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10/07/2009 | FRANCE | N°06MA02913

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 10 juillet 2009, 06MA02913


Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2006, présentée pour M. Luc X, demeurant ... par Me Alle ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104322 du 30 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, ainsi que des cotisations sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de con

damner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de...

Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2006, présentée pour M. Luc X, demeurant ... par Me Alle ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0104322 du 30 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, ainsi que des cotisations sociales qui lui ont été réclamées au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2009,

- le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

- les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ascensio, substituant Me Alle pour M. X ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la Société d'Exploitation et de Déménagements (SED) au sein de laquelle M. X était associé et dont il était le gérant, l'administration a réintégré dans les résultats imposables de ladite société, au titre des années 1995, 1996 et 1997, des recettes dissimulées provenant de déménagements effectués sans factures, dont l'existence a été révélée au cours d'une procédure pénale, et des dépenses correspondant à des primes de retraite complémentaire et d'assurance-chômage contractées au profit du gérant et considérées comme non engagées dans l'intérêt de son exploitation ; que le vérificateur a considéré que les sommes en cause d'un montant respectif de 420 006, 486 244 et 434 544 francs constituaient, en application de l'article 111 c du code général des impôts, des revenus distribués au profit de M. X et lui a notifié les redressements correspondants les 21 décembre 1998 et 11 février 1999 ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que le requérant soutient que les notifications de redressements des 21 décembre 1998 et 11 février 1999 ne sont pas suffisamment motivées dès lors que l'administration n'a pas joint, en annexe, les procès verbaux de l'enquête de police sur lesquels elle s'est fondée pour établir les redressements ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de la société SED, l'administration a mis en oeuvre son droit de communication prévu à l'article L.82 C du livre des procédures fiscales auprès de l'autorité judiciaire ; que les redressements en litige sont basés sur deux procès verbaux de gendarmerie n° 353/98 et 453/98 issus de la procédure pénale et sur leur annexes ; que la notification du 21 décembre 1998 à laquelle était annexée la notification de redressement du même jour adressée à la société SED et la notification du 11 février 1999 indiquent, avec précision, les références de ces deux procès verbaux et ont ainsi mis M. X à même de demander la communication de ces documents, ce qu'il a fait par l'intermédiaire de son conseil qui a obtenu communication de l'ensemble des documents fondant les redressements le 19 mai 1999, avant la mise en recouvrement des impositions en litige intervenue le 30 octobre 1999 ; que la circonstance que ces procès verbaux n'étaient pas annexés aux deux notifications de redressement n'est pas de nature à les entacher d'une insuffisance de motivation ; qu'en outre, et contrairement à ce qu'il soutient, l'administration n'étaient pas tenue de lui communiquer ces procès verbaux avant de lui adresser les notifications de redressements afférentes à l'impôt sur le revenu ;

Considérant, en second lieu, que le requérant conteste la régularité de la vérification de comptabilité de la société SED aux motifs que le vérificateur n'aurait pas soumis les pièces recueillies auprès de l'autorité judiciaire à un débat oral et contradictoire et ne lui aurait pas communiqué ces éléments avant l'envoi à la société de la notification de redressement ; que, cependant, et en raison du principe de l'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses dirigeants, d'autre part, les irrégularités de la procédure de vérification de la SARL SED soumise à l'impôt sur les sociétés sont, en tout état de cause, sans incidence sur la validité des suppléments d'imposition correspondant aux distributions présumées mis à la charge des associés ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a la possibilité de ne pas user de la procédure de l'article 117 du code général des impôts si elle est en mesure de prouver, non seulement l'existence et le montant d'une distribution, mais aussi son appréhension par des bénéficiaires dont elle connaît l'identité ; qu'ainsi, la circonstance que l'administration n'a pas mis en oeuvre la procédure de l'article 117 alors que les redressements notifiés à M. X sont juridiquement fondés sur les dispositions de l'article 111 c, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;

