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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY02070

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY02070


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... divorcée C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble-Alpes à lui verser la somme de 1 501 405,25 euros, portée dans le dernier état de ses écritures à 11 140 473,34 euros, en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge dans cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère représentée par la CPAM du Rhône a conclu à ce qu

e le CHU de Grenoble soit condamné à lui verser la somme de 595 733,27 euros, ramenée dans le dernier é...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... divorcée C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) Grenoble-Alpes à lui verser la somme de 1 501 405,25 euros, portée dans le dernier état de ses écritures à 11 140 473,34 euros, en réparation de préjudices consécutifs à une prise en charge dans cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère représentée par la CPAM du Rhône a conclu à ce que le CHU de Grenoble soit condamné à lui verser la somme de 595 733,27 euros, ramenée dans le dernier état de ses écritures à 494 468,76 euros, au titre de ses débours, outre l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement avant-dire droit n° 1706955 du 23 décembre 2019, le tribunal a retenu la responsabilité du CHU Grenoble-Alpes et mis en demeure Mme C... de produire des pièces nécessaires à l'évaluation de ses préjudices.

Par un jugement avant-dire droit n° 1706955 du 9 juin 2020, le tribunal a diligenté une expertise médicale complémentaire afin d'éclairer la question d'une aggravation de l'état de santé de Mme C....

Par un jugement n° 1706955 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le CHU Grenoble-Alpes à verser, d'une part, à Mme C... une somme de 889 140 euros outre intérêts au taux légal et capitalisation, une rente trimestrielle viagère de 18 615 euros revalorisée par application des coefficients de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et une rente trimestrielle de 1 642,75 euros à verser jusqu'au 62ème anniversaire, revalorisée par application des mêmes coefficients et, d'autre part, à la CPAM du Rhône une somme de 280 961,46 euros, outre le remboursement de débours sur justificatifs et l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 19 juin 2023 ensemble un mémoire ampliatif enregistré le 25 septembre 2023 et des mémoires complémentaires enregistrés les 18 octobre 2023 et 4 décembre 2023, le CHU Grenoble-Alpes, représenté par le Cabinet Le Prado - Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler les jugements n° 1706955 des 23 décembre 2019, 9 juin 2020 et 18 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme C... et de la CPAM du Rhône.

Le CHU Grenoble-Alpes soutient que :

- les trois jugements sont insuffisamment motivés ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu une faute médicale dans l'indication d'embolisation de l'anévrisme cérébral, qui était conforme aux données acquises de la science et à l'état de la patiente compte tenu du risque hémorragique ;

- subsidiairement, c'est à tort que le tribunal a retenu que tous les préjudices invoqués se rapportent à cette faute, alors qu'ils se rattachent au moins pour partie à l'état antérieur et que le lien de causalité avec l'embolisation n'est en réalité pas établi ;

- très subsidiairement, le lien entre l'aggravation et l'embolisation ne peut être retenu qu'à hauteur de 50 % ainsi que l'a indiqué l'expertise diligentée avant-dire droit ;

- en tant que de besoin, une expertise, notamment psychiatrique, devrait être diligentée pour évaluer les préjudices et leur lien de causalité avec la faute ;

- les préjudices ont été évalués de façon excessive par le tribunal, spécialement concernant le préjudice d'assistance par une tierce personne, les pertes de revenus, le déficit fonctionnel temporaire puis permanent, les souffrances endurées et le préjudice esthétique temporaire puis permanent ;

- les majorations d'indemnisation sollicitées par Mme C... ne sont pas justifiées ;

- les fins de non-recevoir invoquées par Mme C... ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 juin 2023, 18 octobre 2023 et 15 novembre 2023, Mme A... C..., représentée dans le dernier état de ses écritures par Me Lorin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que le CHU Grenoble-Alpes soit condamné à lui verser la somme de 11 246 722,20 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017 avec capitalisation au 4 septembre 2018,

3°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du CHU Grenoble-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- la requête est tardive en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, en particulier s'agissant du jugement du 23 décembre 2019 ;

- la requête sommaire n'est pas motivée en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et le CHU ne pouvait déposer une requête sommaire ;

- le CHU n'est pas recevable à contester pour la première fois en appel le principe de sa responsabilité, a fortiori s'agissant d'un jugement avant-dire droit ;

- le fait de contester le principe de la responsabilité plus de trois ans après le jugement qui l'a retenu méconnait le droit d'accès au juge ;

- le CHU ne pouvait contester les trois jugements dans une même requête ;

- en tout état de cause les moyens invoqués par le CHU ne sont pas fondés ;

- à titre incident, les montants alloués par le tribunal doivent être majorés en ce qui concerne le besoin d'assistance par une tierce personne, la perte de gains professionnels, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire puis permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire puis permanent, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel ;

- il y a lieu de réserver la question des dépenses de santé susceptibles de rester à charge, les frais d'aménagement du logement et les frais d'aménagement du véhicule ;

- l'expertise sollicitée par le CHU n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2023, la CPAM du Rhône, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du CHU Grenoble-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM du Rhône soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu une faute médicale ;

- ses débours ont été régulièrement pris en compte par le tribunal.

Par ordonnance du 18 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 16h30. Par ordonnance du 14 décembre 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 15 janvier 2024 à 16h30.

