Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Aravis Business Retreats Limited a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au 30 novembre 2005 et au 30 novembre 2006.
Par un jugement n° 1101699 du 8 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2015 et le 5 août 2015, la Société Aravis Business Retreats Limited, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2014 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La Société Aravis Business Retreats Limited soutient que :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
- l'administration ne pouvait procéder à la taxation d'office de ses revenus sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales car elle aurait dû l'informer qu'elle estimait qu'elle réalisait des opérations taxables en France préalablement à tout contrôle, puisqu'un débat doit être engagé avec le contribuable sur sa domiciliation fiscale préalablement à toute mise en demeure d'avoir à souscrire des déclarations de revenus ;
- le recours à la taxation d'office n'est pas justifié car elle n'a pas exercé une activité occulte en France ;
- le recours à la taxation d'office n'aurait pu être possible qu'après l'envoi de deux mises en demeure restées infructueuses ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :
- elle n'entre pas dans le champ des sociétés qui doivent être imposées en France en application de l'article 209-I du code général des impôts dans la mesure où elle ne possède aucune entreprise en France et qu'elle ne dispose pas d'un établissement en France, tant au sens de la jurisprudence administrative qu'en application des articles 4 et 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 ; qu'en effet, la société est une société de droit britannique, dont tous les dirigeants sont résidents en Grande-Bretagne, dont le siège de direction effective est en Grande-Bretagne qui n'emploie en France aucun salarié, qui ne dispose pas d'un compte bancaire en France, qui ne dispose pas de véhicules, dont les clients ne sont pas des sociétés françaises, qui n'effectue aucune démarche commerciale ou autre en France et dont toutes les opérations se rapportant à la gestion de l'activité sont réalisées en Grande-Bretagne ; que ni la circonstance que la société loue un chalet à Saint-Jean-de-Sixt, ni le fait que le personnel britannique se déplace épisodiquement en France ne suffit à caractériser l'existence d'un établissement stable, en l'absence de permanence de l'établissement et de tout pouvoir de gestion et de décision localement ; que les activités de la société ne se limitent pas à la France, les stages à l'étranger se déroulant également en Suède ou en Hollande, et une part substantielle de l'activité se déroulant dans les locaux de Londres ;
- contrairement à la définition donnée de l'établissement stable par le paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-INT-DG-20-20-10 du 12 septembre 2012, elle ne dispose pas d'une activité propre, ce qui implique normalement la présence sur place de personnels de l'entreprise, puisqu'elle ne dispose pas en France de salariés permanents ;
- aucun des documents caractéristiques de la notion de siège de direction effective, au sens du paragraphe 120 du BOI-IS-DECLA-30-10-40, n'a été trouvé dans les locaux loués à Saint-Jean-de-Sixt, tous ces documents se trouvant au siège de la société en Grande-Bretagne, pays dans lequel elle doit être imposée ;
- elle n'exerce pas une activité occulte en France et son activité n'est pas le prolongement de l'activité de la précédente société qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 2 décembre 2003, cette précédente société exerçant cette activité dans des conditions très différentes puisqu'elle disposait de façon permanente d'une installation comportant des moyens humains et techniques nécessaires à la prestation de service ;
- bien qu'il ne s'agisse pas des mêmes impositions, elle est bien fondée à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, du fait que l'administration fiscale a déchargé les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait initialement mis à sa charge au motif qu'elle disposait d'un établissement stable en France, l'exigence d'une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possible la fourniture et l'utilisation de services étant commune à ces deux catégories d'imposition, ainsi que cela ressort, pour la taxe sur la valeur ajoutée du paragraphe 140 du BOI-TVA-CHAMP-20-50-10 20100912 ;
- le fait que l'administration se refuse à révéler les raisons qui l'ont conduite à abandonner le rappel de taxe sur la valeur ajoutée constitue une atteinte au principe du procès équitable tel que défini par la Cour de justice des communautés européennes ;
En ce qui concerne les bases d'imposition :
- la méthode utilisée par l'administration française pour déterminer le bénéfice imposable de la société, en prenant l'ensemble du bénéfice déclaré en Grande-Bretagne, est incompatible avec les articles 6§2 et 6§6 de la convention fiscale franco-britannique, seuls devant être imposés en France les résultats imputables à l'établissement français, ainsi qu'avec les règles fixées par le code général des impôts qui prévoient que le bénéfice passible de l'impôt sur les sociétés est déterminé en ne tenant compte que des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France et d'autres bénéfices limitativement énumérés, ainsi qu'avec le paragraphe 120 du BOI-INT-DG-20-20-10 du 12 septembre 2012 ;
- aucun produit n'est susceptible d'être comptabilisé pour la France, aucune prestation détachable n'étant facturée et facturable en France, alors que plusieurs charges d'exploitation sont localisables en France, telles que les loyers, certains frais de restauration et d'alimentation, ainsi qu'un prestataire local pour les sorties en montagne, ce qui conduirait à un résultat structurellement déficitaire ;
- la comptabilité de la société, qui obéit aux règles anglaises et a fait l'objet de déclarations fiscales en Grande-Bretagne, ne permet pas de déterminer un bénéfice imposable en France, attribuable à l'établissement stable dont elle disposerait en France ;
Sur la majoration :
- elle n'a pas exercé une activité occulte en France puisqu'elle déclarait son activité et ses bénéfices en Grande-Bretagne.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2015 et le 28 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la Société Aravis Business Retreats Limited ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 janvier 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la Société Aravis Buisiness Retreats Limited a été enregistré le 4 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 22 mai 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour la Société Aravis Business Retreats Limited, a été enregistrée le 9 septembre 2016.
