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25/11/2024 | FRANCE | N°23MA01212

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 25 novembre 2024, 23MA01212


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le centre hospitalier d'Allauch a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société à responsabilité limitée unipersonnelle Réalisation Entretien Rénovation (" RER "), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 329150312, M. D... G..., architecte, Mme C... H..., architecte paysagiste, la société à responsabilité limitée I G Tech, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix-en-Provenc

e sous le n° 380 424 572, la société à responsabilité limitée IDTique, immatriculée au registr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier d'Allauch a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société à responsabilité limitée unipersonnelle Réalisation Entretien Rénovation (" RER "), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 329150312, M. D... G..., architecte, Mme C... H..., architecte paysagiste, la société à responsabilité limitée I G Tech, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix-en-Provence sous le n° 380 424 572, la société à responsabilité limitée IDTique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Aix-en-Provence sous le n° 439 717 521, M. A... F..., entrepreneur individuel enregistré sous le n° 350 922 464 et exerçant sous l'enseigne " I... ", la société par actions simplifiée Garcia Ingénierie, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° 398 444 885, la société par actions simplifiée Dekra France (" Dekra ", anciennement Norisko Construction SAS), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 411 768 831, et la société par actions simplifiée Crédit Agricole Immobilier Entreprise (" Crédit agricole ", venant aux droits et obligations de la société Unimo, venant elle-même aux droits et obligations de la société Aeprim), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n° 318 648 029, à lui verser la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant les gaines de désenfumage, les cloisons, les placages et les peintures relatifs aux lots nos 7, 8 et 13 d'un marché public de travaux portant sur l'extension et la restructuration de ses locaux, somme à indexer sur l'indice BT01 du bâtiment à compter du 17 juillet 2018, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 2007250 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a, en premier lieu, condamné M. G... à verser au centre hospitalier d'Allauch une somme de 41 868 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020, avec capitalisation des intérêts à la date du 22 septembre 2021, en deuxième lieu, condamné la société RER à garantir M. G... de cette condamnation à hauteur de 20 %, et, en troisième lieu, mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 37 189,51 euros, à la charge définitive de M. G... et de la société RER à hauteur respectivement de 80 % et 20 %.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 mai 2023 sous le n° 23MA01212, la société RER, représentée par la SELARL Mamelli Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui fait grief ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Allauch la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt n° 15MA02728 du 4 novembre 2019 de la Cour fait obstacle à toute condamnation ;

- le caractère définitif du décompte général de son marché s'oppose à ce que sa responsabilité contractuelle soit engagée ;

- les désordres relatifs aux gaines de désenfumage ne sont pas liés au sinistre intervenu dans la nuit du 7 au 8 octobre 2008 ;

- les sommes en cause ont déjà été imputées par l'expert sur le montant du marché de l'appelante et appréciées par la Cour en vue de l'établissement du décompte général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, la société Garcia Ingénierie, représentée par Me Bouty, conclut au rejet de toute demande présentée à son encontre et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués à l'appui des conclusions présentées à son encontre sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, la société IDTique, représentée par Me Guillet, demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qui la concerne, de la mettre hors de cause et de mettre à la charge de tout succombant la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués à l'appui des conclusions présentées à son encontre sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, la société Crédit Agricole Immobilier Promotion, représentée par Me Vignon, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) subsidiairement, de rejeter toute demande ou appel en garantie qui pourrait être présenté à son encontre ;

3°) de condamner in solidum M. G..., Mme H... et les sociétés RER, Dekra, I..., IDTique, IGtech et Garcia Ingénierie à la relever et garantir de toute condamnation ;

4°) de mettre à la charge de la société RER ou de toute partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les demandes présentées à son encontre sont irrecevables et infondées.

Par une lettre en date du 15 décembre 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 4 juillet 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 février 2024.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le centre hospitalier d'Allauch, représenté par Me Bliek-Veidig, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement ;

2°) de condamner in solidum M. G... et la société RER à lui payer la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter de septembre 2020, les intérêts échus au 22 septembre 2021 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de mettre à la charge in solidum de M. G... et de la société RER la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 37 189,51 euros au titre des frais d'expertise.

Il soutient que :

- la société RER ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par la Cour ;

- les gaines de désenfumage et les cloisonnements sont affectés de désordres ;

- ces désordres engagent la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre au titre de l'erreur de conception, du défaut de surveillance des travaux et du manquement au devoir de conseil au moment des opérations de réception, ou sa responsabilité décennale ;

- ils engagent la responsabilité contractuelle ou décennale de la société RER.