Par courrier du 14 mai 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrégularité des trois jugements en raison de la composition irrégulière de la formation de jugement, le juge des référés provision, qui a pris position par deux fois sur l'affaire, ayant présidé les formations de jugement et la rapporteure publique, qui a pris position publiquement sur l'affaire à l'occasion des deux premiers jugements, étant en outre devenue rapporteure du troisième jugement.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public, présentées pour Mme C..., ont été enregistrées les 15 et 16 mai 2024.

Mme C... ne conteste pas l'irrégularité des jugements mais fait valoir qu'elle est sans incidence sur le fond du litige et invite la cour, si elle ne faisait pas droit à ses fins de non-recevoir, à statuer dans les meilleurs délais en évoquant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale, ensemble l'arrêté du 15 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lorin, représentant Mme C....

Une note en délibéré, présentée pour Mme C..., a été enregistrée le 18 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 6 juillet 1973, a été prise en charge au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, initialement à la suite d'un malaise dans un contexte migraineux, sur un diagnostic d'anévrisme carotido-ophtalmique droit. Le 7 février 2011, elle a fait l'objet d'une opération d'embolisation. Les suites ont été compliquées par l'installation progressive d'une hémiparésie gauche. Par un premier jugement avant-dire droit du 23 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a retenu la responsabilité du CHU Grenoble-Alpes et diligenté une mesure d'instruction pour le chiffrage des préjudices. Par un second jugement avant-dire droit du 9 juin 2020, le tribunal a diligenté une expertise médicale complémentaire afin d'éclairer la question d'une aggravation de l'état de santé de Mme C.... Enfin, par un jugement du 18 avril 2023, le tribunal a condamné le CHU Grenoble-Alpes à indemniser Mme C... et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône. Le CHU Grenoble-Alpes interjette appel de ces trois jugements en contestant le principe de la responsabilité et subsidiairement l'évaluation des préjudices. Par la voie de l'appel incident, Mme C... et la CPAM du Rhône demandent la majoration des montants qui leur ont été alloués.

Sur la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 811-6 du même code : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction que le jugement du 18 avril 2023 qui règle définitivement le litige a été notifié au CHU Grenoble-Alpes par l'application Télérecours. Le courrier de notification a été mis à sa disposition le 18 avril 2023 à 15h57 et a été effectivement consulté le 19 avril à 8h27. Le jugement a ainsi été notifié le 19 avril 2023. Par voie de conséquence, la requête d'appel du CHU Grenoble-Alpes, enregistrée le 19 juin 2023 à 10h24 sur l'application Télérecours, n'est pas tardive. En application des dispositions de l'article R. 811-6 du code de justice administrative, le CHU Grenoble-Alpes était ainsi recevable à faire appel, sans tardiveté, non seulement du jugement du 18 avril 2023, mais également des deux jugements avant-dire droit des 23 décembre 2019 et 9 juin 2020, peu important que le jugement avant-dire droit du 23 décembre 2019, décidant une mesure d'instruction, ait en outre tranché une question au principal.

4. D'autre part, contrairement à ce que soutient Mme C..., les dispositions de l'article R. 811-6 du code de justice administrative, qui permettent à une partie qui souhaite contester un jugement avant-dire droit d'apprécier si elle entend en faire appel immédiatement ou si elle entend le contester une fois l'ensemble du litige réglé par les premiers juges, ne constitue pas, compte tenu de l'intérêt qui peut s'attacher à un règlement d'ensemble du litige en appel, une atteinte au droit au procès équitable ni en tout état de cause une méconnaissance du droit d'accès à un juge.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance (...) ". Le CHU Grenoble-Alpes est dès lors recevable à contester devant la cour le principe de la responsabilité, qui constitue le fondement nécessaire du jugement de condamnation indemnitaire dont il fait appel, alors même qu'il n'aurait pas contesté sa responsabilité en première instance. Contrairement à ce que soutient Mme C..., cette contestation du principe de la responsabilité ne peut être regardée comme constituant, de la part du CHU, des conclusions nouvelles en appel qui seraient irrecevables, alors qu'il s'agit d'un moyen régulièrement invoqué à l'appui de conclusions d'appel pleinement recevables visant à la contestation du jugement en tant qu'il fait grief au CHU. Contrairement à ce que soutient Mme C..., la circonstance que le principe de la responsabilité ait été retenu par le tribunal dans le jugement avant-dire droit du 23 décembre 2019 est sans incidence sur la possibilité pour le CHU de le contester devant la cour dans le cadre de l'appel qu'il a régulièrement formé contre ce jugement.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ". Aux termes de l'article R. 612-5 du même code : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi (...), il est réputé s'être désisté ".

7. Le CHU Grenoble-Alpes a saisi la cour par une requête sommaire qui énonce les conclusions d'appel et expose, de façon succincte mais compréhensible, des faits et moyens, peu important que le CHU n'ait pas repris l'intégralité des moyens et arguments exposés en première instance. Par ailleurs, le CHU Grenoble-Alpes a été mis en demeure par courrier du 26 juillet 2023, effectivement notifié par l'application Télérecours le jour même à 12h06, de produire le mémoire complémentaire annoncé dans un délai de deux mois, qui est un délai franc. Un mémoire ampliatif a été régulièrement enregistré le 25 septembre 2023, dans le délai imparti, et il complète utilement la requête sommaire. Les moyens tirés du défaut de motivation de la requête et de l'irrégularité du complément de la requête sommaire doivent, en conséquence, être écartés.

8. En quatrième lieu, dès lors que les conclusions formées par le CHU Grenoble-Alpes contre les trois jugements rendus par le tribunal pour régler la même instance, présentent entre elles un lien suffisant, le CHU est recevable à présenter ces conclusions dans le cadre d'une même requête. Mme C... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable au seul motif que le CHU n'a pas formé une requête distincte contre chacun des trois jugements.

