Vu la requête enregistrée le 6 octobre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux puis le 25 novembre 2010 au greffe de la Cour de céans, présentée pour la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES, dont le siège est technopôle d'Isarbel, bâtiment C à Bidart (64210) ;
La SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900775 du 19 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, du titre exécutoire émis le 20 janvier 2009 par le directeur du centre hospitalier de Néris-les-Bains la constituant débitrice de la somme de 35 880 euros en recouvrement d'un trop perçu se rattachant à l'exécution d'un marché de services informatiques, d'autre part, le dernier avis avant saisie émis le 24 mars 2009 par le comptable assignataire de l'établissement ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 35 880 euros, outre frais de recouvrement ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Néris-les-Bains une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES soutient que le Tribunal n'a pu sans irrégularité rejeter sa demande comme tardive dès lors, d'une part, que rien n'établit que les mentions des voies et délais de recours ait accompagné la notification du titre exécutoire et, d'autre part, que les mentions du formulaire normalisé produit pas l'établissement hospitalier ne sont pas adaptées au présent litige et ne l'ont pas informée avec suffisamment de précision sur les voies et délais de recours ; au fond, que le titre de recettes ne mentionne pas l'identité de l'ordonnateur, qui ne l'a pas signé non plus ; que la preuve du bien fondé de la créance mise en recouvrement doit ressortir du titre de recettes ; que la répétition de l'indu ne peut être exercée dès lors que le contrat demeure opposable ; qu'elle a livré les applications informatiques prévues au contrat, remplissant ainsi ses obligations, ainsi qu'en attestent le téléchargement sans réserves des modules du progiciel par l'établissement hospitalier et les règlements successifs de factures ; que l'établissement hospitalier n'apporte pas la preuve de l'inexécution totale ou partielle du marché si ce n'est en produisant un document établi pour les besoins de la cause ; qu'aucune mise en demeure de se conformer à ses obligations ne lui a jamais été notifiée ; que le contrat n'a pas été résilié ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 7 mars 2011 par lequel le trésorier-payeur général de l'Allier conclut au rejet de la requête ;
Le trésorier-payeur général de l'Allier soutient que la défense du bien-fondé de la créance recouvrée par voie de titre exécutoire appartient à l'ordonnateur qui a émis ce titre ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la régularité des poursuites ;
Vu le mémoire enregistré le 18 juillet 2011, présenté pour le centre hospitalier de Néris-les-Bains dont le siège est 16 rue Voltaire à Néris-les-Bains (03310) ;
Le centre hospitalier de Néris-les-Bains conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le centre hospitalier de Néris-les-Bains soutient qu'il appartient à la requérante, qui réfute la notification de mentions sur les voies et délais de recours, de produire l'original du document qu'elle détient ; qu'en outre, le paiement de prestations " équivalentes " à celles du contrat se heurte en tout état de cause à l'absence de liaison du contentieux exigée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que tel est bien l'objet de l'argumentation de la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES visant à conserver à un autre titre la somme mise en recouvrement ; que la demande de ladite société était irrecevable car dépourvue de moyens ; qu'aucun moyen n'est invoqué à l'encontre du dernier avis avant saisie ; qu'en ce qui concerne le titre exécutoire, la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES reconnaît elle-même ne pas avoir livré les prestations pour la livraison desquelles elle avait été rémunérée ; que le prononcé préalable d'une résiliation est sans incidence sur l'obligation de restituer les sommes indûment perçues dès lors que l'entreprise a manqué à son obligation de livrer la prestation décrite par le marché ; qu'une collectivité publique ne peut être tenue de payer une somme qu'elle ne doit pas ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;
- et les observations de Me Chabernaud, représentant le centre hospitalier de Néris-les-Bains ;
Vu, enregistrée le 10 février 2012, la note en délibéré présentée pour le centre hospitalier de Néris-les-Bains ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. 1°) En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel (...) émis par (...) l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. Toutefois l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par (...) un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. 2°) L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par (...) un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours (...) ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre exécutoire émis le 20 janvier 2009 et notifié à la requérante le 27 janvier 2009 par le centre hospitalier de Néris-les-Bains était joint un avis des sommes à payer ; qu'en se bornant à indiquer que le destinataire pouvait exercer un recours dans les deux mois " en saisissant directement le tribunal compétent " sans mentionner la juridiction compétente pour connaître du litige, ledit document n'a pas satisfait aux exigences de l'article R. 421-5 précité du code de justice administrative ; que les voies de recours n'ayant pas été portées à la connaissance de la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES, les délais contentieux ne lui sont pas opposables ; qu'il suit de là que le Tribunal n'a pu, sans irrégularité, rejeter comme tardive la demande qui tendait à la contestation du bien fondé de la créance mise en recouvrement par le titre émis le 20 janvier 2009 ;
