Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Umalis Group a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 20 avril 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours formé le 24 octobre 2016 par M. C... B... et, d'autre part, annulé la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B....
Par un jugement n° 1705480 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société Umalis Group et a mis à sa charge le versement à M. B... A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 aout 2020, la société anonyme Umalis Group, représentée par Me Olivier Placktor, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 20 avril 2017 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours formé le 24 octobre 2016 par M. B... et, d'autre part, annulé la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté, le 8 avril 2013, par la société Umalis Group, spécialisée dans des activités de soutien aux entreprises " NCA ", en qualité de directeur administratif et financier. M. B... détenait, par ailleurs, depuis le 20 avril 2014, le mandat de délégué du personnel de cette société, seule institution représentative de cette entreprise. Le 3 août 2016, son employeur a sollicité de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Hainaut-Cambrésis une autorisation de le licencier au motif que le salarié avait falsifié, pour être recruté, le nom de son ancien employeur en vue de dissimuler sa condamnation pour abus de confiance. Par une décision du 28 septembre 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M B.... Toutefois M. B... a formé, le 24 octobre 2016, un recours hiérarchique contre la décision autorisant son licenciement. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la ministre du travail pendant un délai de quatre mois, conformément aux dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail. Par une décision du 20 avril 2017, la ministre du travail a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet née de son silence gardé sur le recours hiérarchique formé le 24 octobre 2016, d'autre part, annulé la décision du 28 septembre 2016 pour l'infirmer, refusant ainsi la demande d'autorisation de licenciement de M. B... présentée par la société. La société Umalis Group relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2017 de la ministre du travail.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de ces dispositions que la motivation de la décision prise par le ministre chargé du travail sur recours hiérarchique doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. La décision du 20 avril 2017, par laquelle la ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur le recours hiérarchique formé par M. B... le 24 octobre 2016 et annulé la décision autorisant son licenciement, vise le code du travail et plus précisément les articles L. 2411-1 et suivants dont elle fait application, la décision de l'inspectrice du travail du 28 septembre 2016 ayant autorisé le licenciement pour motif disciplinaire de M. B..., le recours hiérarchique formé ensuite par le salarié le 20 octobre 2016 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique. Elle énonce le vice de procédure non relevé par l'inspectrice du travail, en faisant référence aux éléments du dossier et mentionne par conséquent les considérations de fait qui fondent l'appréciation de la ministre du travail. Cette décision comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être rejeté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ". Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".
5. Il résulte des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail citées au point 4 que le refus implicite né du silence conservé par le ministre du travail à la suite d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail, peut être retiré par une décision expresse prise dans un délai de quatre mois à compter de la naissance de ce refus et que le ministre peut, par une décision expresse, procéder au retrait de sa décision implicite de rejet, si celle-ci est illégale, et faire droit au recours hiérarchique, en annulant également la décision de l'inspecteur du travail alors même que le délai de quatre mois à compter de la naissance A... la décision de l'inspecteur du travail, prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, est expiré.
6. En l'espèce, comme il a été dit au point 3, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. B... par décision du 28 septembre 2016. M. B... a formé le 20 octobre 2016 un recours hiérarchique reçu le 24 octobre 2016 et rejeté implicitement le 24 février 2017. Dans le délai de quatre mois après la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, soit le 20 avril 2017, la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours de M. B... et refusé le licenciement du salarié protégé. Si la société Umalis Group se prévaut de ce que la ministre du travail a indiqué, dans un courrier du 6 mars 2017, qu'une décision implicite de rejet serait née le 25 octobre 2016, cette erreur de plume est sans incidence sur la légalité de la décision du 20 avril 2017. Par suite, la société Umalis Group n'est pas fondée à soutenir que le délai de quatre mois était expiré.
7. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". En vertu de ces dispositions, le ministre du travail, saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre l'employeur au profit duquel la décision contestée a créé des droits, à même de présenter ses observations, ce qui implique non seulement la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision, mais encore que soit laissé au destinataire un délai suffisant pour qu'il puisse élaborer et présenter ses observations.
