La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2018 | FRANCE | N°17LY00244

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 13 décembre 2018, 17LY00244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...et Mme D...C..., épouseA..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 à 2010 pour un montant total de 901 786 euros assorties des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1505703 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg

istrée le 20 janvier 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Genaudy, avocat, demandent à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...et Mme D...C..., épouseA..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 à 2010 pour un montant total de 901 786 euros assorties des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1505703 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Genaudy, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 novembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) d'enjoindre à l'administration fiscale de produire les rapports de vérification établis à l'issue du contrôle, les accusés de réception de toutes les pièces de procédure et la demande FICOBA, ainsi que tout autre document y compris leurs déclarations personnelles et professionnelles souscrites relatives aux sept années contrôlées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les pièces relatives à la comptabilité du cabinet d'assurance Gepim, examinées par l'administration fiscale dans le cadre de la vérification de comptabilité, n'ont pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire ;

- les contrôles opérés ont excédé la durée de trois mois fixée par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- le droit de communication a été exercé dans le cadre de la vérification de comptabilité et non dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle ;

- les articles L. 68 et L. 55 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables à leur situation et une mise en demeure préalable aurait dû leur être adressée s'agissant de leurs revenus non professionnels ;

- un avis de vérification de comptabilité aurait dû leur être adressé préalablement au début du contrôle ;

- l'administration fiscale a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les procès-verbaux communiqués par l'autorité judiciaire, qui faisaient partie d'une procédure pénale, ne constituaient pas des éléments factuels de nature à asseoir la position de l'administration fiscale ;

- certains documents utiles à l'administration fiscale ne leur ont pas été communiqués ;

- l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur la procédure prévue à l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales sans commettre une erreur de droit ;

- l'administration fiscale a fait une inexacte application de l'article 92 du code général des impôts ;

- aucune pénalité ne saurait leur être appliquée dès lors qu'ils sont de bonne foi.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fischer-Hirtz, présidente ;

1. M.A..., qui exerçait une activité de courtier en assurances sous l'enseigne Gepim, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2008, 2009 et 2010. Concomitamment à cette vérification, M. et Mme A...ont également fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les mêmes années. A l'issue de ces contrôles, l'administration, sur la base de renseignements obtenus de l'autorité judiciaire dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, les sommes que M. A...avait détournées, soit en les prélevant sur les primes destinées aux compagnies d'assurances qu'il représentait, soit en établissant de faux contrats dont les fonds versés par les clients étaient encaissés au nom du cabinet Gepim. Dans le cadre d'un contrôle sur pièces, le service a également notifié à M. et MmeA..., au titre des détournements opérés au cours des années 2004, 2005, 2006 et 2007, des rehaussements sur le fondement de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales. Après le rejet de leur réclamation par le service, M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 à 2010 et des pénalités dont elles ont été assorties.

Sur la régularité des procédures d'imposition :

En ce qui concerne la procédure de vérification de comptabilité :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, le 30 juin 2012, le vérificateur a adressé à M. A...un avis de vérification de comptabilité portant respectivement sur les exercices clos en 2009 et 2010. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'envoi d'un tel avis ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " 1. Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant des recettes brutes annuelles n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / Les dispositions des trois premiers alinéas sont valables dans les cas où un même vérificateur contrôle à la fois l'assiette de plusieurs catégories différentes d'impôt ou de taxes. ".

5. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des exercices clos en 2009 et 2010, les opérations de vérification se sont déroulées du 27 février au 21 mai 2012. Dans ces conditions, les allégations des requérants selon lesquelles la procédure de vérification de comptabilité se serait poursuivie au-delà de la durée de trois mois en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doivent être écartées.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que contrairement aux allégations des requérants, l'administration fiscale a engagé un débat oral et contradictoire avec M. A...en lui donnant copie de l'ensemble des pièces qu'elle avait obtenues, le 10 novembre 2011, soit avant le début des opérations de contrôle, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire. En tout état de cause, en l'absence de toute comptabilité, les opérations de vérification ont essentiellement reposé sur l'analyse des écritures portées au crédit des comptes bancaires de M.A.sans incidence sur la régularité de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et du contrôle sur pièces La circonstance que ces échanges aient eu lieu au domicile privé de M. et MmeA..., est, en l'espèce, sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'il est constant que, par courriel du 11 octobre 2011, M. A...avait expressément demandé au vérificateur de se rendre à son domicile personnel en raison de la fermeture définitive de son cabinet d'assurances suite à la cessation de son activité professionnelle.

7. En quatrième lieu, le choix de la procédure suivie relève de la seule appréciation de l'administration. Dans ces conditions, le vérificateur n'a, en tout état de cause, privé les requérants d'aucune garantie en engageant à leur encontre une procédure de redressement contradictoire en application des articles L. 68 ou L. 55 du livre des procédures fiscales.

8. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction et notamment de la lecture de la proposition de rectification du 15 décembre 2011, portant sur l'année 2008, et de celle du 29 juin 2012 portant sur les années 2009 et 2010, que M. et Mme A...ont été informés de l'origine, de la nature et de la teneur des renseignements obtenus par le vérificateur auprès de l'autorité judiciaire. Ces propositions de rectification énumèrent le détail des sommes détournées par M. A...dans l'exercice de son activité d'assureur, le montant total des sommes admises par le service en déduction des recettes compte tenu des remboursements opérés par M.A..., ainsi que l'analyse de l'ensemble des mouvements des comptes bancaires effectuée par les services de police dans le cadre de l'enquête pénale. L'administration fait également valoir sans être contredite qu'elle a procédé de la même façon dans le cadre du contrôle sur pièces diligenté à l'encontre des requérants sur le fondement de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales au titre des années 2004 à 2007 en communiquant à M.A..., par lettre du 21 janvier 2014 dont il a accusé réception le 22 janvier 2014, soit avant la mise en recouvrement des impositions en litige, intervenue le 30 septembre 2014, l'ensemble des procès-verbaux sur lesquels elle s'est fondée pour procéder aux rehaussements. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. En sixième lieu, la circonstance que l'administration a mentionné les articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales dans sa demande au juge d'instruction n'était pas en elle-même de nature à vicier la procédure d'imposition et ne constituait pas un détournement de procédure, dès lors que si l'article L. 82 C qui ne concerne que les demandes faites au ministère public était, comme le soutient à bon droit le requérant, inapplicable, l'administration pouvait recourir à l'article L. 101. Si l'obligation incombant à l'autorité judiciaire, en vertu de cet article, n'est soumise à aucune formalité particulière et n'est pas, notamment, subordonnée au dépôt préalable d'une demande de communication émanant de l'administration fiscale, l'existence d'une telle demande, alors même qu'elle a été présentée au moyen du formulaire portant la mention des sanctions encourues en l'absence de réponse à une telle demande, n'était pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de communication de documents aux services fiscaux. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le juge d'instruction a reçu la demande de l'administration. Il lui appartenait d'apprécier souverainement si les renseignements ou les pièces qu'il détenait étaient de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou de compromettre un impôt.

10. En septième et dernier lieu, les allégations des requérants selon lesquelles l'administration fiscale aurait méconnu la documentation publiée aux paragraphes 80 et 130 du bulletin officiel sont, en tout état de cause, dépourvues des précisions suffisantes pour en apprécier la pertinence et le bien-fondé.

En ce qui concerne l'examen de la situation fiscale personnelle et le contrôle sur pièces diligenté à l'encontre de M. et MmeA... :

11. En premier lieu, eu égard à l'indépendance des procédures, les éventuelles irrégularités de la vérification de comptabilité demeurent.sans incidence sur la régularité de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et du contrôle sur pièces

12. En deuxième lieu, la circonstance que dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale ait mentionné les seules coordonnées professionnelles de M.A..., est sans conséquence sur la régularité de l'examen de situation fiscale personnelle diligentée contre M. et MmeA.sans incidence sur la régularité de la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle et du contrôle sur pièces

13. En troisième et dernier lieu, l'administration fiscale n'était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales pour assigner aux requérants des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu suite à la réintégration dans leurs revenus imposables des sommes détournées par M. A...dans l'exercice de son activité de courtier en assurance.

Sur le bien-fondé des impositions :

14. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que les sommes détournées par M. A...proviennent des agissements frauduleux dont celui-ci s'est rendu coupable à l'égard de ses clients. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les profits tirés par M. A...de ces détournements de fonds.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

En ce qui concerne la majoration de 40 % appliquée aux redressements procédant de la vérification de comptabilité :

17. En se fondant sur la mise en oeuvre et le caractère répété de moyens visant à organiser la perception de revenus occultes au moyen de détournements de fonds, l'administration a pu, à bon droit, majorer les redressements de la pénalité de 40 % précitée sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de ce que M. A...n'aurait encore fait l'objet d'aucune condamnation pénale.

En ce qui concerne la majoration de 40 % appliquée aux redressements procédant de l'examen de la situation fiscale personnelle et du contrôle sur pièces :

18. Eu égard à la nature des rehaussements, à savoir l'imposition de sommes détournées ayant servi à financer le train de vie des contribuables, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. et Mme A...de se soustraire à l'impôt dès lors que ces derniers ne pouvaient ignorer que les sommes en cause constituaient des revenus imposables. Par suite, les requérants, qui ne peuvent utilement se prévaloir de la présomption d'innocence, ne sont pas fondés à en demander la décharge.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions en décharge des impositions en litige. En conséquence, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... A..., à Mme D...C..., épouse A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

1

2

N° 17LY00244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00244
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : GENAUDY BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-13;17ly00244 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award