Par une lettre du 7 mars 2024, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible de se fonder sur un moyen d'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, la société Dekra Industrial, représentée par la société d'avocats interbarreaux Sanguinede di Frenna et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement ;

2°) subsidiairement, à ce que sa responsabilité soit limitée à 5 % et à ce que la société RER soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation excédant la part de 5 % ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui des conclusions dirigées contre elles sont infondés ;

- sa responsabilité doit être limitée ;

- elle doit être relevée et garantie pour le surplus par la société RER.

Par ordonnance du 19 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

II. Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023 sous le n° 23MA01223, M. G..., représenté par la SELAS Larrieu et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2023 en tant qu'il lui fait grief ;

2°) de rejeter toute demande présentée à l'encontre des membres du groupement de maîtrise d'œuvre dont il est mandataire, et notamment de lui-même, et de le mettre hors de cause ;

3°) subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation à 34 890 euros hors taxes, de rejeter toute demande supplémentaire, de rejeter toute demande de condamnation solidaire à son encontre, et de condamner in solidum les sociétés RER, Dekra Industrial, Crédit Agricole, Cobat Ingénierie et Garcia Ingénierie à le relever et garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge du centre hospitalier et de tout succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le caractère définitif du décompte général du groupement de maîtrise d'œuvre fait obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ;

- pour retenir sa responsabilité, les premiers juges ont occulté les non-conformités affectant les gaines techniques relevées par l'expert judiciaire et imputables à la société RER, pour ne tenir compte que des conséquences des intempéries du 7 au 8 octobre 2022 ;

- l'indemnisation des préjudices consécutifs aux intempéries survenues dans la nuit du 7 au 8 octobre 2008 n'a pas été sollicitée dans le délai décennal de l'article 1792-4-2 du code civil, seule l'indemnisation des non-conformités affectant le lot n° 7 pour un montant de 34 890 euros HT, soit 41 868 euros TTC, ayant été réclamé par le centre hospitalier ;

- l'indemnité sollicitée par le centre hospitalier ne correspondait pas aux dommages causés par les intempéries mais aux non-conformités affectant le lot n° 7 ;

- n'étant pas intervenu au titre de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination, mission confiée à la société Cobat Ingénierie, il ne peut voir sa responsabilité engagée ;

- le jugement doit être confirmé pour le surplus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, la société Garcia Ingénierie, représentée par Me Bouty, conclut au rejet de toute demande présentée à son encontre et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. G... ou de tout succombant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués à l'appui des conclusions présentées à son encontre sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, la société IDTique, représentée par Me Guillet, demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qui la concerne, de la mettre hors de cause et de mettre à la charge de tout succombant la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués à l'appui des conclusions présentées à son encontre sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, la société Crédit Agricole Immobilier Promotion, représentée par Me Vignon, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) de condamner in solidum M. G..., Mme H... et les sociétés RER, Dekra, I..., IDTique, IGtech et Garcia Ingénierie à la relever et garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de M. G... ou de toute partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les demandes présentées à son encontre sont irrecevables et infondées.

Par une lettre en date du 15 décembre 2023, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu d'ici au 4 juillet 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 février 2024.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le centre hospitalier d'Allauch, représenté par Me Bliek-Veidig, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement ;

2°) de condamner in solidum M. G... et la société RER à lui payer la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises, assorties des intérêts au taux légal à compter de septembre 2020, les intérêts échus au 22 septembre 2021 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de mettre à la charge in solidum de M. G... et de la société RER la somme de 37 189,51 euros au titre des frais d'expertise.

Il soutient que :

- la société RER ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par la Cour ;

- les gaines de désenfumage et les cloisonnements sont affectés de désordres ;

- ces désordres engagent la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre au titre de l'erreur de conception, du défaut de surveillance des travaux et du manquement au devoir de conseil au moment des opérations de réception, ou sa responsabilité décennale ;

- ils engagent la responsabilité contractuelle ou décennale de la société RER.

Par une lettre du 7 mars 2024, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible de se fonder sur un moyen d'ordre public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, la société Dekra Industrial, représentée par la société d'avocats interbarreaux Sanguinede di Frenna et Associés, conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement ;

2°) subsidiairement, à ce que sa responsabilité soit limitée à 5 % et à ce que la société RER soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation excédant la part de 5 % ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui des conclusions dirigées contre elles sont infondés ;

- sa responsabilité doit être limitée ;

- elle doit être relevée et garantie pour le surplus par la société RER.

Par ordonnance du 19 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Castellani pour la société RER, celles de Me Tomas-Bezer pour le centre hospitalier d'Allauch, celles de Me Costantini pour les sociétés Alquier et IDTique, celles de Me Voskarides pour la société I..., celles de Me Bouty pour la société Garcia Ingénierie, celles de Me Rambaud pour la société Crédit agricole Immobilier Promotion et celles de Me Stein pour la société Dekra Industrial.