1. Considérant que la Société Aravis Business Retreats Limited, qui exerce depuis 1994 une activité d'organisation de séminaires et de stages à l'intention de cadres supérieurs de sociétés, dans un chalet à Saint-Jean-de-Sixt (Haute-Savoie), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 30 novembre des années 2005 et 2006 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2006 ; qu'à l'issue de cette vérification de comptabilité, l'administration lui a adressé une proposition de rectification en date du 17 juillet 2008 portant sur des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; qu'à la suite des observations présentées par le responsable légal de la société le 1er août 2008, l'administration a décidé de maintenir lesdites impositions par une réponse aux observations du contribuable du 30 septembre 2008 ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés correspondants et les pénalités y afférentes, intérêts de retard et majoration de 80 % pour activité occulte sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts, ont été mis en recouvrement le 15 janvier 2009 pour un montant total de 529 548 euros ; que, par décision du 20 janvier 2011, l'administration a décidé de dégrever la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, soit, en droits et pénalités, un montant de 493 175 euros ; que la Société Aravis Business Retreats Limited relève appel du jugement du 8 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au 30 novembre 2005 et au 30 novembre 2006, pour un montant total de 36 251 euros ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968, alors applicable : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (en France) " ; que, selon l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : a. un siège de direction ; b. une succursale ; c. un bureau... 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme établissement stable dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise. 5. On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat contractant a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'entremise d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité. " ;
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. Considérant que la société Aravis Limited, société de droit anglais dont le siège est au Royaume-Uni, exerce depuis 1994 une activité d'organisation de séminaires et de stages à l'intention de cadres supérieurs de sociétés ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des déclarations de la société lors de la vérification de comptabilité, ainsi que des constatations faites par l'administration qui a consulté les sites internet de la société, que les séminaires sont habituellement organisés dans un chalet à Saint-Jean-de-Sixt (Haute-Savoie), un seul séminaire ayant été organisé en dehors de ce lieu au cours de la période vérifiée à la demande de clients ; que la société Aravis Limited dispose de la jouissance de ce chalet en vertu d'un contrat de bail commercial d'une durée de neuf ans, signé avec la SCI Chalet Ski Savoie le 9 décembre 2005, qui indique que le chalet doit être constamment utilisé conformément aux usages de sa profession et que le preneur doit meubler le chalet ; que les séminaires proposés et organisés, tout au long de l'année, dans ce chalet durent quelques jours ; que les prestations offertes sur place comprennent le logement, les repas, des interventions extérieures, des prestations externes de détente et la mise à disposition de matériel bureautique ; que, pour assurer les prestations de logement et de repas, la société Aravis Limited emploie des salariés qui, s'ils ne disposent pas de contrats de travail français, viennent en France pour assurer les prestations offertes aux clients ; que, dans ces conditions, bien que, selon la société requérante, tous ses dirigeants soient résidents en Grande-Bretagne, que la société ne dispose pas d'un compte bancaire domicilié..., qu'elle ne dispose pas de véhicules immatriculés en France, que ses clients ne soient pas des sociétés françaises, et que les démarches commerciales ainsi que les opérations se rapportant à la gestion de l'activité seraient réalisées depuis la Grande-Bretagne où se situerait le siège de direction effectif de la société, la société Aravis Limted doit être regardée comme disposant en France d'un établissement autonome ; qu'ainsi, en organisant tout au long de l'année des séminaires dans ce chalet de Saint-Jean-de-Sixt, la société Aravis Limited exploite une entreprise en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts ; qu'il en résulte que les bénéfices tirés de cette activité étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en application de la loi fiscale française sans qu'y fasse obstacle le fait qu'il s'agit d'une société de droit britannique et sans qu'ait d'incidence sur le principe de l'imposition la circonstance que l'activité présente ou non un caractère occulte en France ;
S'agissant de l'application de la convention franco-britannique :
5. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de la convention franco-britannique que, pour avoir un établissement stable en France, une société résidente du Royaume-Uni doit soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres ;
6. Considérant, eu égard à ce qui a été précédemment indiqué, et notamment eu égard au fait que la société dispose, avec ce chalet, d'une assise physique permanente en France, la société Aravis Limited dispose également en France d'une installation fixe d'affaires, par laquelle elle exerçait tout ou partie de son activité, constitutive d'un établissement stable au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique ;
