Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 juillet 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 avril 2022, la société Supermarchés Match demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le maire d'Audun-le-Tiche a délivré à la société SCCV Audun-le-Tiche Développement un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le maire de Russange a délivré à la société SCCV Audun-le-Tiche Développement un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ;
3°) de mettre à la charge des communes d'Audun-le-Tiche, de Russange, de l'Etat et de la société SCCV Audun-le-Tiche Développement une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 27 février 2020 du maire de Russange est entaché d'incompétence ;
- il appartient à la Commission nationale d'aménagement commercial d'établir qu'ont été recueillis les avis de l'ensemble des ministres intéressés ;
- le dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial est entaché de plusieurs insuffisances ;
- le projet autorisé ne s'intègre pas dans le tissu urbain ;
- le projet autorisé a des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine ;
- l'accessibilité du projet par les modes de transports alternatifs est insuffisante ;
- les coûts indirects supportés par la collectivité sont trop importants ;
- le projet n'est pas à la hauteur des enjeux de reconversion de cette vaste friche industrielle et minière ;
- le projet autorisé affectera négativement les flux de circulation ;
- la garantie quant à la réalisation d'une voie d'accès au projet est insuffisante ;
- la présentation de l'insertion architecturale du projet manque de sincérité.
Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2020, la commune d'Audun-le-Tiche conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Supermarchés Match ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2020, la commune de Russange conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Supermarchés Match ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés le 5 novembre 2020 et le 5 mai 2022, la société SCCV Audun-le-Tiche Développement conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 12 000 euros soit mise à la charge de la société Supermarchés Match sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de l'absence d'intérêt à agir de la requérante ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 2011-414 du 18 avril 2011 ;
- le décret n° 2012-327 du 6 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baton substituant Me Meillard, pour la société Supermarchés Match, ainsi que celles de Me Ponsard, pour la société SCCV Audun-le-Tiche Développement.
Considérant ce qui suit :
1. La société SCCV Audun-le-Tiche Développement a demandé, le 19 juin 2019, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un pôle de commerces, restaurants et bureaux destinés à recevoir une maison de santé, le projet se situant sur le territoire des communes d'Audun-le-Tiche et Russange. La commission départementale de l'aménagement commercial de la Moselle a émis un avis favorable sur le projet le 4 octobre 2019. Le 23 janvier 2020, la Commission nationale de l'aménagement commercial a rejeté les recours présentés par la société Supermarchés Match et émis un avis favorable. La société Supermarchés Match demande l'annulation des arrêtés du 27 février 2020 des maires d'Audun-le-Tiche et Russange portant délivrance de permis de construire, en tant qu'ils valent autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial / [...] ".
3. Pour l'application de l'art. L. 752-17 du code de commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale d'aménagement commercial puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la Commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
4. Aux termes de l'article R. 752-3 du code de commerce : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société SCCV Audun-le-Tiche Développement consiste en la création d'un ensemble commercial de 3 785,60 mètres carrés de surface de vente composé de trois moyennes surfaces alimentaires, une moyenne surface non alimentaire de 425 mètres carrés, huit boutiques dont trois cellules de secteur alimentaire et cinq cellules de secteur non alimentaire sur une surface de vente totale de 15 017,10 mètres carrés à Audun-le-Tiche et Russange.
6. Si la société SCCV Audun-le-Tiche Développement fait valoir que l'activité de la société requérante ne serait pas affectée par l'autorisation contestée, il ressort des pièces du dossier que la requérante exploite dans la zone de chalandise du projet un magasin à Villerupt, soit à moins de deux kilomètres du site du projet ou quatre minutes en voiture. Par conséquent, la société SCCV Audun-le-Tiche Développement n'est pas fondée à soutenir que la requérante n'a pas intérêt à agir. La circonstance que la société Supermarchés Match soit une candidate malheureuse à l'occupation d'une surface du site est sans incidence sur l'intérêt qu'elle a à agir contre les arrêtés du 27 février 2020. Dans cette mesure la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut qu'être écartée.
Sur la légalité des arrêtés du 27 février 2020 :
En ce qui concerne spécifiquement la légalité de l'arrêté du maire de Russange du 27 février 2020 :
7. En premier lieu, M. B... A..., adjoint au maire de Russange a reçu délégation de signature, par arrêté du 9 avril 2014 à l'effet de signer au nom du maire " la délivrance et signature des permis de construire et des différentes autorisations d'occupation et d'utilisation du sol ". Par suite, M. A... était compétent pour signer au nom maire de Russange l'arrêté du 27 février 2020.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors en vigueur : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent. Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public. / [...] ". Aux termes de l'article R. 111-19-13 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 est délivrée au nom de l'Etat par : / a) Le préfet, lorsque celui-ci est compétent pour délivrer le permis de construire ou lorsque le projet porte sur un immeuble de grande hauteur ; / b) Le maire, dans les autres cas ".