Considérant ce qui suit :

1. Par des contrats conclus le 5 juillet 2007, le centre hospitalier d'Allauch (Bouches-du-Rhône) a confié à la société RER les lots nos 7 (" cloisons doublage et faux-plafond ") et 8 (" peinture ") d'un marché public de travaux ayant pour objet l'extension et la restructuration des locaux du centre hospitalier, sous maîtrise d'œuvre d'un groupement dont le mandataire était M. G..., architecte. Par décision du 15 mars 2010, le centre hospitalier a prononcé la réception des travaux avec et sous réserves, avec effet au 18 décembre 2009. Par ordonnance du 3 mai 2013, la Cour a ordonné une mesure d'expertise sollicitée par le centre hospitalier d'Allauch concernant les désordres relatifs aux lots n°s 7, 8 et 13 du marché. L'expert a déposé son rapport le 17 juillet 2018. Le centre hospitalier d'Allauch a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société RER, des différents membres du groupement de maîtrise d'œuvre, de la société Dekra, contrôleur technique, et de la société Crédit Agricole Immobilier Entreprise à lui verser la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant ces lots. Par le jugement attaqué, dont la société RER et M. G... relèvent appel par deux requêtes qui ont fait l'objet d'une instruction commune et qu'il y a lieu de joindre, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, M. G..., architecte, à verser au centre hospitalier une somme de 41 868 euros toutes taxes comprises, et, d'autre part, condamné la société RER à garantir M. G... de cette condamnation à hauteur de 20 %.

Sur l'appel de M. G... :

En ce qui concerne le motif de sa condamnation :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont condamné M. G... à verser au centre hospitalier la somme de 41 868 euros toutes taxes comprises en relevant qu'ayant ordonné de manière fautive le commencement des travaux de cloisonnement avant la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment, il avait rendu possible la dégradation des bâtiments par les intempéries survenues dans la nuit du 7 au 8 octobre 2008.

3. Or, cette somme de 41 868 euros toutes taxes comprises correspond, selon les points V-3-2 et V-4-1 du rapport d'expertise, à des " abattements " de 50 % et 10 % proposés par l'expert sur le montant des travaux de fourniture et de pose des gaines de désenfumage (50 % x 36 768 euros hors taxes + 20 % de taxe sur la valeur ajoutée) et sur le montant des travaux de fourniture et pose des cloisonnements et doublages (10 % x 165 059 euros hors taxes + 20 % de taxe sur la valeur ajoutée), ces " abattements " étant destinés selon l'expert à indemniser les non-conformités affectant ces travaux qui étaient à la charge de la société RER. Il en résulte que le préjudice dont le centre hospitalier sollicitait l'indemnisation était sans lien avec la faute reprochée à l'architecte et retenue par les premiers juges.

4. M. G... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a, pour ce motif, condamné à payer l'indemnité de 41 868 euros au centre hospitalier.

En ce qui concerne l'effet dévolutif de l'appel :

5. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les autres manquements contractuels reprochés par le centre hospitalier à M. G... au titre de la conception de l'ouvrage et de la direction de l'exécution des travaux, et sur lesquels le tribunal administratif ne s'est pas prononcé.

6. La réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes régissant la garantie décennale - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'indemnité de 41 868 euros sollicitée par le centre hospitalier correspond à des malfaçons affectant les travaux de pose des cloisonnements et des gaines de désenfumage par la société RER, titulaire du lot n° 7. En effet, ainsi que le relève le rapport d'expertise, ces travaux ont été jugés non conformes aux documents de mise en œuvre et aux prescriptions du fabricant par M. E..., ingénieur ayant procédé le 16 septembre 2010 à la vérification de la conformité des ouvrages. Plus précisément, il ressort des indications données par le maître d'ouvrage, et non sérieusement contestées, que, s'agissant des gaines de désenfumage, les conduits posés par la société RER n'étaient pas supportés tous les 1 200 millimètres, comme cela était requis. De même, l'application de la colle anti-incendie " Promacol ", utilisée pour la mise en œuvre de conduits de ventilation, n'a pas été effectuée sur les angles à l'intérieur du conduit. Enfin, les suspentes, n'ont pas été placées à moins de 50 centimètres du bord du conduit. Par ailleurs, l'épaisseur de 30 millimètres des plaques posées par la société RER dans les conduits de désenfumage horizontaux n'était pas adaptée pour le degré coupe-feu d'une heure attendue. En outre, les caractéristiques des traverses mises en œuvre par la société RER n'étaient pas suffisantes pour soutenir les conduits prévus. Par ailleurs, les talons de calfeutrement des traversées de parois verticales utilisés ne sont pas de la même constitution et de la même épaisseur que les conduits. Il résulte en outre de ces mêmes indications que, s'agissant des travaux de fourniture et de pose de cloisonnement et de doublage, concernant les passages de clapets coupe-feu en traversée de cloisons, certains chevêtres de reprise de gaine étaient constitués de simples feuillards en acier, et non d'un profil d'ossature de cloison, ce dont il résultait que la continuité coupe-feu des parois en imposte n'était pas assurée. En outre, certaines plaques n'étaient pas vissées sur l'ossature. Par ailleurs, concernant les protections au feu de dévoiement de canalisation, il a été constaté que l'habillage constitué d'une plaque de type " Placoflam BA15 " ou Knauf KF de 15 millimètres ne permettait pas d'obtenir un degré coupe-feu d'une heure, tel qu'il était prévu au marché, mais seulement d'une demi-heure. Enfin, concernant les joints horizontaux devant être réalisés en l'absence de continuité des plaques entre le plancher et le plafond, le montage devait être complété par une bande de 100 millimètres de largeur venant recouvrir le joint sur la face externe de la cloison, ou par un feuillard mis en place entre la cloison et l'ossature, derrière le joint, ce qui n'a pas été toujours fait.