Considérant, en outre, qu'en vertu du 2° de l'article L. 1617-5 précité du code général des collectivités territoriales, le bien-fondé de la créance mise en recouvrement peut être contesté directement au contentieux ; que, dès lors, la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES n'avait pas à présenter de recours préalable au comptable assignataire de l'établissement hospitalier et était recevable à saisir directement le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande contentieuse ; que sa demande énonçant des moyens tirés de la violation des stipulations de son marché, était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES était recevable ; que le jugement attaqué, qui l'a rejetée comme irrecevable, doit, dès lors, être annulé ; qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES au Tribunal ;
Sur l'obligation de payer :
Considérant que la créance dont se prévaut le centre hospitalier de Néris-les-Bains résultant de l'exécution du marché de services informatiques qu'il a signé les 16 février et 31 mai 2007 avec la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES, celle-ci ne peut en être constituée débitrice qu'en exécution et dans la limite des stipulations de ce marché ;
Considérant que, d'une part, l'article 11 du marché ainsi que les articles 1.1 et 1.2 de l'annexe " conditions particulières " rémunèrent la livraison des modules de mise à jour du progiciel de gestion hospitalière au prix forfaitaire de 35 880 euros TTC payable en trois versements (les deux premiers de 45 % et le troisième de 10 % du montant global) venant à échéance cinquante jours après réception des factures du prestataire, lesquelles devaient être émises après livraison d'une partie puis du solde des prestations prévues au marché ; qu'après avoir reçu livraison de ces prestations, l'établissement hospitalier a acquitté sans réserves la totalité du prix dont il demande le reversement à l'entreprise ; que, d'autre part, aux termes de l'article 19.1 du marché : " En cas de manquement par l'une des parties aux obligations des présentes, non réparé dans un délai de soixante jours à compter de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant les manquements par l'autre partie, cette dernière pourra faire valoir la résiliation du contrat (...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que le prestataire ne peut être tenu de rembourser tout ou partie des sommes qu'il a perçues en exécution du marché que s'il n'a pas remédié dans les soixante jours aux imperfections que lui signalait la mise en demeure sur les modules déjà livrés et payés ; qu'il est constant que le centre hospitalier de Néris-les-Bains, qui a acquitté l'intégralité des trois factures sans élever de contestation sur la qualité des modules qui lui avaient été livrés par téléchargement, n'a pas davantage mis en demeure la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES, dans les formes et sous la sanction prévue au marché, de remédier à des erreurs ou lacunes entachant certains modules ; que la défaillance de l'entreprise n'ayant pas été contractuellement constatée, nulle réfaction ne peut être pratiquée sur la rémunération et, partant, nulle somme ne peut être mise en recouvrement de ce chef ;
Considérant, enfin, que la rémunération de 35 880 euros trouvant sa cause dans l'exécution d'un marché auquel il a librement consenti, le centre hospitalier de Néris-les-Bains ne saurait utilement soutenir avoir payé une somme qu'il ne devait pas ;
Considérant qu'il suit de là que la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire émis le 20 janvier 2009 par le directeur du centre hospitalier de Néris-les-Bains et du dernier avis avant saisie émis le 24 mars 2009 par le comptable assignataire de l'établissement ainsi que la décharge de l'obligation de payer la somme de 35 880 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, d'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Néris-les-Bains une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions centre hospitalier de Néris-les-Bains doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900775 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 19 juillet 2010 est annulé.
Article 2 : Le titre exécutoire émis le 20 janvier 2009 par le directeur du centre hospitalier de Néris-les-Bains et le dernier avis avant saisie émis le 24 mars 2009 par le comptable assignataire de l'établissement à l'encontre de la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES sont annulés.
Article 3 : La SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES est déchargée de l'obligation de payer la somme de 35 880 euros au centre hospitalier de Néris-les-Bains.
Article 4 : Le centre hospitalier de Néris-les-Bains versera à la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Néris-les-Bains présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SIEMENS HEALTH SERVICES, au centre hospitalier de Néris-les-Bains et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 9 février 2012 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er mars 2012.
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N° 10LY02634
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