Vu la décision en date du 8 mars 2004, enregistrée le 5 mai 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy, par laquelle le Conseil d'Etat lui a renvoyé, après cassation de l'ordonnance rendue le 25 avril 2002 par le président de la deuxième chambre de la Cour, la requête présentée par M. Christian X, élisant domicile ... ;
Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2000, sous le n° 00NC01464, présentée par M. X ; il demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 98-1229-1, en date du 21 septembre 2000, par laquelle le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté, comme étant irrecevable, sa demande tendant à obtenir la décharge de l'obligation de payer la pénalité prononcée à l'encontre de la SARL SODEXFRA, dont il a été rendu débiteur solidaire ;
2°) de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette dette fiscale ;
M. X soutient que :
- c'est à tort que sa demande a été rejetée au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une réclamation préalable auprès du service compétent, alors que ce dernier a expressément reconnu l'existence de la contestation de la pénalité en litige ;
- sur le fond, cette pénalité, au demeurant disproportionnée par rapport au chiffre d'affaires de la société, ne pouvait être mise à la charge du contribuable, qui n'était qu'un gérant minoritaire, au motif d'une distribution occulte de bénéfices par la SARL SODEXFRA ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré au greffe le 30 juillet 2001, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête de M. X ; il soutient que :
- la demande du contribuable, qui n'a pas été précédée d'une réclamation préalable était irrecevable par application combinée des articles L. 199, R. 190-1, R. 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales ; le requérant ne peut se prévaloir de réclamations antérieures ayant abouti à un jugement définitif du 19 mai 1994 du Tribunal administratif de Besançon ;
- la pénalité prévue par l'article 1763-A du code général des impôts, a été, à bon droit, mise à la charge du contribuable, et sa qualité de gérant minoritaire de la société SODEXFRA est sans incidence sur la dette en litige ;
Vu la décision en date du 8 mars 2004, par laquelle le Conseil d'Etat a jugé que l'ordonnance du 25 avril 2002 du président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Nancy était entachée d'erreur de droit, en tant qu'elle confirmait l'irrecevabilité de la demande de M. X, dès lors que l'intéressé pouvait se prévaloir de la réclamation préalable présentée par la SARL SODEXFRA à l'encontre de la pénalité litigieuse ;
Vu, enregistrés les 12 août 2004 et 31 mars 2005, les nouveaux mémoires, faisant suite à la décision de cassation précitée, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête de M. X, et à ce que ce dernier reverse à l'Etat la somme de 3 000 euros qu'il a été condamné à verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; le ministre soutient que :
- la demande de M. X déposée le 3 juillet 1998 auprès du Tribunal administratif de Besançon était irrecevable, à défaut de réclamation préalable ; celle-ci ne pouvait être constituée par la réclamation formulée le 15 mars 1990 par la SARL SODEXFRA, dont le rejet a abouti au jugement du 19 mai 1994, devenu définitif du Tribunal administratif de Besançon ; par suite l'administration peut opposer à M. X l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement, lequel a notamment confirmé le bien-fondé de la pénalité en litige ;
- le contribuable a été, à bon droit, rendu débiteur de la pénalité infligée à la SARL SODEXFRA, en application de l'article 1763-A du code général des impôts, à défaut de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués, décelés à l'issue des redressements ;
Vu, enregistrés au greffe les 21 février et 12 juillet 2005, les nouveaux mémoires déposés pour M. X, par Me Michel, avocat associé au barreau de Paris ; il conclut :
- à l'annulation de l'ordonnance du 21 septembre 2000 du président du Tribunal administratif de Besançon ;
- à ce que lui soit accordée la décharge de l'obligation de payer la pénalité dont il a été rendu débiteur solidaire de la SARL SODEXFRA ;
- à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'autorité de chose jugée du jugement du 19 mai 1994 du Tribunal administratif de Besançon, que le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs pas relevée d'office, est inopposable au contribuable, qui est une partie distincte de la SARL SODEXFRA dans ce contentieux ;
- la pénalité contestée est atteinte par la prescription ;
