Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... -F...D..., représenté par Me B... E...agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 11 mars 2014 par laquelle le maire d'Aiton a refusé d'intégrer aux effectifs communaux les trois salariés qu'il employait lorsqu'il exploitait le bar-restaurant du Fort d'Aiton, dans le cadre d'une délégation résiliée le 5 février 2014, et d'enjoindre au maire d'intégrer ces salariés dans les effectifs communaux à compter du 5 février 2014.
Par le jugement n° 1402925 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 23 mai et le 30 août 2016, M. D... représenté par Me E... pris en sa qualité de liquidateur et ayant pour avocat Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 11 mars 2014 par laquelle le maire d'Aiton a refusé d'intégrer aux effectifs communaux les trois salariés que M. D... employait lorsqu'il exploitait le bar-restaurant du Fort d'Aiton ;
3°) de dire que la commune d'Aiton est, depuis le 5 février 2014, employeur des salariés qu'employait M. D... à cette date avec toutes conséquences de droit ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aiton, outre les dépens, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont parfaitement applicables en présence d'une convention de délégation de service public, en particulier lorsque la convention porte sur une entité économique au sens de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 ; la convention conclue avec la commune d'Aiton, bien que conclue sous le régime d'un contrat de délégation de service public, correspond en tous points au contrat de location-gérance du droit privé ;
- la résiliation de la convention de délégation de service public a opéré un transfert du fonds de commerce de M. D..., délégataire, ou, à tout le moins, de l'entité économique, à la commune d'Aiton, délégant ;
- la commune d'Aiton se trouve, depuis le 5 février 2014, employeur des trois salariés et débitrice envers eux de l'intégralité des obligations afférentes au contrat de travail, en particulier de leurs salaires ; les premiers juges ont ajouté aux textes d'ordre public une condition qui n'y figure pas, en soutenant que l'article L. 2241-1 du code du travail ne recevrait application que dans l'hypothèse où il y aurait une reprise de l'activité par la commune ; or l'application de cet article est indépendante du fait que le transfert soit volontaire ou non et que la commune ait ou non décidé d'en assurer la reprise ; que le restaurant reste inexploité résulte d'une décision arbitraire de la commune, décision qui ne saurait la faire échapper à l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 18 juillet et le 14 septembre 2016, la commune d'Aiton, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de Me E... agissant en qualité de liquidateur de M. D... ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge de Me E... la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- Me E... fait une confusion entre convention de service public et location-gérance ; d'ailleurs la convention le précisait expressément dans son article 26 ; en plus la délégation comportait occupation du domaine public et il existe une incompatibilité entre le régime des fonds de commerce et le régime de la domanialité publique ; M.D..., en tout état de cause, ne peut imputer à la commune ses difficultés financières et son état de cessation des paiements ;
- Me E... ne peut sérieusement reprocher aux premiers juges d'avoir ajouté une condition non prévue à l'article L. 1224-1 du code du travail, à savoir la reprise ou la poursuite d'une activité par le repreneur, alors que cette condition apparaît dans toutes les jurisprudences rendues au visa dudit article ; or, en l'espèce, il n'y a pas eu de reprise de l'activité de bar-restaurant par la collectivité, le Fort d'Aiton est, depuis la résiliation de la délégation, totalement inexploité ;
- en tout état de cause, elle est seule à même de décider de poursuivre ou non cette exploitation, de définir, le cas échéant, les modalités de cette exploitation (gestion directe ou déléguée) ainsi que de la teneur des sujétions de service public qu'elle entendrait alors fixer ;
- l'article L. 1224-3 du code du travail n'est applicable qu'aux salariés repris dans le cadre d'un service public administratif.
Par lettre en date du 10 mai 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de M. D....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive (CE) n° 2001/23 du 12 mars 2001 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que, le 28 avril 2005, M. D...a conclu avec la commune d'Aiton une convention de délégation de service public portant sur la gestion et l'exploitation du bar-restaurant le Fort d'Aiton ; que cette convention a été résiliée le 5 février 2014, à la demande de Me E..., liquidateur judiciaire de l'activité commerciale de M. D..., à la suite du jugement de liquidation prononcé par le tribunal de commerce de Chambéry le 3 février 2014 ; que la commune d'Aiton ayant refusé, par une décision du 11 mars 2014, de reprendre dans ses effectifs les trois salariés de l'entreprise de M. D..., ce dernier représenté par MeE..., liquidateur judiciaire, a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, d'annuler cette décision ; que M. D... représenté par Me E... relève appel du jugement du 27 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1224-3 du même code : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires " ;
3. Considérant que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur ; qu'après la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. D... et la résiliation de la délégation de service public qui lui avait été consentie, la commune d'Aiton n'a ni poursuivi ni repris l'activité de bar-restaurant qu'il exploitait au Fort d'Aiton ; qu'il suit de là que la commune d'Aiton n'entrait dans le champ d'application ni des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ni de celles de l'article L. 1224-3 du même code, ni en tout état de cause de celles de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements qui ont été transposées dans le code du travail ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... représenté par Me E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent également, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que la commune d'Aiton n'étant pas en l'espèce partie perdante, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. D... représenté par Me E... ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D..., représenté par Me E..., quelle que somme que ce soit à verser à la commune d'Aiton au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... représenté par Me E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aiton au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E...représentant M. B... -F... D...et à la commune d'Aiton.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2017 où siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juin 2017.
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N° 16LY01714