Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... C... a demandé au Tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la délibération n° 2015-048 du Conseil territorial de Saint-Barthélemy du 30 octobre 2015 changeant la dénomination de l'aéroport de St Barthélémy Gustave III en " Aéroport de
Saint- Barthélémy - Rémy G... ".
Par un jugement n° 1600001 du 17 octobre 2017, le Tribunal administratif de
Saint-Barthélemy a rejeté la demande de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour administrative de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires, enregistrés le 6 novembre et le 5 décembre 2017 et le 27 novembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600001 du 17 octobre 2017 rejetant sa demande tendant à la l'annulation de la délibération n° 2015-048 du Conseil territorial de Saint-Barthélemy du
30 octobre 2015 changeant la dénomination de l'aéroport de Saint-Barthélemy Gustave III en " Aéroport de Saint-Barthélemy - Rémy G... " ;
2°) d'annuler la délibération contestée ;
3°) de mettre à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt à agir ;
- la décision litigieuse a été prise par un organe incompétent dès lors que le code de l'aviation civile attribue la compétence en matière de dénomination et de changement de dénomination des aéroports au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
- la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy n'est pas habilitée à prendre de décision en matière de dénomination des aéroports ;
- la délibération méconnaît les dispositions de l'article D. 211-3 du code de l'aviation civile ;
- la délibération n'est motivée par aucun motif dicté par un intérêt public local ;
- le changement de dénomination de l'aéroport est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le président du conseil territorial avait un intérêt personnel à attribuer la dénomination touristique et commerciale à l'aéroport en méconnaissance des dispositions de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 22 février 2018 et le 24 avril 2019, la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- elle est propriétaire de l'aérodrome de Saint-Barthélemy et elle est compétente pour modifier la dénomination commerciale et touristique de cet aéroport ;
- la délibération contestée n'a modifié que la dénomination commerciale de l'aéroport et non sa dénomination officielle ;
- l'ajout d'une dénomination commerciale et touristique ne méconnaît pas le principe de neutralité et répond à un intérêt public local ;
- il n'y a pas de conflit d'intérêts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me D..., avocat de M. C...,
- et les observations de Me E... substituant Me F..., avocat de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 2015-021 du 22 mai 2015, le conseil territorial de
Saint-Barthélemy a donné le nom de A... G... à la salle d'embarquement de l'aéroport de Saint-Barthélemy. Puis, par une délibération n° 2015-031 du 26 juin 2015, le conseil territorial a décidé d'annuler cette délibération et de dénommer l'aéroport de Saint-Barthélemy " Aéroport Rémy G... ". Par une délibération n° 2015-048 du 30 octobre 2015, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a décidé de retirer la délibération n° 2015-031 et de dénommer l'aéroport " Aéroport de Saint-Barthélemy - Rémy G... ". M. C... relève appel du jugement du
17 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 30 octobre 2015.
Sur la fin de non-recevoir :
2. En sa qualité d'habitant de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, M. C... a intérêt et est, par suite, recevable à demander l'annulation de la délibération par laquelle le conseil territorial de Saint-Barthélemy a dénommé l'aéroport de Saint-Barthélemy " Aéroport de Saint-Barthélemy - Rémy G... ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-3 du code de l'aviation civile : " Le ministre chargé de l'aviation civile tient à jour la liste des aérodromes dont la création et la mise en service ont été autorisées. Cette liste est portée à la connaissance des usagers par des insertions au Journal officiel de la République française ".
4. Si M. C... soutient que la délibération contestée du 30 octobre 2015 a eu pour effet de modifier la dénomination de l'aéroport de Saint-Barthélemy, il ressort des pièces du dossier, notamment de la liste publiée annuellement au Journal officiel de la République française en application de l'article D. 211-3 du code de l'aviation civile, que la dénomination officielle de l'aérodrome de Saint-Barthélemy est " Aéroport de Saint-Barthélemy ". Le moyen doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article LO 6271-1 du code général des collectivités territoriales : " Les biens meubles et immeubles appartenant à l'Etat, à la région ou au département de la Guadeloupe ou à la commune de Saint-Barthélemy et affectés à l'exercice des compétences transférées à la collectivité de Saint-Barthélemy lui sont remis en pleine propriété et à titre gratuit, sans perception d'aucun droit ou d'aucune taxe ".
6. Il ressort de l'article 5 et de l'annexe de la convention relative à la mise à disposition du personnel et des biens liés au transfert des services ou parties de service pour l'exercice des compétences exercées par la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, conclue entre le conseil général de la Guadeloupe et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy que l'aéroport a été remis en pleine propriété à cette dernière. La collectivité territoriale de Saint-Barthélemy exerce donc sur ce bien les compétences qui lui ont été transférées et jouit à son égard d'un droit de propriété. A ce titre, elle pouvait donc, sans qu'un texte ne l'y habilite expressément, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, adjoindre un nom touristique et commercial à l'aéroport, sans en modifier la dénomination officielle fixée par le ministre chargé de l'aviation civile.
7. En troisième lieu, M. C... soutient que la délibération est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au motif que le choix du nom " Rémy G... " méconnaît le principe de neutralité et n'est motivé par aucun intérêt public local.
8. Il ressort des pièces du dossier que Rémy G... fut un pionner de l'aviation civile à Saint-Barthélemy en y atterrissant pour la première fois en 1946 et en créant la Compagnie aérienne antillaise. Cette personnalité a également, par son action, permis le développement général de l'île et le développement du tourisme. Enfin, M. G... a participé à la vie politique de l'île où il a été élu conseiller général puis maire. Si M. C... soutient que Rémy G... a eu un passé trouble pendant la seconde guerre mondiale, les pièces produites au dossier ne suffisent pas à établir que la délibération du conseil territorial est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1 de la loi n° 2013-907 relative à la transparence de la vie publique : " Les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi que celles chargées d'une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à faire prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêt (...) ".
10. La circonstance que le président du conseil territorial de Saint-Barthélemy exerce par ailleurs des fonctions de président et gestionnaire d'une compagnie d'aviation et de transport aérien dont l'activité principale et les locaux se situent dans l'enceinte de l'aéroport n'est de nature à entraîner l'illégalité de la délibération que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence qu'il a exercé, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
11. La délibération contestée a eu pour seul objet d'adjoindre une dénomination touristique et commerciale à l'aéroport de Saint-Barthélemy et non de modifier les conditions d'exploitation et de gestion de celui-ci. Dès lors, le requérant ne saurait se prévaloir de l'existence d'un conflit d'intérêt.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 octobre 2017, le Tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa requête. Par suite, les conclusions de la requête fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée à ce titre par la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La demande présentée par la collectivité de Saint-Barthélemy sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C... et à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy.
Copie en sera adressée à la préfète de Saint-Barthélemy et Saint-Martin et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2019.
Le président rapporteur,
M. B...Le rapporteur,
P. MANTZLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA23466