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12/06/2024 | FRANCE | N°23DA01614

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 12 juin 2024, 23DA01614


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 avril 2023 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2301076, 2301487 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.







Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, M. C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 avril 2023 par lequel le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2301076, 2301487 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, M. C..., représenté par Me Vanessa Edberg, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dossier n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux par le préfet ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des 3° et 5° de l'article L. 611-3, les dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les critères sont cumulatifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2023, le préfet de l'Aisne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant, et que les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 19 mai 1990, est entré en France en 2009 dans le cadre d'une procédure de réunification familiale, afin de rejoindre sa mère, bénéficiaire du statut de réfugiée. Une carte de résident valable du 29 décembre 2009 au 28 décembre 2019 lui a été délivrée. Ce titre de séjour n'a pas été renouvelé. Le 25 octobre 2021, il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Laon. Par un arrêté en date du 13 avril 2023, le préfet de l'Aisne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de l'arrêté contesté, qui est motivé de façon circonstanciée, que le préfet de l'Aisne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de M. C.... Le moyen tiré d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 631-2 et L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs aux cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui n'est pas un arrêté d'expulsion.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" ; (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... est entré en France en 2009 et a bénéficié d'une carte de résident valable du 29 décembre 2009 au 28 décembre 2019, il est constant que cette carte n'a pas été renouvelée et depuis cette date, aucun titre de séjour ne lui a été délivré. S'il soutient qu'il en aurait demandé le renouvellement, par l'intermédiaire de l'agglomération de Saint-Quentin, il n'établit pas la réalité de cette allégation. Par suite, M. C... ne peut être regardé, à la date de la décision attaquée, comme ayant résidé régulièrement en France pendant plus de dix ans. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à invoquer les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est père d'une enfant française née le 6 juillet 2017, de son union avec une ressortissante française. Sa compagne, qu'il soutient avoir épousée religieusement, indique dans une attestation enregistrée le 4 mai 2023 par le tribunal, qu'elle et sa fille ne lui ont pas rendu visite depuis son incarcération en 2021, et qu'il participait auparavant à leur vie quotidienne. Par cette seule attestation, M. C... n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... se prévaut de la présence en France de sa compagne et de sa fille, toutes deux de nationalité française, il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 5, contribuer effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant. Il soutient ne plus avoir d'attaches personnelles et familiales en Côte d'Ivoire, où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans, et fait valoir que ses attaches familiales sont en France, où résident ses parents, ses sœurs et son oncle. Il soutient en outre qu'une opération en raison de sa myopie est indiquée, et que son père ne supporterait pas d'être séparé de lui. Toutefois, nonobstant la durée de son séjour en France et ses liens familiaux, M. C... ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle particulière dans la société française. Défavorablement connu des services de police, il a notamment commis des faits d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, en récidive, et des faits de vol aggravé par deux circonstances en récidive, et de violence par personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours en récidive, pour lesquels il a été condamné à 24 mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Saint-Quentin en 2021, ainsi que des faits de vol commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs, en récidive, pour lesquels il a été condamné à 4 mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris en 2020. Dans ces conditions, et compte tenu de la réitération et de l'aggravation des atteintes portées par M. C... à l'ordre public et de leur caractère récent à la date de la décision attaquée, le préfet de l'Aisne, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

10. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

11. D'une part, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des motifs développés aux point 5 et 7, M. C... ne justifie pas de circonstances humanitaires qui feraient obstacle à ce que l'obligation de quitter le territoire français sans délai dont il fait l'objet soit assortie d'une interdiction de retour sur le territoire national. D'autre part, compte tenu de la durée et des conditions de la présence de M. C... sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, nonobstant l'absence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée et, compte tenu de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 612-6 et L. 612-10 précités, ni entacher sa décision d'une erreur d'appréciation que le préfet de l'Aisne a fixé à trois ans la durée de l'interdiction du territoire.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. A...La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

2

N°23DA01614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01614
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CABINET BARDECHE EDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23da01614 ?
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