S'agissant de l'application de la doctrine :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ; que la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des prévisions du paragraphe 40 de la doctrine administrative BOI-INT-DG-20-20-10 du 12 septembre 2012, qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application, et du paragraphe 120 du BOI-IS-DECLA-30-10-40 du 12 septembre 2012, uniquement relatif à la détermination du lieu de souscription des déclarations d'impôts de sociétés ayant une activité en France, ces doctrines étant postérieures aux impositions litigieuses ;
S'agissant du dégrèvement opéré en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) " ;
9. Considérant que la décision, non motivée, par laquelle l'administration procède au dégrèvement d'une imposition ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que l'administration n'étant pas tenue de motiver un tel dégrèvement, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le fait que l'administration se refuserait à révéler les raisons qui l'ont conduite à abandonner le rappel de taxe sur la valeur ajoutée constituerait une " atteinte au principe du procès équitable tel que défini par la Cour de justice des communautés européennes " ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales applicable à l'espèce : " Sont taxés d'office : / (...) 2° A l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 (...) " ;
11. Considérant que la Société Aravis Limited s'est vu adresser par l'administration fiscale une mise en demeure le 19 décembre 2007 de déposer ses déclarations de résultats en matière d'impôt sur les sociétés pour ses exercices clos en 2005 et en 2006 ; que, faute pour elle d'avoir régularisé sa situation dans les délais impartis, l'administration l'a imposée d'office conformément aux dispositions précitées des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales ; que, contrairement à ce que soutient la Société Aravis Business Retreats Limited, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à l'administration, préalablement à l'envoi de cette mise en demeure de souscrire la déclaration de résultats et de régulariser sa situation, d'informer la contribuable du fait qu'elle estimait qu'elle réalisait des opérations taxables en France et d'engager un débat contradictoire avec la contribuable sur le principe de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de taxation d'office serait, à cet égard, entachée d'irrégularité doit être écarté ;
12. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales permettent à l'administration de procéder à la taxation d'office dès l'envoi de la première mise en demeure si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification ; que, par suite, la Société Aravis Business Retreats Limited, qui ne conteste pas les conditions dans lesquelles elle a été destinataire de la mise en demeure du 19 décembre 2007, n'est pas fondée à soutenir que le recours à la taxation d'office nécessitait l'envoi de deux mises en demeure restées infructueuses ;
13. Considérant que l'administration ayant procédé à la taxation d'office de la Société Aravis Business Retreats Limited après l'avoir mise en demeure de régulariser sa situation, la circonstance alléguée selon laquelle la société Aravis Limited n'exerçait pas une activité occulte en France est sans incidence sur la régularité du recours à la procédure de taxation d'office ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les bases de l'impôt sur les sociétés :
S'agissant de la charge de la preuve :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. " ; que la société Aravis Business Retreats Limited ayant été régulièrement taxée d'office pour les années 2005 et 2006 en application des articles L. 66, 2° et L. 68 du livre des procédures fiscales, elle supporte en conséquence la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste ;
S'agissant de la détermination du chiffre d'affaires imposable :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...). " ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention fiscale franco-britannique : " (...) 2. Lorsqu'une entreprise d'un Etat contractant exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque Etat contractant, à cet établissement stable les bénéfices industriels et commerciaux qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant dans des conditions normales de concurrence avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable. / 3. Dans le calcul des bénéfices industriels et commerciaux d'un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux ainsi exposés soit dans l'Etat où est situé l'établissement stable, soit ailleurs, mais à l'exclusion des dépenses qui ne seraient pas déductibles si l'établissement stable constituait une entreprise séparée. (...) 6. S'il est d'usage dans un Etat contractant de déterminer conformément à sa législation les bénéfices imputables à un établissement stable sur la base d'une répartition des bénéfices totaux de l'entreprise entre ses diverses parties, aucune disposition du paragraphe 2 n'empêche cet Etat contractant de déterminer les bénéfices imposables selon la répartition en usage ; la méthode de répartition adoptée doit cependant être telle que le résultat obtenu soit conforme aux principes contenus dans le présent article. (...) " ;
