Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1804286 du 13 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 décembre 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2018 du préfet de la Gironde ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;
- l'avis du collège de médecins de l'OFII qui n'a pas été communiqué, a été émis à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les pièces du dossier ne permettent pas de vérifier que le médecin rapporteur n'était pas présent au sein du collège ;
- le défaut de traitement médical entrainera des conséquences d'une extrême gravité et l'offre de soins nécessaire à sa prise en charge thérapeutique n'existe pas au Cameroun ; la décision de refus de renouvellement de titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interruption du traitement aurait pour effet direct et immédiat de lui faire subir un traitement inhumain et dégradant ; la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour viole les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par une ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 1er avril 2019 à 12h00.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... est entrée régulièrement en France le 7 mai 2015 et a obtenu un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 1er décembre 2016 au 30 novembre 2017. Le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 22 août 2018, rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour présentée le 20 septembre 2017, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 août 2018 :
2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
3. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant :/ a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité.
5. Toutefois, il résulte également de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
6. Le préfet ne produit pas davantage en appel qu'en première instance, l'avis du collège de médecins, malgré une mesure d'instruction en ce sens. Par suite, en l'absence de tout élément permettant d'identifier les médecins membres du collège et ainsi la régularité de sa composition, Mme C... est fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, de ce chef, être annulée.
7. L'illégalité du refus de titre de séjour entraine, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen par le préfet de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B..., avocat de Mme C..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 août 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la demande de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.
Article 4 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me B..., avocat de Mme C..., la somme de 1 200 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019
Le rapporteur,
E...Le président,
Marianne HARDY
Le greffier,
Cindy VIRIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX00087