte les informations requises ;
Considérant qu'il résulte de la mention " CNT CSA " pour " centre national de traitement-contrôle des sanctions automatisées ", portée sur le relevé intégral d'information que les infractions des 23 octobre 2005 (1 point) et 28 août 2007 (1 point) ont été constatées par radar automatique ; que, si M. A allègue ne pas avoir reçu les informations requises, il découle du paiement de l'amende forfaitaire par M. A que l'intéressé doit être réputé avoir reçu l'avis de contravention comportant l'ensemble des informations requises ;
Sur les infractions des 10 septembre 2007 (4 points) et 4 avril 2006 (2 points) :
Considérant que le procès-verbal consécutif à l'infraction du 10 septembre 2007 (4 points) porte la mention " le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ", est établi sur un formulaire type conforme aux articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale, comporte les mentions exigées par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route et est signé par M. A ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'information préalable manque en fait ;
Considérant que, sur le procès-verbal de l'infraction commise le 4 avril 2006 (2 points), conforme aux dispositions des articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale, il est expressément indiqué que M. A a refusé de contresigner la mention : " Le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention ", sans qu'il y ait fait figurer de réserve sur les modalités de délivrance de l'information ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme établi que M. A a pris connaissance, sans élever d'objection, du contenu de l'avis de contravention et que cet avis comportant les informations requises lui a été remis ;
Sur les infractions des 14 octobre 2008 (2 points) et 27 avril 2010 (2 points) :
Considérant que, lorsqu'une contravention soumise à la procédure de l'amende forfaitaire donne lieu au paiement immédiat de l'amende entre les mains de l'agent verbalisateur, le contrevenant se voit remettre, en application de l'article R. 49-2 du même code, une quittance de paiement ; que si le modèle de cette quittance comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui doit être regardée comme ayant été délivrée préalablement au paiement de l'amende dès lors que le contrevenant conserve la faculté de renoncer à la modalité du paiement immédiat de l'amende avant de procéder à la signature de la quittance ou, le cas échéant, d'inscrire sur celle-ci une réserve sur les modalités selon lesquelles l'information lui avait été délivrée, il incombe toutefois à l'administration d'apporter la preuve, par la production de la souche de la quittance dépourvue de réserve sur la délivrance de l'information, que celle-ci est bien intervenue préalablement au paiement ; que par suite, la mention, au système national des permis de conduire, du paiement immédiat de l'amende forfaitaire au titre d'une infraction relevée avec interception du véhicule n'est pas, à elle seule, de nature à établir que le titulaire du permis a été destinataire de l'information requise ;
Considérant que, pour les infractions des 14 octobre 2008 (2 points) et 27 avril 2010 (2 points), M. A s'est acquitté le jour même de l'amende forfaitaire correspondante ; que par suite il ne peut tenu pour établi que lesdites infractions n'auraient pas donné lieu au paiement immédiat de l'amende entre les mains de l'agent verbalisateur ; que, faute pour l'administration de produire soit le procès-verbal d'infraction, soit la souche de la quittance, la seule mention au relevé d'information intégral du paiement de l'amende forfaitaire le jour de l'infraction n'est donc pas, à elle seule, de nature à établir que le titulaire du permis a été destinataire de l'information requise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle " 48 SI " en date du 26 octobre 2010 en tant qu'elle emporte retrait de 2 et 2 points à la suite des infractions des 14 octobre 2008 et 27 avril 2010 et invalidation de son permis de conduire ; que, par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre à l'administration de restituer à M. A les points illégalement retirés dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur la requête n° 11VE03535 :
Considérant que, par le présent arrêt, la Cour se prononce au fond sur la demande présentée par M. A sous le n° 11VE03333 ; que, par suite, ses conclusions présentées sous le n° 11VE03535 tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision " 48 SI " du 26 octobre 2010 sont devenues sans objet ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A dirigées contre la décision portant retrait de 1 point à la suite de l'infraction du 19 octobre 2008.
Article 2 : La décision ministérielle " 48 SI " en date du 26 octobre 2010, en tant qu'elle emporte retrait de 2 et 2 points à la suite des infractions des 14 octobre 2008 et 27 avril 2010 et constate l'invalidité du permis de conduire de M. A, est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réaffecter au capital de points du permis de conduire de M. A les points mentionnés à l'article 2 ci-dessus dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement n° 1008705 du 18 juillet 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er, 2 et 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 11VE03535 de M. A.
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Nos 11VE03333-11VE03535