Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision du préfet de Police du 30 octobre 2015 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1605698 du 16 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2018, le ministre de l'intérieur, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Il soutient que :
- sa décision était suffisamment motivée ;
- l'insertion professionnelle de M. B...n'était pas réalisée à la date de la décision contestée ;
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 relatif à l'aide juridique modifié ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les observations de Mme C...pour le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du préfet de Police du 30 octobre 2015 par M.B..., ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". En outre, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En vertu de ces dispositions, le ministre chargé des naturalisations dispose d'un large pouvoir d'appréciation et peut prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France. L'autorité administrative ne peut, en revanche, se fonder exclusivement ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap, ni sur le fait que les ressources dont dispose l'intéressé ont le caractère d'allocations accordées en compensation d'un handicap, pour rejeter une demande de naturalisation.
3. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de M. B..., le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'a pas pleinement réalisé son insertion professionnelle et ne dispose pas de ressources stables et suffisantes.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a produit en première instance plusieurs courriers de conseillers en insertion et certificats médicaux attestant du caractère particulièrement invalidant de son handicap pour sa recherche d'emploi. Il a justifié également de la reconnaissance d'un taux d'incapacité compris entre 50% et 79% par la maison départementale des personnes handicapées de Paris et de l'octroi de l'allocation aux adultes handicapés en raison d'une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, pour la période 2014-2019. Toutefois, le ministre soutient, sans être contredit, que M. B...n'a apporté aucun élément permettant d'établir qu'il aurait recherché un emploi, notamment avant la reconnaissance de son taux d'incapacité par la maison départementale des personnes handicapés, ou pour établir que sa pathologie, qui en principe limitait seulement sa capacité à travailler, l'aurait totalement empêché de trouver un emploi adapté. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni commis de discrimination à son encontre, en estimant que M. B...n'avait pas pleinement réalisé son insertion professionnelle et ne disposait pas de ressources stables et suffisantes
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision ajournant à deux ans sa demande de naturalisation.
6. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes.
7. Aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ". La décision contestée mentionne les articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993 et la circonstance que l'intéressé n'a pas pleinement réalisé son insertion professionnelle et ne dispose pas de ressources stables et suffisantes. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision ajournant à deux ans la demande de naturalisation de M.B....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 16 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B....
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 décembre 2018.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01595