Sur la régularité des jugements :

9. Par deux ordonnances des 18 juin 2018 et 30 décembre 2021, le juge du référé provision a estimé non sérieusement contestable la responsabilité du CHU Grenoble-Alpes et a octroyé à Mme C... des provisions à hauteur des montants respectifs de 200 000 euros et 300 000 euros, prenant ainsi position expressément sur le fond du litige. Les trois jugements en litige dans la présente instance ont été rendus par une formation de jugement présidée par le même magistrat qui avait statué comme juge des référés. En outre, la rapporteure publique sur les deux premiers jugements avant-dire droit, qui a dès lors pris publiquement position sur le fond du litige, a statué sur le troisième jugement comme rapporteure. Les trois jugements sont, ainsi, entachés d'irrégularité et doivent en conséquence être annulés.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le litige.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal, que l'anévrisme carotido-ophtalmique droit dont était affectée Mme C... a été diagnostiqué en 1988. Il est décrit comme petit, mesuré à 2,9 mm de collet, 3,5 mm de profondeur et 3,1 mm de diamètre. Il est enfin regardé comme stable, cet anévrisme étant analysé comme non évolutif, sans irrégularité de paroi, stable en taille et à faible risque de saignement. Les céphalées anciennes, marquées et récurrentes ainsi que le malaise qui a initialement conduit à la prise en charge hospitalière de Mme C... ne sont pas en lien direct avec cet anévrisme, stable et non compliqué. L'expert, s'appuyant sur les analyses d'un sapiteur, souligne que, si un risque de rupture de cet anévrisme ne pouvait être définitivement exclu, il demeurait très limité, le risque de rupture étant évalué à un taux faible, de l'ordre de 0,7 %. En réponse à un dire, l'expertise relève en outre que dans l'hypothèse même d'une rupture, compte tenu de la taille très limitée de l'anévrisme, le risque de séquelles était lui-même minime. En revanche, l'expertise souligne que, compte tenu notamment d'un rapport dôme/collet peu favorable, le traitement endovasculaire de l'anévrisme était au cas particulier délicat et présentait un risque de complication sensiblement supérieur au risque attaché à l'absence d'intervention, de telle sorte que le rapport bénéfice/risque de l'intervention était défavorable. L'expert relève d'ailleurs que l'état de la science au moment de l'indication opératoire ne recommandait pas une intervention dans la configuration en cause, une simple surveillance apparaissant plus adaptée. Les séquelles en litige sont liées à un accident ischémique consécutif à l'intervention d'embolisation, qui est un risque connu de celle-ci. Compte tenu de ces éléments, le centre hospitalier, en engageant une intervention d'embolisation dont la nécessité immédiate n'était pas établie et qui présentait un risque supérieur à l'absence d'intervention, a fait courir un risque injustifié à sa patiente. Ce faisant, le centre hospitalier a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité.

13. En second lieu, il résulte de l'expertise précitée diligentée par le juge des référés du tribunal qu'indépendamment de l'anévrisme qui a été évoqué, Mme C... présentait un état antérieur sérieux, marqué notamment par une paraplégie inexpliquée en 1987 et une paralysie faciale droite en 2010, dans un contexte de migraines ophtalmiques importantes et chroniques depuis au moins 1988. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise complémentaire diligentée avant-dire droit par le tribunal que, si l'état de Mme C... a connu une aggravation, celle-ci n'est liée que partiellement à la faute médicale qui vient d'être exposée. L'expert relève également l'épisode de paraplégie transitoire vers l'âge de 14 ans, outre des céphalées importantes sans lien avec l'anévrisme, qui révèlent une pathologie préexistante. L'expert conclut, sans que son analyse ne soit sérieusement critiquée, que l'aggravation en cause, qui apparait ainsi résulter d'une combinaison de facteurs dont seule une partie procède de la faute médicale, ne peut en conséquence être rattachée à cette faute que dans une proportion qu'il évalue à 50 %. La responsabilité du centre hospitalier n'est dès lors engagée, à raison des préjudices correspondant à cette aggravation, que dans la limite de cette proportion de 50 %, qui correspond aux seuls préjudices en lien direct avec la faute et dont le CHU est entièrement responsable.

Sur les préjudices :

14. L'expert désigné par le juge des référés du tribunal avait retenu une consolidation au 1er mars 2014, avec un déficit fonctionnel qualifié à ce stade de permanent de 30 %, lié en particulier à des séquelles hémiparétiques du côté gauche. L'expert désigné à la suite du jugement avant-dire droit du 9 juin 2020 a toutefois constaté une aggravation de l'état de Mme C..., se marquant notamment par un déclin cognitif et neurologique sur un fond anxio-dépressif qui en constitue la cause déterminante. La consolidation doit ainsi être reportée au 18 octobre 2017, le déficit fonctionnel étant porté à 80 % et seule la moitié de cette aggravation, qui correspond à un déficit fonctionnel de 25 %, étant liée à la faute médicale.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