Sur la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : Pour l'impôt sur le revenu..., le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due et qu'aux termes de l'article L.189 du même livre : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement... ; que lorsque le contribuable soutient que l'avis d'accusé de réception d'un pli recommandé, portant notification des redressements qui lui sont assignés, n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli dont il s'agit ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. et Mme X une notification de redressement en date du 21 décembre 1998, par courrier recommandé adressé à Nîmes à la dernière adresse connue par le service ; que le pli a été présenté à Martigues à l'adresse à laquelle le requérant a ordonné la réexpédition de son courrier le 17 septembre 1998 ; que l'accusé de réception a été signé le 29 décembre 1998 et réexpédié au service vérificateur ; que dès lors que l'administration n'a pas commis d'erreur dans l'expédition de ce courrier, M. X ne peut utilement contester la régularité de la notification en se bornant à soutenir que ni lui, ni son épouse n'ont signé cet accusé de réception ; qu'il n'est ainsi pas établi que la notification de redressement ne lui soit pas régulièrement parvenue et que l'imposition supplémentaire afférente à l'année 1995 aurait été prescrite ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les recettes dissimulées :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient M. X, l'administration n'a pas procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de la société SED mais a seulement rectifié les déclarations de la société, en réintégrant, dans ses résultats, des recettes dissimulées ; que, pour ce faire, l'administration n'était pas tenue de rejeter préalablement la comptabilité tenue par la société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 111 du code : Sont notamment considérés comme revenus distribués : c. Les rémunérations et avantages occultes ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de l'examen des procès-verbaux de gendarmerie en date des 21 et 23 avril 1998, dressés au cours de la procédure pénale ouverte contre M. X, que le requérant a expressément reconnu qu'un certain nombre de déménagements réalisés par la société SED n'étaient pas déclarés ; qu'il a précisé les manoeuvres qui ont permis ces agissements frauduleux et indiqué que lorsque les déménagements étaient terminés, il conservait les dossiers des déménagements réalisés dans ces conditions à son domicile ; que la perquisition effectuée à son domicile a permis la découverte desdits dossiers et de fixer le chiffre d'affaires éludé à partir des indications contenues dans ces dossiers aux sommes de 405 864 francs en 1995, 471 053 francs en 1996 et 418 739 francs en 1997 ; que M. X a également précisé aux enquêteurs que ces déménagements étaient payés soit en liquide, soit par chèque ; que lorsqu'ils étaient payés en liquide, l'argent versé par le client était remis par le déménageur soit à lui-même, soit à sa secrétaire, Mme Y, soit à M. Z, responsable d'exploitation, soit à M. A, responsable commercial ; que lorsque les déménagements étaient payés par chèque sans ordre, il encaissait ce chèque sur son compte personnel ; qu'il résulte de ces circonstances, que M. X, qui était gérant de la société, ainsi que son principal associé, et qui disposait du pouvoir de décision concernant son fonctionnement doit être regardé comme le seul maître de l'affaire ; que l'administration a pu, dès lors, sans avoir à recourir à la procédure de désignation des bénéficiaires prévue par l'article 117 du code général des impôts, considérer que M. X avait appréhendé les sommes en litige ; que les sommes qui, selon ses déclarations, avaient été remises à ses subordonnés par les déménageurs doivent être regardées comme l'ayant été pour son compte et ne peuvent être déduites des bases imposables ; que si le requérant soutient que l'ensemble de ces sommes a été utilisé pour le paiement de salaires en liquide au personnel employé ponctuellement ou à la distribution de primes à ses salariés, cette circonstance, à la supposée établie, est sans incidence sur le montant des redressements dès lors que M. X a appréhendé les sommes en cause dont il a ensuite librement disposé ; qu'il n'est au surplus pas établi que les retraits espèces effectués sur le compte bancaire qu'il détient à la Société Générale auraient eu cette destination ;