8. Or, il ne ressort pas de la décision du 15 mars 2010 décidant la réception des lots nos 7 et 8 que les malfaçons ainsi identifiées auraient fait spécifiquement l'objet de réserves. La réception de l'ouvrage fait donc obstacle à l'engagement de la responsabilité contractuelle de l'architecte à raison de ses missions de conception et de direction de l'exécution des travaux.

9. Il résulte de ce qui précède que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à payer une somme de 41 868 euros au titre de sa responsabilité contractuelle, et qu'il a mis à sa charge une fraction des dépens, ainsi qu'une somme au titre des frais non compris dans les dépens.

Sur l'appel de la société RER :

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont condamné M. G... à verser une indemnité au centre hospitalier. L'appel en garantie de ce dernier contre la société RER était donc sans objet.

11. Par ailleurs, comme le soutient la société RER, l'arrêt n° 15MA02728 du 4 novembre 2019 de la Cour, devenu définitif, a statué définitivement sur la charge des frais de l'expertise confiée à M. B.... Le tribunal administratif de Marseille ne pouvait donc y statuer à nouveau.

Sur les appels incidents et provoqués du centre hospitalier :

12. Par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, le centre hospitalier d'Allauch invoque, à l'encontre de la société RER et de M. G..., d'autres fondements de responsabilité, sur lesquels le tribunal administratif s'est expressément prononcé.

En ce qui concerne la responsabilité décennale de M. G... et de la société RER :

13. En application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit, avant l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, à raison des dommages qui compromettent la solidité d'un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, toute personne appelée à participer à la construction de l'ouvrage, liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ou qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage, ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

14. Il résulte de l'instruction que le contrôleur technique s'est, au cours de l'exécution des travaux, plaint de l'absence de dossier d'exécution exploitable concernant les travaux relatifs aux cloisonnements et dispositifs de désenfumage, et a demandé qu'il soit procédé, le 1er octobre 2009, à des vérifications par sondage. Il ressort du courrier du contrôleur technique en date du 15 octobre 2009 que ces vérifications n'ont finalement pu être réalisées faute d'accessibilité des ouvrages. N'ayant pu y procéder, le contrôleur technique a, à deux reprises, le 15 octobre 2009 puis le 14 décembre 2009, attiré l'attention du maître de l'ouvrage sur l'absence de dossier d'exécution exploitable et sur le fait que des non-conformités subsistaient. Compte tenu de ces avertissements, et en l'absence de reprise des ouvrages avant la réception, les désordres devaient être regardés comme apparents au moment de la réception de l'ouvrage. Cette réception ayant été prononcée sans réserve sur les points en litige, le maître de l'ouvrage ne peut plus solliciter l'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs.

En ce qui concerne le manquement au devoir de conseil imputé à M. G... :

15. La réception des travaux ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil soit engagée, dès lors qu'il s'est abstenu d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves.

16. Toutefois, il ne résulte pas de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre que M. G..., architecte mandataire du groupement conjoint de maîtrise d'œuvre, serait solidaire de ses cotraitants. En l'absence d'indication sur l'identité du membre du groupement de maîtrise d'œuvre ayant procédé au contrôle de la conformité des travaux du lot n° 7 au moment des opérations de réception, le centre hospitalier d'Allauch n'établit aucune faute spécifiquement imputable à M. G....

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des appelantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge du centre hospitalier à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2007250 du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'ensemble des demandes auxquelles ce jugement fait droit est rejeté.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société RER, à M. G..., M. A... F... (" I... "), au centre hospitalier d'Allauch, à Mme H..., aux sociétés I G Tech, IDTique, Garcia Ingénierie, au Crédit Agricole Immobilier Promotion, et à la société Dekra Industrial.

Copie sera adressée à l'expert, M. B....

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président-assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2024.

Nos 23MA01212, 23MA01223 2


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