15. En premier lieu, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il résulte de la première expertise que Mme C... a été victime d'un déficit fonctionnel temporaire partiel, au taux de 50 % du 16 au 22 février 2011, d'un déficit fonctionnel temporaire total du 23 février au 6 mai 2011 et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 40 % du 7 mai 2011 au 28 février 2014, et au taux de 30 % du 1er mars 2014 au 20 février 2016, date du rapport, ce dernier taux, alors rattaché à un déficit fonctionnel permanent, devant être regardé comme correspondant à un déficit fonctionnel temporaire compte tenu du report de la date de consolidation au 18 octobre 2017. Il résulte par ailleurs de la seconde expertise que, postérieurement au premier rapport, dans le cadre de l'aggravation progressive de son état, Mme C... a été victime, d'une part, d'un déficit fonctionnel temporaire au taux de 30 % jusqu'au 16 mai 2016, au taux de 45 % du 11 juin au 31 août 2016, au taux de 66 % du 1er septembre au 29 novembre 2016, du 7 décembre 2016 au 4 février 2017, du 7 février au 1er mai 2017, du 3 mai au 21 juin 2017 et du 24 au 27 juin 2017 et, enfin, au taux de 70 % du 30 juin au 24 août 2017 et du 27 août au 17 octobre 2017, et, d'autre part, de plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire total, du 17 mai au 10 juin 2016, du 30 novembre au 6 décembre 2016, du 5 au 6 février 2017, le 2 mai 2017, du 22 au 23 juin 2017, du 28 au 29 juin 2017 et du 25 au 26 août 2017. Pour la période postérieure au premier rapport d'expertise, les majorations du déficit fonctionnel temporaire au-delà de 30 % ne sont imputables que pour moitié. En retenant une valorisation du déficit fonctionnel temporaire de l'ordre de 500 euros par mois, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, compte tenu des données qui viennent d'être exposées, en l'évaluant à hauteur d'une somme de 16 500 euros.

16. En deuxième lieu, il résulte de la seconde expertise que Mme C..., née le 6 juillet 1973 et ainsi âgée de 44 ans au 18 octobre 2017, date de consolidation, est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 80 %, entièrement imputable à hauteur d'un déficit fonctionnel permanent de 30 % et imputable à moitié pour le surplus, ce qui équivaut à un déficit fonctionnel permanent imputable de 55 %. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à hauteur d'une somme de 150 000 euros.

17. En troisième lieu, s'agissant des souffrances endurées, le premier expert les évaluait à 4/7, le second expert ayant pour sa part relevé une majoration à 5,5/7 dans le cadre de l'aggravation de l'état de la patiente, cette majoration n'étant imputable à la faute médicale que pour moitié. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à hauteur d'une somme de 13 500 euros.

18. En quatrième lieu, s'agissant du préjudice esthétique, le premier expert l'évaluait entre 2,5 et 3/7, pour une période antérieure à la consolidation, le second expert ayant porté le taux temporaire à 4/7 et évalué le taux permanent à 4/7. Cette majoration dans le cadre de l'aggravation de l'état de Mme C... n'est imputable qu'à hauteur de la moitié. Il sera en l'espèce fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire en l'évaluant à hauteur d'une somme de 5 000 euros et du préjudice esthétique permanent en l'évaluant à hauteur d'une somme de 5 000 euros.

19. En cinquième lieu, s'agissant du préjudice d'agrément, les deux experts ont de façon concordante relevé la perte de la possibilité de continuer à pratiquer des activités sportives, en citant l'équitation, le premier expert ayant en outre mentionné la " moto ". Il sera fait en l'espèce une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à hauteur d'une somme de 6 000 euros.

20. En sixième lieu, s'agissant du préjudice sexuel, le premier expert n'a constaté aucune incidence de la faute sur la libido ou la capacité physique, seul le second expert, dans le cadre de l'analyse de l'aggravation de l'état de Mme C..., ayant relevé un certain retentissement. Cette aggravation n'est ainsi imputable qu'à hauteur de la moitié. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en retenant le montant imputable de 4 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

21. En premier lieu, en ce qui concerne les dépenses de santé, il ressort de l'état des débours produit par la caisse et non contesté qu'elle a tout d'abord pris en charge, dans le cadre des conséquences initiales de la faute et au titre des frais hospitaliers, des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais de transports médicaux, une somme totale de 50 869,29 euros. Ensuite, la caisse a également pris en charge, dans le cadre de l'aggravation et au titre des frais hospitaliers, une somme totale de 19 935,22 euros. Ce dernier montant n'est toutefois lié à la faute qu'à hauteur de la moitié, soit une somme en lien de 9 967,61 euros. Enfin, Mme C... ne fait valoir aucun montant qui serait resté à sa charge. Mme C... demande que le poste des dépenses de santé soit réservé dans l'hypothèse où elle pourrait identifier une dépense qui serait restée à sa charge. La faute remonte toutefois à 2011 et son état est consolidé depuis le 18 octobre 2017, soit plus de six ans à la date du présent arrêt. La caisse évoque par ailleurs une prise en charge des dépenses de santé à hauteur de 100 % au titre des affections de longue durée (ALD). Enfin, les droits de la Caisse ne peuvent être évalués indépendamment de l'évaluation des droits de la victime. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que ce poste, qui peut être pleinement apprécié au vu des deux expertises judiciaires qui ont été diligentées, devrait être réservé. Les dépenses de santé échues en lien avec la faute s'élèvent ainsi à 60 836,90 euros, ce montant ayant entièrement pris en charge par la caisse.