- la procédure suivie est irrégulière car les dispositions de l'article 1763-A du code général des impôts, impliquaient une notification de redressement ou, à tout le moins, un avis de mise en recouvrement, adressés au contribuable ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de sa reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise, qui apparaît irréaliste, et à partir de laquelle a été déterminé le montant de la pénalité litigieuse ;
- cette pénalité entre dans le champ d'application des articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne des droits de l'homme, laquelle se trouve méconnue dès lors que l'administration n'établit pas que le contribuable était personnellement l'auteur de l'absence de renseignements qui a entraîné la mise en oeuvre de la sanction contestée ;
Vu la note du 6 octobre 2005 par laquelle le président de la deuxième chambre de la Cour informe les parties au litige que les conclusions de la requête de M. X pourraient d'office, être rejetées comme étant irrecevables en tant qu'elles concernent le recouvrement de la pénalité contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2005 :
- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL SODEXFRA, dont M. X était le gérant, a fait l'objet en 1988, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 1985 à 1987 ; que compte tenu des carences constatées dans la comptabilité et les déclarations de la société, celle-ci a été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices vérifiés ; que les impositions subséquentes ont été assorties de pénalités, et en particulier de celle prévue par les dispositions de l'article 1763-A du code général des impôts, en raison de l'absence de désignation, par la société, des personnes ayant bénéficié des revenus distribués, décelés à l'issue du contrôle ; que cette pénalité, d'un montant de 1 211 880 F, mise en recouvrement le 31 mars 1990 n'a pas été payée au trésor public par la société, laquelle se trouvait en situation de liquidation judiciaire dès le 1er juillet 1991 ; que, par une correspondance du 4 janvier 1996 le trésorier principal de Besançon, à l'occasion d'une réponse à M. X sur sa réclamation relative à ses propres impositions, a précisé à l'intéressé que : «Vous restez redevable également dans le cadre de la liquidation judiciaire de votre société SODEXFRA clôturée pour insuffisance d'actif, de pénalités pour distributions occultes appliquées en vertu de l'article 1763-A du code général des impôts pour 1 211 880 F…» ; que par une ordonnance du 21 septembre 2000, dont M. X fait appel, le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande que le contribuable avait déposée le 3 juillet 1998, au motif qu'elle était irrecevable, en application de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, à défaut d'avoir été précédée d'une réclamation préalable auprès du directeur des services fiscaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : «Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial… de l'administration des impôts… dont dépend le lieu de l'imposition…» ; que le ministre admet expressément que la SARL SODEXFRA a respecté la procédure prévue par ces dernières dispositions, en contestant la pénalité litigieuse le 15 mars 1990 auprès du service compétent, puis en attaquant la décision de rejet intervenue le 22 août 1990, par une demande enregistrée le 19 octobre suivant auprès du Tribunal administratif de Besançon ;
Considérant que les codébiteurs solidaires sont réputés se représenter mutuellement dans toutes les instances relatives à la dette en litige ; qu'il suit de là que M. X, pour justifier la recevabilité de l'instance qu'il a introduite directement devant le Tribunal administratif de Besançon, pouvait se prévaloir de la réclamation susmentionnée, qu'avait présentée la SARL SODEXFRA contre la pénalité qui lui était infligée, sur le fondement de l'article 1763-A du code général des impôts, en qualité de débitrice principale ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande déposée le 3 juillet 1998 par M. X, au motif qu'elle était irrecevable, à défaut d'une réclamation préalable formulée personnellement par l'intéressé, conformément aux dispositions de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Besançon du 21 septembre 2000 doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la contestation des «actes de poursuites» allégués :