9. La société Supermarchés Match soutient que l'arrêté du 27 février 2020 est entaché d'incompétence dès lors que n'a pas été préalablement recueilli l'avis de l'autorité compétente en vertu de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 8 ci-dessus, que lorsque le maire a compétence pour délivrer un permis de construire, comme cela est constant en l'espèce, et que celui-ci porte sur un établissement recevant du public, il ne peut être accordé qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, laquelle est le maire, agissant au nom de l'Etat, sauf pour les immeubles de grande hauteur. Par conséquent, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 27 février 2020 doit être écarté.
En ce qui concerne l'irrégularité de l'avis des ministres recueillis par la Commission nationale d'aménagement commercial :
10. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'art. R. 752-36 du code de commerce : " Le secrétariat de la Commission nationale instruit et rapporte les dossiers. Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la Commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. " Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au commissaire du Gouvernement de recueillir et de présenter à la Commission nationale les avis de l'ensemble des ministres intéressés avant d'exprimer son propre avis.
11. Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a émis son avis du 23 janvier 2020 au vu notamment d'un avis émis par le ministre chargé du commerce du 16 janvier 2020 et d'un avis du ministre chargé de l'urbanisme du 22 janvier 2020.
12. En second lieu, aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Quinze jours au moins avant la réunion de la Commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la Commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques ". Aux termes de l'article R. 752-35 du même code : " La Commission nationale se réunit sur convocation de son président / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la Commission nationale ".
13. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial, ont quant à eux été destinataires simultanément le 8 janvier 2020, d'une convocation en vue de la séance de la Commission du 23 janvier 2020, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet contesté par la société Supermarchés Match. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il n'est ni établi, ni même allégué que les membres de la Commission n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause dans le délai prévu par l'article R. 752-35 du code de commerce.
14. Par conséquent, le moyen tiré de la violation des règles de procédure prévues par les articles R. 752-34 et R. 752-36 du code de commerce doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :
15. D'une part, invoquant le a) du 3° de l'article R. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur, la requérante soutient que le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société SCCV Audun-le-Tiche Développement ne comporte pas d'indication suffisante sur les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine et la préservation du tissu commercial de proximité. D'autre part, la requérante estime que la présentation de l'insertion architecturale manque de sincérité dès lors qu'elle présente comme acquise la réalisation d'autres phases du projet global de réhabilitation de la friche industrielle.
16. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la première branche du moyen est dépourvue de toute précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé dès lors que les dispositions dont se prévaut la requérante ne prévoient pas une telle obligation. De surcroît, s'agissant tant de la première que de la seconde branche de ce moyen la requérante n'allègue ni n'établit qu'une éventuelle omission ou insuffisance du dossier n'aurait pas permis aux maires d'Audun-le-Tiche et Russange de se prononcer de manière suffisamment éclairée. Ainsi le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'intégration urbaine du projet :
17. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération :/ 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ;/ f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; ".
18. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
19. La société Supermarchés Match soutient que le projet autorisé n'est pas intégré dans le tissu urbain car l'implantation d'un village de marque de 17 271 mètres carrés de surface de vente se fera dans une un espace éloigné des lieux de vie où réside sa clientèle potentielle qui s'y rendra en automobile. De surcroît, la société requérante estime que si le projet autorisé s'inscrit dans la programmation de plusieurs projets d'envergure dans le périmètre de l'opération d'intérêt national Alzette-Belval, la réalisation de ces différentes déclinaisons n'est pas suffisamment certaine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet autorisé par les arrêtés du 27 février 2020 s'insère dans le périmètre de l'opération d'intérêt national Alzette-Beval créé par le décret du 18 avril 2011 susvisé pour la réalisation de laquelle a été créé l'établissement public d'aménagement d'Alzette-Belval par le décret du 6 mars 2012 susvisé. Par ailleurs, il est constant que l'assiette du projet est située à proximité immédiate de la zone d'aménagement concerté de l'Alzette sur laquelle doivent être implantés des logements, des services publics et des entreprises intégrant ainsi un nouveau quartier. De surcroît, la friche sur laquelle prend place le projet est située à 2,3 kilomètres, 2 kilomètres et 1,4 kilomètres des centres-villes des communes d'Audun-le-Tiche, Russange et Villerupt. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine :
20. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et le développement n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.
21. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les dispositions ajoutées à l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi du 23 novembre 2018, qui n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer des critères constitutifs d'un test économique, mais ont pour seul objet de lutter contre le déclin des centres-villes et s'inscrivent dans un objectif d'aménagement du territoire, sont justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.