22. La caisse fait par ailleurs valoir que, compte tenu de l'aggravation de l'état de Mme C..., son état appellera une prise en charge future correspondant à des frais médicaux et pharmaceutiques, à des frais d'examens complémentaires, à des frais de kinésithérapie et à des frais de petit matériel, de fournitures diverses et d'appareillage, pour un montant annuel, suffisamment établi et d'ailleurs non contesté, de 10 120,79 euros. Les frais résultant de la prise en charge de l'aggravation n'étant en lien avec la faute que dans la limite de la moitié, seule la somme de frais futurs annuels de 5 060,40 euros peut être retenue. En l'absence d'accord du centre hospitalier responsable pour une capitalisation, ces frais doivent être mis à sa charge sous forme d'une rente, à verser annuellement à terme échu, d'un montant annuel de 5 060,40 euros, revalorisé par application du coefficient prévu par l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. De même que pour les frais échus, il ne résulte pas de l'instruction qu'il y aurait lieu de réserver le poste des dépenses de santé en ce qui concerne divers matériels et appareillages, que la caisse indique prendre en charge et pour lesquels Mme C..., au bout de plusieurs années et après en outre deux expertises, ne produit aucun élément de nature à laisser supposer que des montants devraient rester à sa charge, sans préjudice de la possibilité pour Mme C... de faire valoir ses droits dans l'hypothèse d'une nouvelle aggravation postérieure au présent arrêt.

23. En deuxième lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, en prenant en compte, sous la forme d'une année portée à 412 jours, les majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

24. En l'espèce, en ce qui concerne le besoin d'aide par une tierce personne, le premier expert l'a évalué à hauteur d'une durée moyenne de 1h30 par jour durant la période allant jusqu'au 1er mars 2014, puis à hauteur de 3h par semaine postérieurement à cette date, soit de l'ordre d'une demi-heure par jour. Le second expert a estimé que l'aggravation de l'état de Mme C... nécessiterait une assistance constante, voire ce qu'il qualifie " d'institutionnalisation ", seule la moitié de l'aggravation étant imputable. Toutefois, l'instruction ne corrobore pas la nécessité d'une assistance de nuit, que le taux de déficit fonctionnel retenu et la description de l'état de la patiente ne caractérisent d'ailleurs pas. Eu égard au volume horaire nécessité en l'absence de besoin établi d'une surveillance constante et compte tenu de l'imputabilité de l'aggravation à la faute dans la limite de 50 %, seule une durée moyenne d'assistance de six heures par jour doit dès lors être regardée en l'espèce comme imputable à la faute, à compter du 1er septembre 2016. Eu égard à la nature de l'assistance requise, il y a lieu de retenir qu'elle correspond, pour une année de 412 jours, à un taux horaire moyen de 13,20 euros pour la période 2011-2014, à un taux horaire moyen de 13,50 euros pour la période 2014-2016, à un taux horaire moyen de 16 euros pour la période allant de 2016 à la date du présent arrêt, et à un taux horaire de 18 euros à cette dernière date.

25. Pour la période allant du 7 février 2011 au 28 février 2014, soit 1 117 jours, dont il y a lieu de déduire 213 jours d'hospitalisation, le montant échu s'élève, compte tenu du taux horaire précité de 13,20 euros sur une année de 412 jours, ce qui correspond à un taux horaire de 14,90 euros pour une année de 365 jours, ainsi que de la durée moyenne journalière d'une heure et demie qui a été indiquée, à hauteur d'une somme de 20 204,40 euros. Pour la période allant du 1er mars 2014 au 31 août 2016, soit 914 jours, dont il y a lieu de déduire 26 jours d'hospitalisation, le montant échu s'élève, compte tenu du taux horaire précité de 13,50 euros sur une année de 412 jours, ce qui correspond à un taux horaire de 15,24 euros pour une année de 365 jours, ainsi que de la durée journalière moyenne d'une demi-heure qui a été indiquée, à hauteur d'une somme de 6 766,56 euros. Pour la période allant du 1er septembre 2016 à la date du présent arrêt, soit 2 858 jours, dont il y a lieu de déduire 15 jours d'hospitalisation, le montant échu s'élève, compte tenu du taux horaire précité de 16 euros sur une année de 412 jours, ce qui correspond à un taux horaire de 18,06 euros pour une année de 365 jours, ainsi que de la durée journalière moyenne de six heures qui a été indiquée, à hauteur d'une somme de 308 067,48 euros. Le montant total échu à la date du présent arrêt est ainsi de 335 038,44 euros.

26. Il y a toutefois lieu de déduire des montants échus liés au besoin d'assistance par une tierce personne les sommes que Mme C... a pu percevoir et qui ont pour objet de couvrir ce besoin. Il résulte tout d'abord de l'instruction et notamment de l'état des débours du 31 décembre 2022 produit par la caisse en appel que Mme C... a perçu, au titre de la majoration pour tierce personne de sa pension d'invalidité, une somme totale de 70 556,28 euros. Le montant annuel de cette majoration, qui continue à être versée, a par ailleurs été revalorisé à 14 310,72 euros au 24 janvier 2023, de telle sorte que Mme C... a perçu, à la date du présent arrêt, une somme totale versée par la caisse de 99 177,72 euros. Cette majoration, liée à l'aggravation de l'état de santé de Mme C..., ne doit toutefois être retenue que dans la limite de 50 %, soit 49 588,86 euros, dès lors que le besoin d'assistance n'est lui-même en lien avec la faute médicale que dans cette limite et que les sommes versées, qui ont vocation à couvrir l'entier besoin, ne se rapportent donc à la conséquence de la faute que dans cette proportion. Il résulte ensuite de l'instruction que Mme C... a également perçu de la part du département de l'Isère la prestation de compensation du handicap. Le montant, non contesté, échu au 18 avril 2023 est de 76 379,87 euros. Compte tenu d'un montant mensuel non contesté de 913,94 euros, le montant total échu à la date du présent arrêt, en tenant compte de la période supplémentaire de versement de quinze mois allant du 18 avril 2023 au présent arrêt, est ainsi de 90 079,97 euros. De même que pour la majoration précitée, ces versements, liés à l'aggravation, ne doivent être retenus que dans la limite de la moitié, soit 45 039,99 euros. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme C... a, antérieurement à l'indemnisation de son préjudice par le tribunal, bénéficié du crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts à raison des sommes versées en rémunération des services à la personne. Le montant, non contesté, perçu au titre de ce crédit d'impôt s'élève à 8 579 euros. De même que pour les montants précités, celui-ci ne doit être retenu que dans la proportion de la moitié, soit 4 289,50 euros. Il résulte des éléments qui viennent d'être exposés que Mme C... a bénéficié de la prise en charge du préjudice échu d'assistance par une tierce personne en lien avec la faute à hauteur du montant total de 98 918,35 euros. Le montant échu resté à sa charge est ainsi de 236 120,09 euros.