8. Il ressort des pièces du dossier que la société Umalis Group a été avisée par courrier recommandé du 6 mars 2017 que la ministre du travail n'excluait pas de procéder au retrait de la décision implicite du 24 février 2017, pour des motifs de légalité tenant notamment au défaut de respect de l'article R. 1232-1, alinéa 3 du code du travail, imposant de mentionner, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de1'entreprise. Cette lettre laissait à la société Umalis Group un délai de dix jours pour présenter ses observations. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.
9. En quatrième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1233-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. (...) ". Aux termes de l'article L. 1232-4 de ce même code : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. ". Aux termes de l'article R. 1232-1 du même code : " La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. / Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. / Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié. ".
10. Il résulte de ces dispositions que tout salarié faisant l'objet d'un licenciement a le droit de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise lors de l'entretien préalable au licenciement. De plus, dans l'hypothèse où l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel, la lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner la possibilité pour l'intéressé de se faire assister par un conseiller du salarié de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département. Lorsque le salarié concerné est le seul représentant du personnel dans l'entreprise, il y a lieu d'assimiler sa situation à celle dans laquelle se trouve tout salarié dont l'entreprise est dépourvue d'institution représentative du personnel. Dans ces hypothèses, l'omission, dans la lettre de convocation adressée par l'employeur, de l'indication de la faculté pour l'intéressé de se faire assister par un conseiller du salarié ou par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise entache d'illégalité la décision administrative autorisant le licenciement du salarié.
11. D'autre part, aux termes de l'article L. 1254-1 du code du travail : " Le portage salarial désigne l'ensemble organisé constitué par : / 1° D'une part, la relation entre une entreprise dénommée " entreprise de portage salarial " effectuant une prestation et une entreprise cliente bénéficiant de cette prestation, qui donne lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial ; / 2° D'autre part, le contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le " salarié porté ", lequel est rémunéré par cette entreprise ". Or, selon l'article L. 1254-29 du même code : " Pour calculer les effectifs d'une entreprise de portage salarial, il est tenu compte : / 1° Des salariés permanents fonctionnels de cette entreprise déterminée conformément à l'article L. 1111-2 ; / 2° Des salariés portés qui ont effectué des prestations de portage salarial dans le cadre de contrats de travail conclus avec cette entreprise pendant une durée d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était le seul représentant du personnel au sein de la société Umalis Group. La lettre du 25 juillet 2016 par laquelle son employeur l'a convoqué à l'entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le 3 août 2016, mentionnait la possibilité pour l'intéressé de se faire assister par un conseiller extérieur choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. Mais elle ne mentionnait pas la possibilité pour l'intéressé d'être assisté par un membre de son choix du personnel de l'entreprise. Or M. B..., directeur administratif et financier, membre de la direction, aurait pu faire le choix de se faire assister par un autre membre de la direction n'ayant pas participé à la procédure de licenciement, quand bien même ils exerçaient leurs fonctions en télétravail ou n'étaient pas rattachés à l'établissement de Caudry. M. B... pouvait également, contrairement à ce que soutient la société appelante, choisir d'être assisté par l'un des salariés portés de la société Umalis Group dès lors qu'ils relèvent, conformément à l'article L. 1254-29 du code du travail, du personnel de la société. La circonstance, selon la société Umalis Group, que M. B... ne voulait pas être assisté est sans incidence sur l'illégalité de l'autorisation de licenciement tenant à l'omission de la mention de la possibilité pour l'intéressé d'être assisté par un membre de son choix du personnel de la société. La société Umalis Group a donc méconnu la procédure prescrite à l'article L. 1232-4 précité du code du travail. C'est dès lors à bon droit que la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet et annulé la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé le licenciement de M. B....
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Umalis Group n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Doivent, par voie de conséquence, être rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Umalis Group le versement d'une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Umalis Group est rejetée.
Article 2 : La société Umalis Group versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Umalis Group, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. C... B....
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N°20DA01177