Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... D... épouse B... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté de traitement d'insalubrité n° 21-0263 du 3 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prescrit la réalisation de diverses mesures afin de faire cesser la situation d'insalubrité constatée dans un logement aménagé au rez-de-chaussée du bâtiment B de l'immeuble situé 77 rue Sadi Carnot à Bagnolet, ainsi que l'arrêté modificatif n° 21-0538 édicté par cette même autorité le 28 septembre 2021, d'autre part, d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté leur recours gracieux en date du 5 août 2021 tendant au retrait de l'arrêté de traitement d'insalubrité n° 21-0263 du 3 juin 2021.
Par un jugement n° 2116206-2116267 du 20 octobre 2023, le Tribunal administratif de Montreuil après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions des consorts B... à fin d'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêté n° 21-0263 du 3 juin 2021 dans leur rédaction initiale ainsi que sur la décision du 21 septembre 2021 en tant qu'elle se rapporte à ces articles, a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2023 et un mémoire récapitulatif enregistré le 26 juillet 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Di Barbora, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2023 du Tribunal administratif de
Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté de traitement d'insalubrité n° 21-0263 du 3 juin 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'annuler l'arrêté modificatif n° 21-0538 du 28 septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
4°) d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté leur recours gracieux tendant au retrait de l'arrêté de traitement d'insalubrité n° 21-0263 du 3 juin 2021 ;
5°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 7 000 euros en réparation de leurs préjudices financier et moral ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- l'agent ayant effectué les visites des 12 et 22 janvier 2012 et rédigé le rapport du
22 janvier 2021 constatant l'insalubrité des lieux n'était pas régulièrement habilité pour ce faire ;
- il n'est pas justifié que le service communal d'hygiène et de santé de la commune de Bagnolet répondait aux conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 1422-1 du code de la santé publique pour établir le rapport du 22 janvier 2021 ; dès lors, il revenait au directeur général de l'agence régionale de santé de le faire sur le fondement de l'article L. 511-8 du code de la construction et de l'habitation ;
- la délibération de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques, est irrégulière dès lors que le quorum n'était pas atteint ;
- les arrêtés litigieux sont insuffisamment motivés et dépourvus d'examen complet ;
- la mention relative à l'exposition au plomb est illégale dès lors qu'aucune trace de plomb n'a été constatée et que l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation ne prévoit pas une telle mention ;
- les arrêtés litigieux sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables du manque de diligence du syndicat des copropriétaires ; les traces d'humidité constatées sont la conséquence du défaut d'isolation du mur de façade ; les problèmes sont donc d'ordre structurel et affectent les parties communes de l'immeuble ;
- les locataires ayant quitté les lieux qui sont inoccupés, les causes d'insalubrité ne menacent pas leur santé.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... sont les propriétaires d'un logement aménagé au rez-de-chaussée du bâtiment B d'un immeuble situé 77 rue Sadi Carnot à Bagnolet (93170). A la suite d'un rapport établi le 22 janvier 2011 par le service communal d'hygiène et de sécurité (SCHS) de Bagnolet concluant à l'insalubrité de ce logement, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prescrit par un arrêté n° 21-0263 du 3 juin 2021, la réalisation de diverses mesures afin de faire cesser la situation d'insalubrité constatée. Par un recours gracieux du 5 août 2021, M. et Mme B... ont demandé le retrait de l'arrêté du 3 juin 2021. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté ce recours par une décision du 21 septembre 2021. Par un arrêté n° 21-0538 du 28 septembre 2021, cette même autorité a modifié certaines dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 3 juin 2021 entachées d'erreur purement matérielles. M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation des arrêtés du 3 juin 2021 et du 28 septembre 2021, de la décision du 21 septembre 2021 rejetant leur recours gracieux ainsi que l'indemnisation des préjudices résultant selon eux de l'illégalité de ces décisions. Par un jugement du 20 octobre 2023, dont ils relèvent appel, le tribunal, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêté n° 21-0263 du 3 juin 2021 dans leur rédaction initiale ainsi que sur la décision du 21 septembre 2021 en tant qu'elle se rapporte à ces articles, a rejeté le surplus de leur demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le non-lieu à statuer :
2. Il y a lieu, par adoption des motifs non contestés par les appelants de confirmer le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges sur les conclusions à fin d'annulation des articles 1er et 2 de l'arrêté n° 21-0263 du 3 juin 2021 et de la décision du 21 septembre 2021.