27. S'agissant par ailleurs du préjudice futur, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondant à l'indemnisation qui lui est due.

28. Ainsi qu'il a été exposé dans les points qui précédent, à la date du présent arrêt le besoin d'assistance par une tierce personne de Mme C... s'élève à 6 heures par jour, au taux horaire de 18 euros pour une année de 412 jours, ce qui correspond à 20,32 euros pour une année de 365 jours. Le coût correspondant au besoin futur d'assistance par une tierce personne de Mme C... doit, dès lors, être évalué à une somme annuelle de 44 500,80 euros. Elle bénéficie toutefois, d'une part, d'une majoration pour tierce personne de sa pension d'invalidité pour un montant annuel de 14 310,72 euros et, d'autre part, de la prestation de compensation du handicap pour un montant mensuel de 913,94 euros, soit un montant annuel de 10 967,28 euros, cette majoration et cette prestation ne devant toutefois être retenues que dans la limite de la moitié, soit des montants annuels respectifs de 7 155,36 euros et 5 483,64 euros. Le montant annuel futur devant rester à charge est ainsi de 31 861,80 euros. Ce montant devra être revalorisé par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Il en résulte que Mme C... devra, au titre de son préjudice futur d'assistance par une tierce personne, bénéficier du versement d'une rente trimestrielle de 7 965,45 euros, ce montant étant revalorisé ainsi qu'il vient d'être indiqué. Devront être déduits de ce montant, au prorata journalier, d'une part, les périodes éventuelles d'hospitalisation et, d'autre part, les périodes éventuelles de prise en charge dans une institution spécialisée. Il appartiendra à Mme C..., pour les besoins de la liquidation et du versement de la rente trimestrielle qui vient d'être définie, de fournir tous éléments permettant d'identifier les jours d'hospitalisation ou de prise en charge par une institution. En l'absence de toute hospitalisation et de toute prise en charge, il lui appartiendra d'en attester sur l'honneur, cette attestation devant être regardée comme suffisante en l'absence d'éléments en sens contraire, et au surplus de fournir tout élément justificatif dont elle pourrait le cas échéant disposer. Les montants futurs seront versés en début de trimestre, à hauteur de la somme totale, la déduction des jours éventuels d'hospitalisation ou de prise en charge pouvant s'effectuer ultérieurement et au plus tard au titre d'un des deux trimestres suivants. Par ailleurs, la prise en charge par une institution spécialisée étant, à la date du présent arrêt, purement éventuelle, la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant de calculer un éventuel montant resté à charge. Il appartiendra à Mme C..., si cette hypothèse se réalisait et qu'elle avait à prendre à charge une fraction résiduelle du coût de sa prise en charge dans une telle institution, de demander une indemnisation complémentaire à ce titre.

29. En troisième lieu, s'agissant du préjudice professionnel, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal que Mme C..., qui exerçait l'activité d'agent commercial en contrat à durée indéterminée chez un concessionnaire automobile a pu conserver cette activité, sous réserve d'une réduction d'activité l'amenant à travailler à temps partiel à 80 %. Si elle a été licenciée en novembre 2015, il ne résulte pas de l'analyse médicale de l'expert que son état de santé ne lui aurait pas permis de conserver cette activité et le licenciement ne peut être regardé comme la conséquence nécessaire de la faute médicale. En revanche, il résulte de la seconde expertise diligentée avant-dire droit par le tribunal, que l'aggravation de son état ne lui permettrait pas de reprendre son activité et ne la met pas en mesure d'espérer retrouver une activité dans les conditions usuelles. La perte de revenus liée à l'aggravation n'est toutefois imputable à la faute médicale que dans la limite de la moitié, l'arrêt de l'activité étant en effet lié pour moitié à des causes étrangères à la faute, ainsi qu'il a été exposé. Mme C... doit, ainsi, être regardée comme ayant subi une perte de revenus en lien avec la faute médicale de 20 % de la date de la faute médicale jusqu'à l'aggravation de son état, puis de 50 % à compter de cette dernière date et jusqu'à la date prévisible à laquelle elle serait partie à la retraite. Mme C... a en outre subi un préjudice d'incidence professionnelle, du fait de la pénibilité accrue de son activité ainsi que de la réduction de ses perspectives d'évolution professionnelle.

