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17/06/2022 | FRANCE | N°20PA00405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juin 2022, 20PA00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé son agrément en qualité d'employée de jeux du Circus Club Paris.

Par un jugement n° 1910243/3-1 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, Mme A..., représentée par Me Desarbres, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce j

ugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre d'autoriser son agrément en qua...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 avril 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé son agrément en qualité d'employée de jeux du Circus Club Paris.

Par un jugement n° 1910243/3-1 du 10 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, Mme A..., représentée par Me Desarbres, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre d'autoriser son agrément en qualité d'employée de jeux du Circus Club Paris ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel qu'elle estime avoir subi du fait de ce refus d'agrément ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le montant des frais exposés par elle pour faire valoir ses droits sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la violation de son droit fondamental au travail ;

- la décision du 5 avril 2019 est insuffisamment motivée, notamment en ce qu'elle relève, de manière très imprécise, son " implication " dans des faits de tenue de maison de jeux clandestine ; en outre, l'erreur matérielle relative à l'article 12 de l'arrêté du 13 septembre 2017 fixant les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris caractérise également une motivation insuffisante en ce qu'elle révèle une formule stéréotypée ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune poursuite au regard des faits précités qui s'expliquent par sa difficulté momentanée à trouver un emploi ; aucune atteinte à son honorabilité n'a pu ainsi en découler ;

- le ministre de l'intérieur s'est borné à apprécier son " implication " dans les faits précités, sans en préciser la nature et sans prendre en compte les conséquences graves de la décision sur sa situation professionnelle et financière ;

- ses seules déclarations lors de son audition administrative, au demeurant empreintes d'honnêteté et de bonne foi, ne permettaient pas légalement au ministre d'établir des éléments contraires à son honorabilité, alors qu'elle n'a par ailleurs fait l'objet d'aucune inscription au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) et ne s'est reconnue coupable d'aucune infraction ;

- l'infraction pénale de travail dissimulé correspondant aux faits de tenue de maison de jeux clandestine dont elle a fait état lors de son audition administrative ne lui est pas imputable et ne pouvait dès lors lui être opposée pour refuser son agrément ;

- la décision du ministre est en contradiction avec la jurisprudence des Cours et du Conseil d'Etat qui considère qu'une décision de relaxe ou de non-lieu concernant des demandeurs d'agrément suffit à invalider les refus qui leur ont été opposés ;

- son droit fondamental au travail a été violé ;

- la décision attaquée est disproportionnée et inadéquate au regard des faits de l'espèce ;

- son préjudice matériel résultant de la perte de chance d'exercer son activité s'élève à la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966 ;

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de la sécurité intérieure,

- le décret n° 2017-913 du 9 mai 2017,

- l'arrêté du 13 septembre 2017 pris pour l'application du décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 et fixant les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 5 avril 2019, le ministre de l'intérieur a refusé l'agrément de Mme D... A... en qualité d'employée de jeux du Circus Club Paris. Mme A... relève appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ce refus d'agrément.

Sur la régularité du jugement :

2. Les stipulations de l'article 6.1 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, qui ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne, ne peuvent être utilement invoquées contre une décision refusant un agrément en qualité d'employée de jeux. Par suite, à supposer que la requérante doive être regardée, comme elle le soutient, comme ayant invoqué le moyen tiré du principe du droit au travail, tel qu'il est garanti par ces stipulations, les premiers juges n'étaient en tout état de cause pas tenus de répondre à un tel moyen qui était inopérant. Il ressort au demeurant de l'examen du jugement attaqué que ce moyen a été écarté par le tribunal au point 5 de sa décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision attaquée expose de manière suffisamment précise et circonstanciée les faits et les motifs retenus pour estimer que Mme A... ne remplissait pas les conditions nécessaires à l'obtention d'un agrément, notamment son implication, en novembre 2018, dans une affaire de tenue de maison de jeux clandestine. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait insuffisamment motivée en ce qu'elle n'indiquerait pas en quoi les conditions d'honorabilité ne seraient pas satisfaites. En outre, d'une part, la circonstance que la décision mentionne de façon erronée l'article 12 de l'arrêté du 13 septembre 2017 susvisé, en lieu et place de l'article 21 qui fixe la liste des documents nécessaires à la constitution du dossier de demande d'agrément des employés de jeux, constitue une erreur matérielle sans incidence sur sa légalité, dès lors notamment qu'elle ne concerne pas la base légale du refus opposé à Mme A..., ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges. D'autre part, cette erreur ne saurait révéler le caractère stéréotypé de la motivation dès lors que les motifs de fait de la décision révèlent un examen personnel et suffisamment approfondi de la situation de Mme A.... Enfin, si cette dernière fait valoir que le terme utilisé d'" implication ", pour qualifier la nature de sa participation aux faits de tenue de maison de jeux clandestine, serait particulièrement imprécis et ne permettrait pas de connaître les motifs du refus qui lui a été opposé, cet argument n'est pas fondé dès lors que la décision mentionne précisément la nature de cette implication consistant pour la requérante à avoir " exercé au moins à trois reprises les fonctions de croupière rémunérée ". La décision comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement du refus d'agrément décidé par le ministre de l'intérieur. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives (...) d'agrément..., prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (... ) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification (...) ". Aux termes de l'article L. 321-4 du même code: " (...) Le directeur et les membres du comité de direction et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur ". Et aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 2017 relatif aux conditions de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris et portant diverses dispositions relatives aux casinos : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure les décisions : (...) 2° D'agrément des directeurs responsables et des membres des comités de direction des clubs de jeux autorisés ainsi que des personnes employées dans les salles des jeux de ces établissements ".

6. En second lieu, Mme A... soutient qu'elle n'a fait l'objet d'aucune poursuite au regard des faits mentionnés au point 4 ni d'aucune inscription au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), qu'aucune atteinte à son honorabilité n'a pu ainsi en découler, qu'elle ne s'est reconnue coupable d'aucune infraction et que ses seules déclarations lors de son audition administrative, au demeurant empreintes d'honnêteté et de bonne foi, ne permettaient pas légalement au ministre de refuser son agrément. Elle n'apporte toutefois au soutien de ce moyen, déjà soulevé, dans les mêmes termes, devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à bon droit par les premiers juges sur ce moyen qui doit ainsi être écarté par adoption des motifs retenus par le tribunal.

7. En troisième lieu, Mme A... soutient que l'infraction pénale de travail dissimulé correspondant aux faits de tenue de maison de jeux clandestine dont elle a fait état lors de son audition administrative ne lui est pas imputable et ne pouvait dès lors lui être opposée pour refuser son agrément. Toutefois, compte tenu des faits mentionnés au point 4 reprochés à l'intéressée, qui était croupière depuis 2003 et ne pouvait donc ignorer le cadre légal entourant les maisons de jeux, et de leur caractère récent à la date de la décision attaquée, le ministre de l'intérieur, qui n'était pas tenu de se prononcer sur le fait de savoir si ces faits sont constitutifs d'une infraction pénale, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que l'intéressée ne présentait pas les garanties d'ordre public et de probité requises pour l'exercice des fonctions d'employée de jeux.

8. Enfin et ainsi qu'il a été dit au point 2, Mme A... ne peut utilement invoquer son droit fondamental au travail, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6.1 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation, les conclusions indemnitaires de la requérante, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, doivent être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme, au demeurant non chiffrée, que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

P. C...

La présidente,

M. B... La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00405
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : DESARBRES MC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-17;20pa00405 ?
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