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29/04/2025 | FRANCE | N°23VE00943

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 29 avril 2025, 23VE00943


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de la délibération du 11 mars 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif a décidé la cession du chemin rural n° 53 du Boulay au profit de M. et Mme D....



Par un jugement n° 2002139 du 18 avril 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la requête de M. E....



Procédure devant la cour :



Par une requ

te et des mémoires, enregistrés respectivement le 5 mai 2023 et les 12 septembre 2023 et 21 mars 2025, M. E..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de la délibération du 11 mars 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif a décidé la cession du chemin rural n° 53 du Boulay au profit de M. et Mme D....

Par un jugement n° 2002139 du 18 avril 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la requête de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 5 mai 2023 et les 12 septembre 2023 et 21 mars 2025, M. E..., représenté par Me Gibier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montigny-le-Chartif le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération litigieuse méconnait l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales dès lors que Mme D..., qui était intéressée en son nom personnel à l'objet de cette délibération, a participé au vote sur l'attribution du chemin rural n° 53 ;

- elle méconnait également l'article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime dès lors que le chemin rural en litige n'a pas cessé d'être affecté à l'usage du public.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 août et 5 octobre 2023, la commune de Montigny-le-Chartif, représentée par Me Le Roy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les observations de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E... est propriétaire d'une parcelle cadastrée ZO 3 située sur le territoire de la commune de Montigny-le-Chartif et séparée de la propriété de M. et Mme D... par le chemin rural n° 53 du Boulay. Par une délibération du 24 octobre 2019, le conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif a décidé de procéder à la vente du chemin rural n° 53 du Boulay. Et par une délibération du 11 mars 2020, le conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif, après avoir fixé le prix de vente à 811,24 euros, a décidé d'attribuer la parcelle aux époux D... et a autorisé le maire de la commune à signer toutes les pièces se rapportant à cette vente. M. B... E... relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif du 11 mars 2020.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ".

3. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote, permettant l'adoption d'une délibération, d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Toutefois, de simples erreurs matérielles entachant l'extrait du registre des délibérations sont sans incidence sur la légalité de cette délibération, dès lors qu'elles ne manifestent pas une irrégularité dans l'adoption de la délibération attaquée.

4. M. E... soutient que Mme D..., propriétaire avec son conjoint de parcelles riveraines du chemin rural en litige, a participé en sa qualité de conseillère municipale à la séance du 11 mars 2020 au cours de laquelle il a été délibéré sur la vente du bien et qu'elle a pris part au vote. Le requérant se prévaut à cet égard des mentions figurant sur la délibération attaquée, dont il ressort que sur les neuf membres du conseil municipal présents à la séance, dont Mme D..., neuf conseillers ont participé au vote sur les points à l'ordre du jour, dont celui tendant à l'approbation du choix des acquéreurs du chemin rural, ainsi que des incohérences relatives à l'heure du début du conseil municipal du 11 mars 2020. S'il est constant que Mme D..., qui avait fait connaître avec son époux son intention d'acquérir cette parcelle, avait un intérêt particulier à l'adoption de la délibération attaquée, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal et de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de la commune de Montigny-le-Chartif du 11 mars 2020, qu'elle est sortie de la salle avant les débats et le vote de cette délibération, auxquels elle n'a donc pas participé. Cette circonstance est en outre confirmée par une attestation de la secrétaire de la mairie qui précise que l'absence de rectification du nombre de votants (huit au lieu de neuf) est due à une erreur matérielle. Ainsi, quand bien même Mme D... avait en l'espèce un intérêt particulier à l'opération d'aliénation du chemin rural n° 53, aucun des éléments versés au dossier ne permet d'établir qu'elle a pris part au vote et aux débats qui ont précédé ce dernier. Par ailleurs, l'incohérence quant à l'heure de début du conseil municipal du 11 mars 2020 n'a aucune influence sur le fait de savoir si Mme D... était présente lors des débats et du vote de la délibération attaquée. Enfin, il n'est ni établi ni même allégué qu'elle aurait participé aux travaux préparatoires à la délibération en litige et été en mesure d'exercer une influence effective sur le sens de cette délibération. Dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été méconnues.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. ". Enfin, aux termes de son article L. 161-10 : " Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête. Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés. Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime qu'un seul des éléments indicatifs permet de retenir la présomption d'affectation à l'usage du public.

7. M. E... soutient que le chemin rural en litige est toujours affecté à l'usage du public dès lors qu'il s'en sert de voie de passage et qu'il l'utilise pour circuler avec ses engins agricoles, si bien qu'il ne pouvait pas donner lieu à une décision d'aliénation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des photos et des nombreuses attestations d'habitants de la commune de Montigny-le-Chartif produites en première instance, que ce chemin est une impasse que les époux D... utilisent pour rejoindre une partie de leur propriété, qu'ils sont les seuls à l'entretenir et qu'il n'est pas marqué par l'empreinte d'engins agricoles. Ces mêmes attestations contredisent par ailleurs les allégations de M. E... quant à son propre usage de ce chemin rural en tant que voie de passage, notamment avant l'engagement de la procédure d'aliénation. En outre, et à la supposer avérée, la seule circonstance que le chemin rural serait effectivement emprunté par le requérant pour accéder à sa parcelle agricole n'est pas de nature à faire regarder ce chemin comme affecté à la circulation générale et continue. Enfin, le commissaire enquêteur ayant constaté que " l'aliénation du chemin rural n° 53 du Boulay n'entrainerait pas de restriction à l'usage du public ", dès lors qu'il n'est pas affecté à l'usage du public, a émis un avis favorable au projet de cession le concernant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 11 mars 2020 autorisant le maire à signer tout acte et à entreprendre toutes les démarches en vue de la cession du chemin rural n° 53 du Boulay au profit de M. et Mme D.... Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. M. E... étant la partie perdante, ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de la commune de Montigny-le-Chartif une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Montigny-le-Chartif sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Montigny-le-Chartif en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la commune de Montigny-le-Chartif et à M. et Mme A... et C... D....

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pilven, président,

M. Ablard, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

Le président-rapporteur,

J-E. PilvenL'assesseur le plus ancien,

T. Ablard

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00943002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00943
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-02-03-01 Domaine. - Domaine privé. - Contentieux. - Compétence de la juridiction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. PILVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET UBILEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;23ve00943 ?
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