Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Florensac à lui verser la somme globale de 31 905 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2019 ainsi que la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait de la faute qu'elle a commise en refusant illégalement le permis de construire sollicité par les acquéreurs de son terrain.
Par un jugement n° 1906298 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Florensac à verser à Mme B... la somme de 5 750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2019 et capitalisation de ces intérêts à compter du 29 juillet 2020 et a mis à la charge de la même commune une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04865 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04865 le 21 décembre 2021, la commune de Florensac, représentée par Me Moreau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de causalité entre l'illégalité entachant le refus de permis de construire opposé à l'acquéreur de la parcelle de Mme B... et les préjudices qu'elle invoque ne sont pas établis dès lors que la promesse de vente conclue entre eux expirait le 15 juin 2017 ;
- le préjudice financier dû à l'immobilisation du produit de la vente de sa parcelle résultant de l'illégalité du refus de permis de construire opposé à l'acquéreur de sa parcelle doit être calculé en référence au taux courant du livret A et tenir compte du fait que la parcelle n'est pas bâtie, soit un taux de 0,375% ;
- le préjudice tenant aux troubles dans les conditions d'existence n'est pas établi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 mars 2023, 8 avril 2023 et 15 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Bonnet, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Florensac ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme totale de 5 750 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Florensac en réparation des préjudices subis du fait de la faute qu'elle a commise en refusant illégalement le permis de construire sollicité par les acquéreurs de son terrain et de porter à la somme de 36 100 euros le montant de l'indemnité due au titre de ces préjudices assorti des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2019 ainsi que la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Florensac une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le lien de causalité entre l'illégalité du refus de permis de construire opposé à l'acquéreur de sa parcelle et ses préjudices est établi ;
- le préjudice financier dû à l'immobilisation du produit de la vente de sa parcelle résultant de l'illégalité du refus de permis de construire opposé à l'acquéreur de sa parcelle a perduré sur une période de deux ans, ce qui le porte à la somme de 6 900 euros en tenant compte d'un taux d'intérêt de 1,5% ;
- elle a aussi subi un préjudice financier dû aux frais de loyers qu'elle a exposés pour un montant de 39 840 euros ;
- elle a également enduré des troubles dans les conditions d'existence évalués à la somme de 15 000 euros.
Par ordonnance du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2023.
II.- Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04866 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04866 le 21 décembre 2021 et le 15 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Bonnet, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en tant que le tribunal administratif de Montpellier a limité à 5 750 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Florensac en réparation des préjudices subis du fait de la faute qu'elle a commise en refusant illégalement le permis de construire sollicité par les acquéreurs de son terrain ;
2°) de porter à la somme de 36 100 euros le montant de l'indemnité due au titre de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Florensac une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préjudice financier dû à l'immobilisation du produit de la vente de sa parcelle résultant de l'illégalité du refus de permis de construire opposé à l'acquéreur de sa parcelle a perduré sur une période de deux ans, ce qui le porte à la somme de 6 900 euros en tenant compte d'un taux d'intérêt de 4,5% ;
- elle a aussi subi un préjudice financier dû aux frais de loyers qu'elle a exposés pour un montant de 39 840 euros ;
- elle a également enduré des troubles dans les conditions d'existence évalués à la somme de 15 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2023, la commune de Florensac, représentée par Me Moreau conclut au rejet la requête de Mme B... et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.
Par ordonnance du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2023.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement des requêtes de la commune de Florensac et de Mme B....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Bellotti, représentant la commune de Florensac ;
- et les observations de Me Bonnet, représentant Mme B... présente à l'audience.
Une note en délibéré présentée par Mme B..., représentée par Me Bonnet, a été enregistrée le 4 janvier 2024 dans chacune des instances n° 21TL04865 et n° 21TL04866.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a signé, par acte notarié du 11 février 2017, un compromis de vente d'une parcelle dont elle est propriétaire sur le territoire de la commune de Florensac (Hérault), comportant une condition suspensive liée, notamment, à l'obtention par les acquéreurs d'un permis de construire. Par jugement du 15 mai 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 juin 2017 par lequel le maire de Florensac a opposé à ces acquéreurs un refus de permis de construire. Par les présentes requêtes enregistrées sous les n° 21TL04865 et n° 21TL04866, la commune de Florensac et Mme B... relèvent chacune appel du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Florensac à réparer les préjudices subis par Mme B... du fait de l'illégalité fautive entachant l'arrêté du 29 juin 2017 pour un montant de 5 750 euros et à mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande, dans l'instance n° 21TL04865 engagée par la commune de Florensac, à ce que le montant de l'indemnité réparant ses préjudices soit porté à la somme de 36 100 euros. Les requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions en indemnisation :
2. Si la décision par laquelle l'autorité administrative refuse illégalement un permis de construire constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée à l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité du refus de permis et les préjudices dont se prévaut le pétitionnaire. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un compromis de vente a été signé devant notaire, le 11 février 2017, entre Mme B... et de futurs acquéreurs en vue de la vente de sa parcelle. Il ressort des termes mêmes de cet acte que ledit compromis était soumis à une condition suspensive liée à l'obtention d'un permis de construire valant division avant le 15 juin 2017 pour la réalisation d'une construction " de 10 villas maximum élevées chacune de R+1, à l'exclusion de tout bâtiment collectif ". Ainsi, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que les futurs acquéreurs auraient renoncé à cette condition suspensive ou auraient prorogé ce compromis de vente, Mme B... ne bénéficiait plus, à la date d'édiction du refus de permis de construire du 29 juin 2017 opposé illégalement par le maire de Florensac, d'un engagement souscrit par ses futurs acquéreurs. Par suite, le préjudice lié à l'immobilisation de son bien du fait de la non-réalisation de la vente ne peut pas être regardé comme trouvant sa cause directe et certaine dans l'illégalité de ce refus de permis de construire.
4. En second lieu, Mme B... soutient avoir dû exposer des loyers jusqu'à ce jour et subir des troubles dans les conditions d'existence du fait du refus de permis de construire du 29 juin 2017 opposé illégalement par le maire de Florensac. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, un tel préjudice résulte de l'absence de réalisation de la vente du fait de la mise en jeu de la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire avant le 15 juin 2017 et non de l'illégalité contenue dans ce refus de permis de construire intervenu postérieurement. Par suite, elle ne justifie d'aucun lien direct et certain entre de tels préjudices et l'illégalité de ce refus de permis de construire.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Florensac est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme B... la somme de 5 750 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité entachant le refus de permis de construire du 29 juin 2017 et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, Mme B... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel principal et par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité le montant de l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Florensac en réparation des préjudices résultant de cette illégalité à une somme de 5 750 euros.
Sur les frais liés aux litiges :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. Les conclusions de Mme B... présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Florensac tendant à l'application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La requête d'appel, l'appel incident de Mme B... et ses conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la requête présentée par la commune sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Florensac au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Florensac.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°21TL04865, 21TL04866