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21/05/2024 | FRANCE | N°22PA05556

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 21 mai 2024, 22PA05556


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2219468/8 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté

sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2219468/8 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022, M. B... C..., représenté par Me Edberg, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 17 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Il soutient que :

- l'arrêté du 17 août 2022 du préfet de police en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 17 août 2022 du préfet de police en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les articles L. 425-9 et L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 17 août 2022 du préfet de police en tant qu'il fixe le pays de retour est insuffisamment motivé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C... a produit des pièces sans passer par l'intermédiaire de son avocat. Elles n'ont donc pas été versées au débat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant nigérien né le 12 avril 1980 et entré en France le 17 janvier 2021 muni d'un visa " C " à entrées multiples, a sollicité le 3 mars 2022 un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 17 août 2022, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement du 30 novembre 2022, dont M. B... C... fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, si le requérant reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée, il ne développe au soutien de ce moyen aucun argument complémentaire et pertinent, ni ne produit aucune pièce, de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu donc d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 de leur jugement.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. Pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour de M. B... C..., le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis émis le 19 juillet 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Niger.

5. Pour contester cette appréciation, M. B... C..., qui a été victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux (AVC), dont il conserve d'importantes séquelles, notamment une épilepsie, un trouble du langage et des difficultés motrices, produit plusieurs certificats médicaux, dont trois établis par un médecin généraliste, les 16 décembre 2021, 19 mai et 5 septembre 2022, qui mentionnent, sans plus de précisions, que la maladie de M. B... C... " nécessite une prise en charge médicale régulière qui ne peut être délivrée dans son pays d'origine ". Il verse également au débat un certificat, établi le 16 septembre 2022 par un médecin de la clinique de Gamkalley à Niamey, lequel, après avoir décrit les différentes hospitalisations subies par M. B... C... entre 2016 et son arrivée en France en 2021, propose que l'intéressé reste en France pour " continuer son suivi en rééducation fonctionnelle et orthophonique du fait de l'absence de plateau technique adéquate au Niger pour une meilleure prise en charge ". Le 17 mai 2021, la médecin généraliste de la clinique de soins de suite et rééducation Clinalliance, où l'intéressé a été hospitalisé entre les mois de mars à mai 2021, conclut, sans évoquer la question de la disponibilité au Niger du traitement approprié à la pathologie de M. B... C..., au fait qu'une " prise en charge continue et prolongée est envisageable sur le plan médical et rééducatif du fait des complications liées à son AVC et de la nécessité d'assurer à M. (B... C...) les soins nécessaires et la surveillance du cas ". Enfin, la coordinatrice " Patients Internationaux " de l'hôpital américain à Neuilly-sur-Seine atteste, le 11 juin 2021, que l'état de santé de l'appelant " a nécessité une prolongation de son séjour à Paris pour son suiv(i) médical ". Toutefois, ces documents, rédigés en des termes très généraux, ne sauraient suffire pour infirmer l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII sur la disponibilité effective d'un suivi pluridisciplinaire adapté à la pathologie de l'appelant au Niger. Dans ces conditions, le préfet de police, en refusant de faire droit à la demande de titre de séjour de M. B... C..., n'a commis aucune erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point 3.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, si requérant reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée, il ne développe au soutien de ce moyen aucun argument complémentaire et pertinent, ni ne produit aucune pièce, de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 6 de leur jugement.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est entré en France pour se faire soigner en 2021, à l'âge de quarante ans, accompagné de son épouse également en situation irrégulière sur le territoire national. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de son arrivée, à l'irrégularité du séjour de son épouse et alors qu'il ne fait état d'aucune attache personnelle et familiale en France, le préfet de police, en obligeant M. B... C... à quitter le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales.

11. Aux termes de l'article 3 de la même convention, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fixe aucun pays de destination, M. B... C... ne peut utilement soutenir que celle-ci méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. La décision contestée d'une part, mentionne la nationalité nigérienne de M. B... C..., ce qui permet d'en déduire le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, d'autre part, indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est donc suffisamment motivée.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEU

La présidente,

J. BONIFACJ La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05556
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET VB AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;22pa05556 ?
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