En ce qui concerne le surplus des conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation : " La police mentionnée à l'article L. 511-1 a pour objet de protéger la sécurité et la santé des personnes en remédiant aux situations suivantes : (...) / 4° L'insalubrité, telle qu'elle est définie aux articles L. 1331-22 et L. 1331-23 du code de la santé publique. ". Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Tout local, installation, bien immeuble ou groupe de locaux, d'installations ou de biens immeubles, vacant ou non, qui constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre. (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1416-1 du code de la santé publique : " La commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques peut être consultée par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'il prend un arrêté en application du 4° de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation. (...) ". Aux termes de l'article R. 1416-5 du même code : " Préalablement à l'adoption d'un arrêté de traitement de l'insalubrité en application de l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation, l'autorité compétente peut saisir pour avis le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. / Lorsqu'il est consulté à ce titre, le conseil peut se réunir en formation spécialisée, présidée par le préfet et comprenant : / 1° Deux représentants des services de l'Etat et le directeur général de l'agence régionale de santé ou son représentant ; / 2° Deux représentants des collectivités territoriales ; / 3° Trois représentants d'associations et d'organismes, dont un représentant d'associations d'usagers et un représentant de la profession du bâtiment ; / 4° Deux personnalités qualifiées dont un médecin. ". Aux termes de l'article R. 133-10 du code des relations entre le public et l'administration : " Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat. (...) ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. M. et Mme B... soutiennent que les décisions litigieuses sont entachées d'illégalité dès lors que, lors de sa réunion du 20 mai 2021, le quorum de la formation spécialisée du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) qui a examiné la situation de leur logement n'était pas atteint. Il ressort en effet du procès-verbal de la réunion que quatre des onze membres de cette formation étaient présents et qu'un membre absent avait remis un mandat à l'un d'entre eux. Par suite, la condition de quorum fixée à l'article R. 133-10 du code des relations entre le public et l'administration a été méconnue. Ce vice est, en l'espèce, susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision rendue par cette instance.
7. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 3 juin 2021 et du 28 septembre 2021 ainsi que de la décision du 21 septembre 2021.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. L'illégalité d'une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, pour autant qu'il en soit résulté pour celui qui demande réparation un préjudice direct et certain. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'un vice de procédure, il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière. Si tel est le cas, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme trouvant sa cause directe dans le vice de forme ou de procédure entachant la décision administrative illégale.
9. D'une part, si M. et Mme B... soutiennent qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables de désordres d'ordre structurel qui affectent les parties communes de l'immeuble et du manque de diligence du syndicat des copropriétaires, ils n'établissent ni que les traces d'humidité constatées seraient la conséquence du défaut d'isolation du mur de façade, ni, comme ils le prétendent également, qu'ils interviendraient régulièrement auprès du syndic afin que les travaux nécessaires soient mis en œuvre, ni en tout état de cause, que les autres désordres relevés seraient entachés d'une erreur de fait. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis était fondé à leur prescrire de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les causes d'insalubrité constatées. Le moyen doit donc être écarté.
10. D'autre part, si M. et Mme B... font valoir que leurs locataires ont quitté les lieux qui sont inoccupés depuis le 21 octobre 2021, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à faire perdre leur objet aux mesures prescrites pour mettre fin aux causes d'insalubrité dès lors que l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation prévoit que postérieurement au délai de réalisation des travaux fixé par l'arrêté, ces mesures doivent, en tout état de cause, être exécutées avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 511-22.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision s'il n'avait pas entaché son arrêté de traitement d'insalubrité d'un vice de procédure. Par suite, les préjudices financier et moral que les consorts B... allèguent avoir subis du fait de cette décision ne peuvent être regardés comme la conséquence de son illégalité et leur demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que demandent les consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2116206-2116267 du 20 octobre 2023 du Tribunal administratif de Montreuil, les arrêtés n° 21-0263 du 3 juin 2021 et n° 21-0538 du 28 septembre 2021 ainsi que la décision du 21 septembre 2021 rejetant le recours gracieux de M. et Mme B..., sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et Mme C... D... épouse B..., à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée à la commune de Bagnolet.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Delage, président,
Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
Ph. DELAGE Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA05187 2