Considérant que M. X ne saurait reprocher à l'administration de ne pas avoir procédé à des rapprochements avec les sommes inscrites au crédit et au débit de ses comptes personnels dès lors qu'il n'est pas établi que les sommes en litige, dont la grande majorité était versée en espèces, ont transité par ses comptes personnels ; que l'imposition de ces sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers n'est pas subordonnée à la preuve par l'administration d'un enrichissement personnel du contribuable ; que l'administration n'était pas plus tenue d'établir la confusion du patrimoine personnel de M. X avec le patrimoine social avant de lui notifier les redressements en litige ; qu'enfin, la circonstance que M. X n'ait pas été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et abus de biens sociaux ne suffit pas à démontrer l'absence d'appréhension par lui des sommes en litige ;

En ce qui concerne les primes de retraite complémentaire et d'assurance chômage :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 82 du code général des impôts : Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés... ; qu'aux termes de l'article 83 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant, du montant brut, des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : 1° les cotisations de sécurité sociale,... 2° les cotisations ou les primes versées aux organismes de retraite et de prévoyance complémentaires auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire... ; qu'il résulte de ces dispositions que si le contrat de retraite et de prévoyance complémentaires souscrit par un employeur s'applique de plein droit à la totalité ou à une catégorie déterminée de salariés, les cotisations ou les primes versées par l'employeur en exécution de ce contrat ne sont pas au nombre des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés aux salariés ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c). Les rémunérations et avantages occultes ; que, selon l'article 54 bis dudit code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 209 et 223, 3 du même code, les contribuables visés à l'article 53 A doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ;

Considérant que la société SED a conclu des contrats avec deux compagnies d'assurance, la société AGF et la CRIC, garantissant à M. X un complément de retraite et une couverture assurance-chômage, et a versé, à ce titre, les sommes de 14 142 francs en 1995, 15 191 francs en 1996 et 15 805 francs en 1997 ; qu'il n'est pas établi que ces contrats, qui n'ont au demeurant pas été produits par le requérant, malgré la demande expresse qui lui a été faite en ce sens, constitueraient un engagement général et impersonnel pris par l'employeur à l'égard d'une catégorie de salarié, seul susceptible de permettre de regarder la dépense comme une charge déductible des résultats de la société ; que lesdits contrats doivent, au contraire, être regardés comme bénéficiant exclusivement à M. X, lequel n'est donc pas plus fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 83-2° précitées du code général des impôts ;

Considérant que si le requérant soutient que la société SED avait porté cet avantage en comptabilité, il ne conteste pas que cet avantage n'avait pas comptabilisé sous la forme explicite exigée par les dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts ; qu'il ne conteste pas que l'avantage n'avait pas plus été mentionné sur un relevé nominatif que la société SED a fourni à l'appui des déclarations de ses résultats en application de l'article 54 quater du même code ; que, par suite, du fait de son absence de déclaration explicite, cet avantage présentait un caractère occulte au sens des dispositions du c de l'article 111 dudit code, sans qu'il y ait lieu de rechercher si il a eu pour effet de porter la rémunération de la requérante à un niveau excessif ; que c'est ainsi à bon droit que l'administration a imposé M. X dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur l'avantage occulte dont il avait bénéficié au cours des années d'imposition en litige ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date des impositions en litige : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) ;

Considérant que l'administration a fait application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses aux redressements correspondant aux recettes dissimulées ; que le tribunal administratif a estimé, à juste titre, que l'organisation par M. X d'un montage permettant l'occultation des recettes de la comptabilité de la société SED caractérisait l'existence de manoeuvres frauduleuses, dès lors qu'il a avait ainsi délibérément tenté d'égarer le contrôle de l'administration ; que la circonstance qu'il n'a pas été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et abus de biens sociaux ne suffit pas à exclure l'existence de manoeuvres au sens de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Luc X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 06MA02913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 06MA02913
Date de la décision : 10/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Cécile MARILLER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : CABINET ALLE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-07-10;06ma02913 ?
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