30. S'agissant, d'une part, de la perte initiale de revenus avant l'aggravation de l'état de Mme C..., dont il a été indiqué qu'elle est caractérisée par une majoration sensible du déficit fonctionnel à partir du 1er septembre 2016, il ressort des bulletins de paie qu'elle a produits, et notamment des indications récapitulatives contenues dans le bulletin de décembre 2010, qu'elle a perçu pour cette année, qui précède l'intervention chirurgicale litigieuse, un montant annuel total net de salaires de 20 249,22 euros, soit un montant mensuel net moyen de 1 687,44 euros. Contrairement à ce que Mme C... soutient, les bulletins de paie qu'elle produit ne corroborent par ailleurs pas ses affirmations selon lesquelles sa rémunération aurait été systématiquement augmentée au fil des années et aucun taux automatique de revalorisation ne peut ainsi être identifié. La perte de revenus doit, dans ces conditions, être calculée sur la base du montant mensuel qui vient d'être indiqué. Il résulte de l'instruction que 67 mois se sont écoulés de février 2011, mois au début duquel a été réalisée l'intervention litigieuse, jusqu'à août 2016 inclus. Compte tenu du taux de perte de 20 % qui a été exposé, la perte de revenus subie par Mme C... en lien avec la faute durant cette période qui précède l'aggravation de son état s'élève ainsi à 22 611,70 euros. S'agissant, d'autre part, de la perte de revenus postérieure à l'aggravation de l'état de Mme C... il résulte de l'instruction que 93 mois se sont écoulés de septembre 2016 jusqu'à la date du présent arrêt. Compte tenu du taux de perte de 50 % qui a été exposé, la perte de revenus subie par Mme C... en lien avec la faute durant cette période s'élève ainsi à 78 465,96 euros. Le total échu de pertes de revenus est, ainsi, de 101 077,66 euros.

31. Il y a toutefois lieu de déduire des montants échus liés aux pertes de revenus les sommes que Mme C... a pu percevoir et qui ont pour objet de couvrir ce préjudice. Il résulte tout d'abord de l'état des débours produit en appel par la Caisse qu'elle a versé des indemnités journalières à Mme C..., du fait des interruptions d'activité liées à la faute médicale, pour un montant total de 40 601,72 euros au titre de la période antérieure à l'aggravation et pour un montant total de 3 916,08 euros au titre de la période postérieure à l'aggravation, ce dernier ne devant être pris en compte que dans la limite de la moitié, soit un montant total de 42 559,76 euros. Il résulte ensuite du même état des débours que Mme C... a bénéficié du versement d'une pension d'invalidité, hors majoration pour tierce personne, pour un montant de 13 744,65 euros au titre de la période antérieure à l'aggravation et pour un montant de 57 912,71 euros au titre de la période postérieure à l'aggravation, ce dernier ne devant être pris en compte que dans la limite de 50 %, soit un montant total de 42 701 euros. Il résulte également de l'instruction que Mme C... a perçu à compter de janvier 2019 une pension d'invalidité complémentaire par la mutuelle IRP Auto, pour un montant total de 32 268,60 euros au 1er novembre 2022. Eu égard au montant mensuel de 726,48 euros à cette dernière date, le montant total échu à la date du présent arrêt est de 46 798,20 euros, imputable à hauteur de la moitié, soit un montant de 23 399,10 euros. Enfin, il résulte également des pièces produites en première instance que Mme C... a perçu l'allocation d'aide pour le retour à l'emploi, au montant journalier de 27,94 euros et pour 640 jours calendaires à compter du 2 septembre 2016, soit un montant de 17 881,60 euros, imputable également à hauteur de la moitié, soit 8 940,80 euros. Mme C... a, ainsi, perçu une somme totale de 117 600,66 euros, ses préjudices échus de perte de revenus n'étant dès lors pas restés à sa charge.

32. S'agissant de la période postérieure au présent arrêt, ainsi qu'il a été dit Mme C... a subi un préjudice de perte de revenus portant, compte tenu du revenu de référence qui a été indiqué et du taux de perte imputable, sur un montant annuel en lien avec la faute médicale de 10 124,61 euros. Il résulte toutefois de l'état des débours précité produit en appel par la Caisse que celle-ci continuera à verser à Mme C... une pension d'invalidité, hors majoration pour tierce personne, pour un montant annuel de 9 635,04 euros, ce dernier ne devant être pris en compte que dans la limite de la moitié, soit un montant de 4 817,52 euros. Mme C... percevra également la pension d'invalidité d'IRP Auto, imputable à hauteur de la moitié, soit un montant annuel de 4 358,88 euros. Le préjudice futur de perte de revenus en lien avec la faute médicale restant à la charge de Mme C... s'élève, ainsi, au montant annuel de 948,21 euros. Mme C..., née le 6 juillet 1973, est âgée de 51 ans à la date du présent arrêt. En retenant la table de capitalisation élaborée par l'ONIAM dans son référentiel d'indemnisation du 22 mai 2023, pour une rente jusqu'à 62 ans, date prévisible de départ à la retraite de Mme C... en l'espèce, soit un taux de 10,517, le préjudice futur de Mme C... doit être capitalisé à hauteur de 9 972,32 euros.

33. Enfin, ainsi qu'il a été dit, Mme C... a également subi un préjudice d'incidence professionnelle, du fait de la pénibilité accrue de son activité ainsi que de la réduction de ses perspectives d'évolution professionnelle. Il en sera fait en l'espèce une juste appréciation en lui allouant à ce titre une somme de 50 000 euros.

34. Il résulte des points précédents que le préjudice professionnel resté à la charge de Mme C... s'élève à un montant total de 59 972,32 euros.

