Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 juin 2018 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1801976 du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête enregistrée le 23 août 2018 sous le n° 18MA03996 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 octobre 2018, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du 24 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2018 du préfet du Gard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait, son mari étant de nationalité arménienne ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales était inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
II°) Par une requête enregistrée le 30 août 2018 sous le n° 18MA04083 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 octobre 2018, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du 24 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en particulier la séparation avec son époux ;
- les moyens d'annulation développés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans chaque affaire par deux décisions du 26 octobre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre la Communauté européenne et l'Ukraine sur la réadmission des personnes du 18 décembre 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Courbon.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18MA03996 et n° 18MA04083, présentées pour Mme E..., concernent la même requérante, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par deux décisions du 26 octobre 2018, Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 16MA03996 :
3. Par arrêté du 12 juin 2018, le préfet du Gard a pris à l'encontre de Mme E..., de nationalité ukrainienne, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme E... relève appel du jugement du 24 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
5. La décision contestée mentionne les dispositions de droit sur lesquelles elle se fonde et comporte des éléments détaillés quant à la situation administrative, personnelle et familiale de la requérante. Elle est ainsi suffisamment motivée.
6. Il ressort tant des pièces du dossier que des termes de la décision contestée que le préfet du Gard a pris en considération l'ensemble des éléments caractérisant la situation de Mme E... avant de prendre la décision contestée. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen particulier de sa situation.
7. Si l'obligation de quitter le territoire français mentionne que Mme E... se déclare mariée avec un compatriote, M. A... D..., alors que celui-ci est en réalité de nationalité arménienne, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Gard aurait pris la même décision s'il avait pris en compte la nationalité arménienne de l'intéressé. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme E... est arrivée en France au mois de décembre 2016. Son époux et ses deux enfants majeurs se trouvent également en situation irrégulière sur le territoire national après le rejet de leurs demandes d'asile. Ainsi, et compte tenu des conditions et du caractère récent de son séjour en France, et alors même que ses petits-enfants y seraient scolarisés, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. La requérante soutient que dans la mesure où son époux, M. D..., est de nationalité arménienne, alors qu'elle-même est de nationalité ukrainienne, la décision contestée, qui désigne l'Ukraine comme pays d'exécution de la mesure d'éloignement, méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Le préfet du Gard a fixé comme pays d'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E... " le pays dont elle a la nationalité, ou, avec son accord, tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible ". Ainsi, son éloignement peut être exécuté à destination de l'Ukraine, pays dont son conjoint n'a pas la nationalité. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que par jugement du 24 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 12 juin 2018 désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. D..., en raison de l'erreur commise par le préfet sur sa nationalité.
12. L'article 3 de l'accord entre la Communauté européenne et l'Ukraine sur la réadmission des personnes du 18 décembre 2007 dispose toutefois que " 1. L'État requis réadmet sur son territoire, à la demande de l'État requérant et sans autres formalités que celles précisées dans le présent accord, tout ressortissant de pays tiers ou apatride qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de l'État requérant, lorsqu'il est prouvé, conformément à l'article 7 du présent accord, que cette personne : / a) a pénétré illégalement sur le territoire des États membres en arrivant directement du territoire de l'Ukraine ou a pénétré illégalement sur le territoire de l'Ukraine en arrivant directement du territoire des États membres ; / b) détenait, au moment de son entrée, une autorisation de séjour en règle délivrée par l'État requis ; (...) ", sans qu'y fasse obstacle la délivrance par l'Etat requérant d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile, conformément aux dispositions combinées du 2. de l'article 3 et du g) de l'article 1er de cet accord.
13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... est arrivé en France irrégulièrement, en juillet 2016, pour y demander l'asile, en provenance d'Ukraine, où il résidait depuis plusieurs années et qu'il était en possession, au moment de son entrée sur le territoire national, d'un titre de séjour délivré par les autorités ukrainiennes, valable du 16 septembre 2015 au 15 septembre 2016. Par suite, il doit être regardé comme remplissant les conditions permettant sa réadmission en Ukraine, pays dont son épouse à la nationalité, en application des dispositions précitées des a) et b) de l'article 3 de l'accord entre la Communauté européenne et l'Ukraine sur la réadmission des personnes. Dès lors, la décision désignant l'Ukraine comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme E... ne peut être regardée, en tant que telle, comme ayant pour effet d'entraîner la séparation des époux, dont la vie familiale peut se poursuivre en Ukraine. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que cette décision méconnaîtrait, dans les circonstances de l'espèce, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 16MA04083 :
14. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement 24 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes, la requête n° 18MA04083 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Nîmes, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2018 par lequel le préfet du Gard lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Il y a donc lieu de rejeter également, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentées par Mme E....
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA04083 de Mme E....
Article 3 : La requête n° 18MA03996 de Mme E... est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 janvier 2019.
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N° 18MA03996,18MA04083