16. Considérant que pour déterminer le bénéfice net de la société Aravis Limited, l'administration fiscale, après avoir dressé un procès verbal de carence de comptabilité, s'est fondée sur le compte de résultat et la déclaration d'impôt sur les sociétés déposés en Grande-Bretagne par la société Aravis Limited, documents qu'elle a obtenus auprès des autorités britanniques dans le cadre d'une demande d'assistance administrative prévue à l'article 27 de la convention franco-britannique ; que l'administration, qui a estimé, au vu notamment des éléments rappelés ci-dessus, que l'intégralité des prestations de la société étaient réalisées en France, a pris en compte la totalité du chiffre d'affaires déclaré par la société en Grande-Bretagne et en a déduit l'ensemble des charges de production ainsi qu'une partie des charges administratives qu'elle y avait déclarés ; que la société requérante conteste, dans son principe, la méthode retenue par l'administration consistant à avoir pris en compte l'ensemble de son chiffre d'affaires déclaré en Grande-Bretagne, sans avoir isolé la part de son chiffre d'affaires résultant de l'entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts ou de l'établissement stable au sens de l'article 6 de la convention bilatérale franco-britannique ; que, toutefois, alors que l'administration a justifié la raison pour laquelle elle avait pris en compte l'ensemble du chiffre d'affaires déclaré en Grande-Bretagne par la société et qu'elle a fait valoir que l'adresse de la société en Grande-Bretagne était une simple adresse de domiciliation, la société n'apporte aucun élément de preuve pour justifier qu'elle aurait effectivement réalisé une partie de son chiffre d'affaires en dehors de France ; que la charge de la preuve lui incombant, elle ne peut pas utilement faire valoir que sa comptabilité, qui obéirait aux règles anglaises et a permis le dépôt de déclarations fiscales en Grande-Bretagne, ne permettrait pas de déterminer un bénéfice imposable en France, ni qu'aucun de ses produits ne serait susceptible d'être facturé et comptabilisé spécifiquement pour l'entreprise exploitée en France au sens du code général des impôts ou pour l'établissement stable au sens de la convention franco-britannique ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait, en utilisant une telle méthode, et alors qu'elle ne conteste pas le fait que l'administration n'a pris en compte qu'une partie des charges administratives qu'elle a déclarées en Grande-Bretagne, méconnu l'article 209 précité du code général des impôts ou l'article 6 de la convention fiscale franco-britannique ;
17. Considérant que la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions du paragraphe 120 de la doctrine administrative BOI-INT-DG-20-20-10 du 12 septembre 2012, qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application et qui est postérieure aux impositions litigieuses ;
Sur la majoration pour découverte d'une activité occulte :
18. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration (...) s'abstient de souscrire cette déclaration (...), le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration (...) est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. / (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : / (...) 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. " ;
19. Considérant que, se prononçant sur la conformité à la Constitution du texte adopté par le Parlement et qui allait devenir l'article 103 de la loi du 30 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a estimé, par sa décision du 29 décembre 1999, d'une part, que la notion d'activité occulte est définie avec une précision suffisante à l'article L. 169 du livre des procédures fiscale qui prévoit un délai spécial de reprise de l'administration " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce " et que la pénalité qu'il était prévu d'instituer au dernier alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts ne pourrait s'appliquer qu'à cette double condition, d'autre part, qu'il incombera à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ; que c'est sous réserve de cette interprétation que l'article 103 de la loi du 30 décembre 1999 a été déclaré conforme à la Constitution ;
20. Considérant qu'il résulte des dispositions du dernier alinéa du 3 de l'article 1728 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives ; que, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États ;
21. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, la Société Aravis Limited n'a déposé au titre des exercices litigieux aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire en matière d'impôt sur les sociétés du fait de son activité imposable en France et n'a pas davantage fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; que la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas exercé d'activité occulte en France puisqu'elle est enregistrée en Grande-Bretagne et y a déposé ses déclarations fiscales ; que, toutefois, à supposer que la société ait entendu contester par ce moyen la majoration pour activité occulte, s'il existe une clause d'assistance administrative pour lutter contre l'évasion fiscale dans la convention fiscale franco-britannique précitée, toutefois, eu égard au niveau d'imposition des sociétés en Grande-Bretagne, et notamment des " small companies " comme la société requérante, la société ne justifie pas avoir commis une simple erreur ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve de l'exercice par la Société Aravis Limited d'une activité occulte en France ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a fait application, au titre des exercices litigieux d'une majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte sur le fondement du 3 de l'article 1728 du code général des impôts ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Aravis Business Retreats Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par suite, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Société Aravis Business Retreats Limited est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Aravis Business Retreats Limited et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2016.
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N° 15LY00530