35. En quatrième lieu, Mme C... entend, dans le dernier état de ses écritures, réserver l'indemnisation des chefs de préjudice liés à l'aménagement du logement et du véhicule. La première expertise ne retient pas la nécessité d'adaptation du logement mais seulement l'utilité d'un véhicule avec boite de vitesse automatique. La seconde expertise, en revanche, relève que, des suites de l'aggravation de l'état de santé de Mme C..., une adaptation du logement ainsi que du véhicule peut se justifier. Il résulte ainsi de l'instruction que la matérialité de tels préjudices ne peut être exclue et il n'apparait pas qu'ils aient été pris en charge par des tiers payeurs qui feraient valoir leur créance. Il y a en conséquence lieu, conformément aux conclusions de Mme C..., de réserver ces deux postes.

Sur les droits respectifs de Mme C... et de la CPAM du Rhône :

36. La priorité accordée à la victime sur la caisse pour obtenir le versement à son profit des indemnités mises à la charge du tiers responsable, dans la limite de la part du dommage qui n'a pas été réparée par des prestations, s'applique, notamment, lorsque le tiers n'est déclaré responsable que d'une partie des conséquences dommageables de l'accident. Dans ce cas, l'indemnité mise à la charge du tiers, qui correspond à une partie des conséquences dommageables de l'accident, doit être allouée à la victime tant que le total des prestations dont elle a bénéficié et de la somme qui lui est accordée par le juge ne répare pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi. Quand cette réparation est effectuée, le solde de l'indemnité doit, le cas échéant, être alloué à la caisse. Toutefois, en l'espèce, si les préjudices liés à l'aggravation de l'état de santé de Mme C... ne sont imputables à la faute médicale que pour moitié, le CHU Grenoble-Alpes est intégralement responsable des conséquences de la faute qu'il a commise. Il n'y a dès lors pas lieu de mettre en œuvre de droit de priorité de la victime directe, dont les droits ont été directement déterminés dans les points qui précédent, de même que les droits de la caisse.

37. En premier lieu, il résulte des points 15 à 35 que Mme C... peut prétendre au versement d'une somme totale de 496 092,41 euros, outre la rente déterminée au point 28. Le montant alloué en capital à Mme C... sera en outre assorti d'intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017, date de réception de sa demande préalable. La capitalisation des intérêts a été demandée pour la première dans le mémoire enregistré le 30 mars 2023, date à laquelle une année au moins d'intérêts était due. Les intérêts seront ainsi capitalisés au 30 mars 2023 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Ces sommes lui seront allouées sous déduction des montants déjà perçus en exécution des ordonnances des 18 juin 2018 et 30 décembre 2021 du juge des référés provision du tribunal administratif de Grenoble.

38. En second lieu, eu égard aux montants échus qu'elle a pris en charge et compte tenu de l'imputabilité pour moitié des débours engagés en lien avec l'aggravation, la CPAM du Rhône peut prétendre au versement d'une somme totale de 195 686,52 euros, correspondant au total des sommes de 60 836,90 euros, 49588,86 euros, 42 559,76 euros et 42 701 euros mentionnées aux points 21, 26 et, pour les deux dernières, 31 du présent arrêt, outre une rente d'un montant annuel correspondant à la somme des montants de 5 060,40 euros, mentionné au point 22 pour les frais médicaux à venir, 7 155,36 euros, mentionné au point 28 pour la majoration pour tierce personne de la pension d'invalidité, et 4 817,52 euros, mentionné au point 32 pour la pension d'invalidité hors majoration pour tierce personne, soit une rente, à verser annuellement à terme échu d'un montant annuel de 17 033,28 euros, qui sera revalorisé par application du coefficient prévu par l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. La caisse est par ailleurs fondée à réclamer le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion, à hauteur du montant de 1 191 euros prévu par l'arrêté susvisé du 18 décembre 2023.

39. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU Grenoble-Alpes est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas limité, d'une part, le montant alloué à Mme C... à 496 092,41 euros, montant assorti des intérêts au taux légal, avec capitalisation, outre la rente déterminée au point 28 et, d'autre part, la somme allouée à la CPAM du Rhône à 195 686,52 euros, outre la rente prévue au point 38 et l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les dépens :

40. Les dépens sont mis à la charge du CHU Grenoble-Alpes.

Sur les frais de l'instance :

41. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Grenoble-Alpes la somme de 2 000 euros, à verser tant à Mme C... qu'à la CPAM du Rhône, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Grenoble n° 1706955 des 23 décembre 2019, 9 juin 2020 et 18 avril 2023 sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes est condamné à verser à Mme C... la somme de 496 092,41 euros. Cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017, ces intérêts étant capitalisés au 30 mars 2023 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes est condamné à verser à Mme C... une rente trimestrielle d'un montant de 7 965,45 euros revalorisé par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, dans les conditions précisées au point 28 du présent arrêt.

Article 4 : Les sommes allouées à Mme C... lui seront versées sous déduction des montants perçus en exécution des ordonnances n° 1707166 du 18 juin 2018 et n° 2106164 du 30 décembre 2021 du juge des référés provision du tribunal administratif de Grenoble.

Article 5 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 195 686,52 euros, ainsi que la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 6 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes est condamné à verser annuellement à terme échu à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une rente d'un montant annuel de 17 033,28 euros revalorisé par application du coefficient prévu par l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Article 7 : Les dépens sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes.

Article 8 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes versera à Mme C... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes, à Mme A... C... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02070
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GIROT-MARC MICHÈLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly02070 ?
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