Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2023, par lequel le préfet du Var a fixé le Pakistan comme pays de destination vers lequel il pourra être reconduit en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire national.
Par un jugement n° 2309705 du 20 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2024, M. A..., représenté par Me Cherigui, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2023 en tant qu'il fixe le Pakistan comme pays de destination vers lequel il pourra être reconduit en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la première juge s'est fondée sur une pièce en langue étrangère non traduite en français par un traducteur assermenté ;
- c'est à tort que la magistrate désignée a considéré qu'il n'établissait pas qu'à la date de l'arrêté litigieux, il était légalement admissible en Italie et que l'arrêté en litige ne portait pas atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision en date du 26 janvier 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Par jugement daté du 19 septembre 2023, le tribunal correctionnel de Nice a condamné M. A..., ressortissant pakistanais né le 26 août 1988, à une peine d'emprisonnement d'une durée de dix-huit mois, assortie d'une peine d'interdiction du territoire français d'une durée de cinq ans. Par arrêté daté du 15 octobre 2023, le préfet du Var a décidé de sa reconduite d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans
lequel il peut apporter la preuve qu'il est légalement admissible à compter de sa libération effective. Placé en rétention au centre du Canet, M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant que, le Pakistan figure parmi les pays de renvoi. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. A... soutient que le jugement est irrégulier dès lors qu'il se fonde sur une pièce en langue étrangère non traduite en français par un traducteur assermenté. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision ainsi visée par l'appelant a été prise le 14 octobre 2023 par les autorités italiennes, lesquelles, sollicitées en vue de la réadmission de l'intéressé, ont fait part aux autorités françaises de leur décision de refus. Contrairement à ce qui est soutenu, ce document est rédigé en italien mais également en français et se révèle parfaitement compréhensible tant par les services de la préfecture que par M. A..., qui parle couramment l'italien. Au demeurant, aucun texte ni aucune règle générale de procédure n'interdit au juge de tenir compte alors même qu'il est rédigé en langue étrangère d'un document dès lors que toutes les parties ont été en mesure d'en apprécier la portée et le principe du contradictoire respectés. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, M. A... ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, des erreurs d'appréciation que le tribunal aurait commises.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". L'article L. 721-4 du même code dispose que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :/ 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; /3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à
des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
5. M. A... soutient que, compte tenu de ce qu'il est titulaire d'une carte d'identité délivrée par l'Italie et valable jusqu'au 26 août 2029, le préfet aurait dû fixer l'Italie comme pays de renvoi et non le Pakistan. Toutefois, la seule circonstance que M. A..., de nationalité pakistanaise, soit titulaire d'une carte d'identité italienne en cours de validité, ne peut suffire à faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre dès lors que ce document ne vaut pas titre de séjour. N'a pas davantage d'incidence la circonstance que M. A... aurait sollicité par courrier du 20 janvier 2022 le renouvellement de son titre de séjour, lequel était valide jusqu'au 10 février 2022. En tout état de cause, d'une part, le préfet du Var a mentionné comme pays de renvoi non seulement le Pakistan mais également, tout pays dans lequel M. A... était susceptible d'être admis et que d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 2, les autorités italiennes ont opposé un refus à la demande de réadmission de l'intéressé. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet du Var a fixé notamment comme pays de renvoi, le Pakistan, pays dont M. A... a la nationalité.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A..., célibataire sans enfant, se borne à faire valoir sans l'établir qu'il a vécu depuis l'âge de 9 ans en Italie avec son père, parle couramment l'italien et ne dispose d'aucune attache privée ou familiale au Pakistan. Dès lors et, en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, et qu'elle aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'au demeurant, le préfet du Var a mentionné comme pays de renvoi tant le pays dont il a la nationalité que tout pays dans lequel il est légalement admissible.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Cherigui.
Délibéré après l'audience du 25 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 décembre 2024.
N° 24MA00470 2