Considérant que ni la correspondance du 4 janvier 1996 du trésorier principal de Besançon précitée, ni aucune autre pièce du dossier de première instance, ne peut s'analyser comme un acte de poursuites entrepris à l'encontre de M. X, en vue du recouvrement de la pénalité litigieuse ; qu'ainsi, à la date du 3 juillet 1998 à laquelle l'intéressé a déposé sa demande auprès du Tribunal administratif de Besançon, celle-ci ne pouvait être dirigée contre aucun acte de poursuites déterminé du trésor public ; qu'il suit de là que, dans la mesure où les conclusions de la requête soumise à la Cour peuvent être regardées comme poursuivant la contestation de la mise en recouvrement de la pénalité litigieuse, elles doivent être rejetées comme étant irrecevables ;
Considérant que les conclusions de la requête doivent être uniquement examinées, en tant qu'elles contestent le bien-fondé de la pénalité dont M. X est le débiteur solidaire avec la SARL SODEXFRA ;
Sur le moyen tiré de l'autorité de chose jugée, opposé par le ministre à la demande de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts : «Les sociétés… passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées…
Les dirigeants sociaux… gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité qui est établi et recouvrée comme en matière d'impôt sur le revenu…» ;
Considérant que si, par un jugement en date du 19 mai 1994, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête de la SARL Sodexfra portant notamment sur la pénalité mise à sa charge en application de l'alinéa 1 de l'article 1763 A précité, il résulte des pièces du dossier que M. X n'a été informé que le 4 janvier 1996 postérieurement à la décision juridictionnelle, par le comptable du trésor qu'il restait redevable à titre personnel de la pénalité litigieuse ; qu'ainsi sa qualité de débiteur solidaire résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1763 A précité ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 19 mai 1994 par le Tribunal administratif de Besançon sur le recours de la SARL Sodexfra rendrait irrecevable la demande de M. X ne peut être accueilli ;
Sur le bien-fondé de la responsabilité solidaire du requérant à la dette de sa société :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de M. X :
Considérant qu'alors même que la société SODEXFRA a fait l'objet d'une taxation d'office au titre des exercices vérifiés, l'administration supporte, à l'égard d'un débiteur solidaire, de la pénalité régie par l'article 1763 A précité la preuve du bien-fondé des impositions qu'elle met à la charge de ce dernier ; qu'en outre, comme indiqué précédemment, l'autorité de chose jugée à l'égard de la société SODEXFRA, ne peut être opposée à son associé, dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que la pénalité contestée a été déterminée en fonction des revenus présumés distribués par la SARL SODEXFRA, à l'issue d'une reconstitution extra-comptable des résultats de l'entreprise ; que M. X a contesté le montant du chiffre d'affaires et, par suite, des bénéfices imposables des exercices vérifiés ; que l'administration, qui n'a pas expliqué sa méthode de reconstitution des bases comme elle en avait la charge, y compris en appel, ne peut être regardée comme ayant apporté la preuve du bien-fondé de la pénalité dont le contribuable a été rendu débiteur ; que pour ce seul motif, M. X est fondé à obtenir la décharge de son obligation solidaire avec la SARL SODEXFRA, de payer la pénalité mise en oeuvre sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts ;
Sur les conclusions des parties concernant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant d'une part que l'Etat, qui est en définitive la partie perdante au terme du contentieux susanalysé, ne peut obtenir le remboursement de la somme de 3 000 euros qu'il a été condamné à verser à M. X en exécution de la décision du Conseil d'Etat du 8 mars 2004 précitée, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant d'autre part qu'il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de faire payer par l'Etat à M. X une somme de 1 000 euros, au titre des frais qu'il a exposés devant la Cour, et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 21 septembre 2000 du président du Tribunal administratif de Besançon est annulée.
Article 2 : M. X est déchargé de son obligation de payer, en qualité de codébiteur solidaire de la SARL SODEXFRA, la pénalité infligée à cette dernière, en application de l'article 1763-A du code général des impôts.
Article 3 : En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros. Les conclusions du ministre tendant à ce que M. X rembourse à l'Etat la somme de 3 000 euros, payée sur le fondement des mêmes dispositions, en exécution de la décision du 8 mars 2004 du Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. X sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 04NC00404