22. La requérante soutient qu'en méconnaissance du e) du I de l'article L. 752-6 du code de commerce précité, l'autorisation contestée portera atteinte à l'animation de la vie urbaine par la création de cellules commerciales dont le format serait similaire à celui des magasins de centre-ville qui connaissent par ailleurs des taux de vacance élevé. Toutefois, les dispositions précitées ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le projet en cause, qui repose sur la requalification d'une friche industrielle tout en renforçant la continuité du tissu urbain existant, entend participer à la redynamisation du territoire et à une diversification de l'offre de produits sur la zone de chalandise actuelle, laquelle a connu un accroissement de population de plus de 15 % entre 2006 et 2016, et ce, en dépit du taux de vacance commerciale important dans les communes d'implantation, sans qu'il ressorte d'ailleurs, eu égard à la composition des commerces des centres villes concernés et à la nature des activités envisagées sur le site, une concurrence et un risque d'évasion de la clientèle vers le pôle commercial nouvellement créé. En outre, compte tenu de sa proximité immédiate de la future zone d'habitat, il offrira une qualité de vie et d'échange aux riverains, dont le nombre est appelé à augmenter dans les prochaines années. Ainsi le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne l'insuffisante accessibilité du projet par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :
23. En premier lieu, invoquant le d) du I de l'article L. 752-6 du code de commerce précité, la société Supermarchés Match soutient que la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait considérer le projet litigieux comme desservi par les transports en commun et que le constat selon lequel la plateforme de correspondance (également appelée " hub " de mobilité) qui devrait être opérationnelle à l'horizon du second semestre 2021 ne peut être regardée comme garantie. En défense, la société SCCV Audun-le-Tiche Développement fait valoir que certes le projet n'est pas directement accessible en transport en commun mais que l'arrêt de bus actuel le plus proche est à 650 mètres. Par ailleurs, la pétitionnaire fait valoir que les aménagements prévus dans le cadre de la zone d'aménagement de Micheville présentent un caractère certain. Ce dernier est établi par la délibération du 7 octobre 2019 du conseil municipal de Villerupt qui a approuvé à l'unanimité le programme des équipements de la zone d'aménagement concerté ainsi que par les termes d'une convention de financement entre les différents acteurs publics de ce projet qui comprend la création d'un " hub " de mobilité et l'accueil d'une ligne de bus à haut niveau de service reliant Micheville à Luxembourg.
24. S'il est constant que l'arrêt de bus le plus proche, situé à 650 mètres, est desservi à l'heure actuelle par une ligne de bus peu fréquente, toutefois une plateforme de correspondance, qui se situera à 250 mètres du projet, est prévu par la convention de la zone d'aménagement concerté, lequel doit accueillir deux autres lignes du réseau luxembourgeois. De surcroît, il ressort des pièces du dossier que présentent un caractère suffisamment certain les projets d'extension des voies piétonnes et cyclables et de création d'une ligne de bus à haut niveau de service, dont la réalisation n'interviendra que lorsque le projet plus global concernant le volet habitat sera lui-même en cours d'achèvement, compte tenu des enjeux que représentent ces équipements pour la réalisation de l'opération d'envergure de requalification de la zone, située à proximité du Luxembourg. La circonstance que le projet s'insère dans une opération globale d'aménagement, dont il demeure néanmoins autonome au regard de son objet et de la nature des activités qu'il comprend, n'empêche pas le pétitionnaire de se prévaloir des équipements et réalisations qu'implique chaque programme spécifique de ce grand projet. Dans ces conditions, eu égard au caractère suffisamment certain de la réalisation de ces aménagements, l'accessibilité du projet par les transports collectifs et par les modes doux de déplacement doit être regardée comme satisfaisante.
25. En second lieu, invoquant toujours le d) du I de l'article L. 752-6 du code de commerce précité, la requérante soutient que la desserte par des modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone n'est pas garantie. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de l'avis émis par la direction départementale des territoires lors de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale par la commission départementale d'aménagement commercial que le réseau des pistes cyclables sera renforcé à l'avenir alors qu'une piste cyclable longeant la route départementale 16 a été effectivement réalisée. Par conséquent, cette seconde branche du moyen doit également être écartée.
En ce qui concerne le moyen tiré du caractère excessif des coûts indirects supportés par la collectivité :
26. Si la société Supermarchés Match soutient que sont excessifs les coûts indirects supportés par la collectivité, ce moyen est dépourvu de toutes précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'absence de compacité du projet et de l'aire de stationnement :
27. Si la société Supermarchés Match soutient que le projet n'est pas à la hauteur des enjeux de reconversion de la friche de Micheville, un tel moyen qui n'est pas fondé en droit doit être écarté en raison de son inopérance.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de la garantie quant à la réalisation d'une voie d'accès au projet :
28. Ce moyen est dépourvu de toute précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
29. Il résulte de tout ce qui précède, que la société Supermarchés Match n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des communes d'Audun-le-Tiche, Russange, de l'Etat et de la société SCCV Audun-le-Tiche Développement qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Supermarchés Match, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Supermarchés Match une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SCCV Audun-le-Tiche Développement et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Supermarchés Match est rejetée.
Article 2 : La société Supermarchés Match versera à la société SCCV Audun-le-Tiche Développement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés match, à la commune d'Audun-le-Tiche, à la commune de Russange, à la société SCCV Audun-le-Tiche Développement et à la commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 20NC01489