Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner une expertise médicale avant dire droit en vue de l'évaluation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident dont elle a été victime
le 17 janvier 2018 et de condamner la commune de Deshaies à lui verser une provision
de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1900240 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juillet 2020 et 23 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Carnel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 9 juin 2020 ;
2°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit en vue de l'évaluation des préjudices subis du fait de l'accident dont elle a été victime le 17 janvier 2018 ;
3°) de condamner la commune de Deshaies à lui verser une provision
de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Deshaies la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la commune a commis une faute en ne prenant pas des mesures appropriées pour assurer la sécurité des baigneurs à la plage de la Grande Anse et informer les touristes de la présence de brisants de rivage ; l'information en langue anglaise du risque de " shorebreak " ne constitue pas une information adéquate ;
- l'insuffisante visibilité de l'information est confirmée tant par le rapport d'expertise produit par la commune en octobre 2017 que par les personnes qui l'accompagnaient ; la commune ne démontre pas avoir engagé une action correctrice après la remise du rapport et avant l'accident ;
- elle n'a pas commis d'imprudence ;
- dans l'attente d'une expertise pour déterminer l'étendue de ses préjudices, elle demande une provision d'un montant de 50 000 euros, pour tenir compte de l'importance de ses blessures, attestée par l'expertise du 4 novembre 2020, du fait qu'elle ne peut plus assumer son rôle d'aidant auprès de son mari et de la circonstance qu'elle a été séparée de son mari et de sa famille pendant de longs mois.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2021, la commune de Deshaies, représentée par le cabinet " Droit et territoires ", conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les obligations de la commune doivent s'apprécier au regard des capacités techniques dont elle dispose et en l'occurrence de la longueur de plage de la Grande Anse ;
- des panneaux d'information, ne laissant aucun doute sur la dangerosité du site, sont apposés à l'entrée des accès de la plage depuis des années ; le terme de " shorebreak " désignant les brisants de rivage est suffisamment explicite ;
- les baigneurs doivent adapter leur comportement au risque et en l'occurrence, la plage de la Grande Anse est, à la différence des autres plages, dépourvue de barrière de corail ;
- l'accident est exclusivement imputable à l'imprudence de la victime ;
Par deux mémoires, enregistrés les 8 juillet 2021 et 24 août 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me Sarda, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 9 juin 2020 ;
2°) de condamner la commune de Deshaies à lui verser la somme
de 216 166,21 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du l'arrêt à intervenir, et de surseoir à statuer sur les débours définitifs non encore connus ;
3°) de condamner la commune de Deshaies à lui verser la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Deshaies la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle indique qu'elle agit pour le compte de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et que le montant de ses débours s'élève
à 216 166,21 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... B...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un voyage touristique à la Guadeloupe, alors qu'elle se baignait sur la plage de la Grande Anse située sur la commune de Deshaies le 17 janvier 2018, Mme A..., âgée de 65 ans, a été victime d'une puissante vague appelée " brisant de rivage ". Outre une brève perte de connaissance, un trauma crânien léger et un syndrome de stress post-traumatique dû à l'angoisse de la noyade, elle a subi une fracture du rachis cervical avec quadriparésie. Après avoir été prise en charge par les services de secours et conduite à la clinique de Baie Mahault, elle a été hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre du 18 au 23 janvier 2018 avant d'être rapatriée en métropole pour une hospitalisation, d'abord à l'hôpital Roger Salengro de Lille, puis au centre Calvé de Berck-sur-Mer pour des soins et de la rééducation jusqu'au 17 décembre 2018. Elle a sollicité de la commune de Deshaies une indemnisation des préjudices subis, demande qui a été implicitement rejetée. Elle a alors saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe afin que la commune soit condamnée à réparer ses préjudices, en sollicitant une expertise pour en déterminer l'étendue. Par jugement
du 9 juin 2020 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. / Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. / Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maire d'une commune sur le territoire de laquelle sont situés des lieux de baignade qui, en dehors des zones surveillées délimitées à cet effet, sont fréquentées par des baigneurs et par des pratiquants de sports nautiques, de prendre les mesures de publicité appropriées pour signaler la réglementation applicable et les dangers qui excèderaient ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.
3. Il résulte de l'instruction que la plage de la Grande Anse, où s'est produit l'accident dont a été victime Mme A..., est une plage longue d'1,5 kilomètre, qui, bien que non surveillée, fait l'objet d'une fréquentation importante et régulière et qui présente des dangers particuliers dus à de forts courants et des brisants de rivage ou " shorebreaks ". L'aire de stationnement sur laquelle Mme A... et sa famille ont laissé leur véhicule est dotée de trois panneaux de signalisation, rappelant la dangerosité de cette plage et l'absence de surveillance de la baignade et appelant à la prudence, ainsi que d'un panneau d'information. Celui-ci comporte deux pictogrammes, l'un avec la mention " baignade non surveillée " et " baignade à vos risques et périls ", l'autre avec les mentions " Shorebreak ", " dangereux " et d'autres indications en anglais et en français (notamment " dans le doute s'abstenir "), outre plusieurs textes sur les précautions à prendre pour se baigner en toute sécurité ou en cas de danger. Si Mme A... soutient que cette information était inadéquate et insuffisante en raison de la taille des panneaux, de leur emplacement et de l'absence d'indication sur la nature du danger, le rappel du caractère dangereux du site, le nombre de messages de prévention et la pluralité de leur emplacement caractérisent, en l'espèce, une information suffisante à l'attention des baigneurs qui souhaitent accéder à la plage. En outre, si le terme " shorebreak " peut ne pas être intelligible par tous, il est en l'occurrence accompagné d'un pictogramme suffisamment explicite sur le danger que représentent certaines vagues se brisant à proximité du rivage. Par suite, contrairement à ce que soutient Mme A..., le maire de Deshaies n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police, susceptible d'engager la responsabilité de la commune.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande indemnitaire. Pour les mêmes raisons, la CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de la commune à lui rembourser les débours exposés et à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Deshaies, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que Mme A... et la CPAM du Puy-de-Dôme demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que la commune de Deshaies demande au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Deshaies sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse A..., à la commune
de Deshaies et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Catherine Girault, présidente de chambre,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.
Le rapporteur,
Olivier B...
Le président,
Luc Derepas
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20BX02263